Le V de la victoire réalisé les deux bras en l’air par David Kimelfeld à l’énoncé du vote ne trompe pas : il a réalisé un coup politique en faisant adopter, le 21 février par le conseil syndical du Sytral, la résiliation du contrat de la liaison Rhônexpress opérée par Vinci. La fin d’un feuilleton de plus de huit mois, lancé en avril dernier par l’ouverture de négociations avec les délégataires de la concession (Vinci, Caisse des Dépôts et Transdev) pour rediscuter d’un contrat jugé « très déséquilibré ». En cause, une durée excessive (30 ans) au regard des risques financiers « qui reposent sur la collectivité » et non sur l’opérateur.
Autre question au cœur des discussions, une baisse drastique du prix du billet de la navette qui dessert l’aéroport Saint-Exupéry (16,30 euros l’aller simple, 28,30 euros l’aller-retour). Et si Gérard Collomb militait pour l’ouverture d’une médiation, la résiliation était la « seule issue possible » pour le clan Kimelfeld. « Depuis le début de la négociation en avril, on a fait des propositions multiples et variées, des offres finales puis des offres ultimes et enfin des offres finales ultimes… On n’a jamais réussi à se mettre d’accord. La résiliation n’était pas le choix privilégié au départ, mais il était temps de dire stop », rapporte le vice-président de la Métropole en charge des marchés publics Gérard Claisse, qui a conduit les discussions pour le compte de la collectivité.
Sans surprise, les deux camps se rejettent aujourd’hui la responsabilité de l’échec des négociations. « La stratégie de Rhônexpress a été de jouer la montre. Ils lâchaient des choses, ce qui rééquilibrait un peu le contrat, mais sans que ce ne soit jamais à la hauteur. Ils espéraient qu’aucune décision ne soit prise avant les élections », poursuit Gérard Claisse. Une stratégie réfutée par Adnane El-Qotni, le président de Rhônexpress, qui juge « incompréhensible » la résiliation : « Les derniers sujets qui nous séparaient avec la Métropole n’étaient que des mécanismes juridiques, qui nécessitaient d’être finalisés en quelques réunions entre techniciens. Il y avait trois principaux points dans la demande de la Métropole et du Sytral en entrée de négociation : baisser les tarifs, améliorer la desserte de l’Est lyonnais et mettre en place des alternatives à Rhônexpress. On y a pleinement répondu », plaide-t-il.

Contexte électoral
Personne n’est dupe, l’actualité électorale a eu une grande influence sur les négociations. Et notamment sur les relations entre la Métropole et la présidente du Sytral, Fouziya Bouzerda (1), qui participait également aux négociations et s’est abstenue lors du vote de la résiliation. Proche de Collomb, pressentie un temps pour être tête de liste à Lyon, cette dernière s’est fait retirer par Kimelfeld sa délégation de vice-présidente en charge de l’économie début octobre. « Cela a évidemment eu une incidence et comme il est incontestable que les calculs politiques ont pollué les débats. La position de Fouziya Bouzerda n’était d’ailleurs pas très confortable. En tant que soutien de Collomb, elle ne pouvait pas aller dans le sens de Kimelfeld. Mais en tant que présidente du Sytral, elle ne pouvait pas non plus s’opposer à la résiliation et risquer d’être mise en minorité au sein du conseil », rapporte un proche du dossier.
En faisant adopter la résiliation (12 pour, 5 abstentions, 6 contre), David Kimelfeld fait donc coup triple : il remporte son match face à Gérard Collomb au sein du Sytral, se donne la posture de celui qui a osé s’opposer à un puissant groupe privé, et peut faire valoir aux Lyonnais une future baisse de l’ordre de 20 % du prix du ticket « supérieure à celle acceptée par Rhônexpress » tout au long des négociations. En prime, « cette résiliation rapportera environ 50 millions d’euros à la Métropole à l’horizon 2038 », avance David Kimelfeld.
Une analyse optimiste contestée par Gérard Collomb, qui pointe le versement d’indemnités de rupture « de 32 millions d’euros a minima et jusqu’à 120 millions d’euros ». Le président de Rhônexpress est lui carrément alarmiste : « Le contribuable devra financer, par l’impôt, le rachat de la concession, la baisse des tarifs et supporter les futurs risques financiers de la ligne. En résiliant le contrat de concession, l’ensemble des risques assumés par Rhonexpress seront transférés aux contribuables lyonnais », prévient Adnane El-Qotni.
(1) Fouziya Bouzerda n’a pas répondu à nos sollicitations.
Les Faits :
9 août 2010
Inauguration de la liaison Rhônexpress qui relie la Part-Dieu à l’aéroport Saint-Exupéry en moins de 30 minutes. Immédiatement, les tarifs de la navette sont très largement critiqués.
12 avril 2019
La Métropole et le Sytral annoncent la renégociation du contrat de concession de Rhônexpress. La première réunion de travail a lieu le 30 avril, avec l’objectif initial de parvenir à la signature d’un avenant au contrat d’ici à l’automne 2019.
5 décembre 2019
David Kimelfeld demande la convocation d’un conseil syndical du Sytral pour soumettre au vote la résiliation du contrat de Rhônexpress.
21 février 2020
Le conseil syndical du Sytral adopte la résiliation du contrat. Le clan Kimelfeld a voté pour (Georges Képénékian, Michel Le Faou…), Gérard Collomb et Fouziya Bouzerda se sont abstenus, tandis que la droite (François-Noël Buffet, Philippe Cochet…) s’est prononcée contre.