« Personne n’a inté­rêt à mettre la liai­son Rhônex­press dans le mur »

Alors que le comité syndical du Sytral doit se prononcer ce vendredi sur la résiliation, ou non, de la concession dont le contrat est jugé « déséquilibré » par la Métropole de Lyon, le président de Rhônexpress, Adnane El-Qotni, choisit Lyon Décideurs pour prendre la parole. Et faire valoir ses arguments au terme de dix mois de négociations. L'actuel concessionnaire, qui affirme avoir « pleinement répondu » aux attentes de la Métropole et du Sytral, s'estime pour la poursuite du dialogue. Tout en mettant en avant l'argument qu'une rupture du contrat ferait peser des risques sur les contribuables lyonnais. Et reviendrait, in fine, à leur faire payer l'addition.

Au terme de dix mois de rené­go­cia­tion du contrat où aucun accord n’a été trouvé avec la Métro­pole, le comité syndi­cal du Sytral se réunit ce vendredi pour déci­der, ou non, de la rési­lia­tion de la conces­sion Rhônex­press. Comment appré­hen­dez-vous ce vote ?

Adnane El-Qotni : Ce que je peux dire, sans violer l’ac­cord de confi­den­tia­lité qui encadre ces négo­cia­tions, c’est que nous avons fait des propo­si­tions concrètes en réponse au cadre posé par les collec­ti­vi­tés au début de la négo­cia­tion, en avril dernier. Nous avons ainsi proposé une baisse géné­rale des tarifs, avec une réduc­tion plus impor­tante pour les lyon­nais. Nous nous sommes enga­gés à favo­ri­ser une meilleure desserte de l’est lyon­nais en adap­tant notre service pour permettre l’aug­men­ta­tion des cadences du tram­way T3 aux heures de pointe. Nous nous sommes égale­ment orga­ni­sés pour permettre une desserte quoti­dienne du Grou­pama Stadium. Enfin, des alter­na­tives à Rhônex­press existent doré­na­vant : les lignes TCL 47 et 48 subven­tion­nées à desti­na­tion de l’aé­ro­port ont été ouvertes. Toutes ces propo­si­tions, c’est ce qu’at­tendent les collec­ti­vi­tés et les habi­tants de la Métro­pole. Nous espé­rons donc que le vote sera raisonné, nous ne le compren­drions pas dans le cas contraire.

Pour autant, ces longues négo­cia­tions avec la Métro­pole et le Sytral qui n’ont pas abouti. D’après vous, est-ce que tout le monde voulait vrai­ment arri­ver à un accord ?

Les sujets qui nous séparent avec la Métro­pole ne sont que des méca­nismes juri­diques, qui néces­sitent d’être fina­li­sés entre tech­ni­ciens. Il y avait trois points dans la demande de la Métro­pole et du Sytral en entrée de négo­cia­tion et présen­tés offi­ciel­le­ment le 12 avril en comité syndi­cal : bais­ser les tarifs, amélio­rer la desserte de l’est lyon­nais et mettre en place des alter­na­tives à Rhônex­press. On y a plei­ne­ment répondu.

« Je pense qu’il faut dépas­sion­ner le débat, proba­ble­ment calmer le jeu et se centrer sur l’es­sen­tiel dans l’in­té­rêt collec­tif »

Il n’a échappé à personne que le dossier Rhônex­press est devenu un sujet de campagne des prochaines élec­tions à la Métro­pole entre David Kimel­feld qui milite pour une rési­lia­tion, et Gérard Collomb favo­rable, lui, à une média­tion. Pour vous, la période élec­to­rale a pollué les négo­cia­tions ?

Nous sommes effec­ti­ve­ment dans une période un peu sensible. Je pense qu’il faut dépas­sion­ner le débat, proba­ble­ment calmer le jeu et se centrer sur l’es­sen­tiel dans l’in­té­rêt collec­tif. Certes, il y a un calen­drier poli­tique, mais il y a surtout un outil, Rhônex­press, qui fonc­tionne parfai­te­ment chaque jour et qui est indis­pen­sable au rayon­ne­ment de la Métro­pole à l’in­ter­na­tio­nal. Depuis dix ans, notre mission de service public n’a jamais été remise en cause et a toujours été faite de manière exem­plaire en faisant de ce projet un véri­table succès tech­nique et commer­cial, ce qui se confirme par le taux de satis­fac­tion de notre clien­tèle de plus de 90%. Le dialogue doit donc se pour­suivre. Personne n’a inté­rêt à mettre la liai­son Rhônex­press qui fonc­tionne dans le mur, ni à bais­ser la qualité de service, et à inquié­ter nos colla­bo­ra­teurs.

Vous êtes donc favo­rable à la pour­suite des discus­sions sous forme d’une média­tion ?

Rhônex­press est porté par trois grands groupes respon­sables (Caisse des dépôts, Vinci Conces­sions et Trans­dev), qui ont une vision à long terme et qui sont bien évidem­ment favo­rables à la pour­suite du dialogue d’au­tant que les sujets qui nous séparent avec les collec­ti­vi­tés sont très faibles. Il serait domma­geable d’uti­li­ser la voie ultime de la rési­lia­tion alors que Rhônex­press a répondu favo­ra­ble­ment à l’en­semble des points et que des solu­tions existent pour permettre de fina­li­ser posi­ti­ve­ment cette rené­go­cia­tion.

« Depuis l’ori­gine, le modèle écono­mique de Rhônex­press est simple : Seul l’usa­ger qui emprunte la navette paie le service. »

Une baisse des tarifs de l’ordre de 25% annon­cée par la Métro­pole en cas de rupture du contrat avec Rhônex­press vous paraît-elle réali­sable ?

Tout est possible, mais à quel prix ? Cette baisse des tarifs devra être finan­cée par la collec­ti­vité. Elle coûtera donc aux contri­buables, quoiqu’on en dise. A l’in­verse, Rhônex­press propose des baisses tari­faires à coût zéro pour le contri­buable de la Métro­pole, avec exac­te­ment le même niveau de service. Cela signi­fie que l’en­tre­prise Rhônex­press supporte cette réduc­tion des tarifs sans que les impôts des lyon­nais soient impac­tés.

Mais compre­nez-vous que les tarifs de la navette (16, 30 euros l’al­ler simple, 28,30 euros l’al­ler-retour) soient jugés exces­sifs par de nombreux utili­sa­teurs ?

Depuis l’ori­gine, le modèle écono­mique de Rhônex­press est simple. Seul l’usa­ger qui emprunte la navette paie le service. Le prin­cipe, c’est que ceux qui ne prennent jamais l’avion ou un TGV à la gare Saint-Exupéry ne soient pas mis à contri­bu­tion, à travers l’im­pôt, pour finan­cer ce service. Mais peut-être n’avons-nous pas été assez clairs sur ce point. Alors je le rappelle très clai­re­ment : Rhônex­press ne perçoit pas d’argent public pour exploi­ter et gérer la liai­son express Lyon-Aéro­port. Le passa­ger paie un prix non subven­tionné. Cela veut dire que sur les impôts des Lyon­nais, il n’y a pas une ligne pour payer l’ex­ploi­ta­tion de Rhônex­press, contrai­re­ment à un ticket de bus ou de métro par exemple. C’est pour ça que le prix du billet peut être vu comme « cher ». D’ailleurs pour une navette qui fonc­tionne sans subven­tion publique, le tarif de Rhônex­press se situe dans la moyenne euro­péenne. Ce qui a d’ailleurs été rappelé dans le rapport de la Chambre régio­nale des comptes publié en novembre 2019. A mon sens, la ques­tion centrale que l’on doit se poser aujourd’­hui, est : veut-on conti­nuer sur un modèle où seul l’usa­ger paie le service ? Ou souhaite-t-on faire payer à tous les Lyon­nais, le coût de Rhônex­press ? Y compris à ceux qui ne prennent jamais l’avion ou ne vont jamais prendre le train à la gare Saint-Exupé­ry…

Vous évoquiez le rapport de la Chambre régio­nale des comptes, qui pointe égale­ment une conces­sion « struc­tu­rel­le­ment déséqui­li­brée dès son origine avec une durée exces­sive par rapport au faible enga­ge­ment du parte­naire privé tant en finan­ce­ment qu’en prise de risque »…

Nous ne pouvons pas parler de contrat déséqui­li­bré. La société Rhônex­press a expli­ci­te­ment assumé depuis la signa­ture du contrat les risques de concep­tion, construc­tion, d’ex­ploi­ta­tion, de main­te­nance lourde, finan­ciers, et de fréquen­ta­tion de la ligne. Le fait que certains risques ne se soient pas réali­sés à ce jour ne signi­fie pas qu’ils n’exis­taient pas ni qu’ils ne sont pas, pour certains (exploi­ta­tion, main­te­nance, trafic et recettes) suscep­tibles de se maté­ria­li­ser au cours des 20 prochaines années de la conces­sion. Ils ne doivent, en tout état de cause, être aucu­ne­ment mis au passif du parte­naire privé, qui a pris ses risques au moment où aucun des para­mètres du projet n’étaient des certi­tudes. Rhônex­press a jusqu’ici plutôt démon­tré sa capa­cité à maîtri­ser et à gérer lesdits risques. Et, depuis la mise en exploi­ta­tion, Rhônex­press assume seul les risques finan­ciers liés à l’ex­ploi­ta­tion de la ligne sans aucune subven­tion publique. Seules les recettes perçues auprès des passa­gers permettent le finan­ce­ment de l’ex­ploi­ta­tion de la ligne.

« Mettre un terme à un service utile qui donne satis­fac­tion serait un échec. »

On rapporte aussi que Rhônex­press se porte très bien écono­mique­ment, que les action­naires gagnent beau­coup d’argent alors même que la Métro­pole ne récu­père aucun béné­fice. Comment le justi­fiez-vous ?

Je suis ravi que vous me posiez cette ques­tion, cela va me permettre de répondre à des choses fausses qu’on lit parfois. Tout d’abord, dans une conces­sion, le résul­tat net comp­table n’offre qu’une lecture réduite de la situa­tion finan­cière de l’en­tre­prise. Pourquoi ? Parce que dans une conces­sion,  le parte­naire privé finance tout ou partie du projet et qu’il doit amor­tir cet inves­tis­se­ment sur une durée limi­tée, en remet­tant à la fin de la conces­sion, le projet pour 0 euro à la collec­ti­vité. C’est pour cela que la renta­bi­lité d’une conces­sion ne se mesure pas de la même façon que dans les autres secteurs d’ac­ti­vi­tés en faisant le ratio entre le résul­tat net et le chiffre d’af­faires. Je vous invite à regar­der nos chiffres, ils sont publics. Les action­naires ont investi 17,7 millions d’eu­ros en 2007 pour finan­cer une partie du projet Rhônex­press. A date, il reste à rembour­ser près de 8 millions d’eu­ros. La renta­bi­lité de Rhônex­press est pour le moment égal à 0, donc aucun divi­dende n’a été versé aux action­naires de Rhônex­press depuis la signa­ture du contrat de conces­sion en 2007.

Quelles seraient, d’après vous, les consé­quences d’une rési­lia­tion du contrat de conces­sion ?

Mettre un terme à un service utile qui donne satis­fac­tion serait un échec. La rési­lia­tion aura un coût impor­tant pour le contri­buable et la qualité de service sera diffi­cile à main­te­nir. En cas de rési­lia­tion, le contri­buable devra finan­cer par l’im­pôt, le rachat de la conces­sion, finan­cer la baisse des tarifs et suppor­ter les futurs risques finan­ciers de la ligne. En rési­liant le contrat de conces­sion, l’en­semble des risques assu­més par Rhonex­press depuis la signa­ture du contrat seront trans­fé­rés aux contri­buables lyon­nais.

Propos recueillis par Vincent Lonchampt

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