Vous appelez les entreprises du BTP à l’arrêt des chantiers. C’était impossible de continuer l’activité dans le contexte actuel ?
Samuel Minot : L’intervention d’Emmanuel Macron lundi soir et l’annonce des mesures de confinement, de protection, de distanciation sanitaire et sociale, nous a tous laissés un peu pantois. On s’est demandé, nous chefs d’entreprise du BTP, comment on allait pouvoir garantir la bonne application des règles sanitaires imposées sur les chantiers (distanciation d’un mètre entre les personnes, port des gants, des masques,…). La réflexion a été menée de concert, et très vite, on a compris qu’il allait être très difficile de garantir cette sécurité à nos salariés. J’en ai donc appelé à la responsabilité des chefs d’entreprise pour stopper les chantiers sur le département du Rhône. Si les urgences sanitaires sont celles qu’on nous présente depuis quelques jours, il faut bien évidemment qu’on arrête les chantiers et qu’on stoppe notre activité.
La filière BTP est donc aujourd’hui à l’arrêt avec du chômage partiel généralisé. Combien de temps le secteur peut-il tenir dans cette configuration ?
La situation est inédite. Un arrêt total des activités du jour au lendemain comme celui-là, c’est du jamais-vu. Je ne veux pas être négatif mais c’est cataclysmique ce qui se passe actuellement. Le gouvernement l’a bien compris en prenant certaines mesures d’urgence d’aides aux entreprises. Mais la grosse difficulté de nos entreprises du BTP concerne leur trésorerie. Une grande partie de notre tissu économique navigue avec une trésorerie très faible. Donc le fait de ne pas facturer, de ne pas pouvoir rentrer de revenus et de devoir tout de même décaisser une partie de charges fixes, ça va avoir des effets collatéraux immenses. Je crains cela aujourd’hui. Quinze jours d’arrêt, c’est déjà énorme, et si ça doit se prolonger à quatre ou six semaines, la situation sera très compliquée.
« Les entreprises qui pourront reprendre leur activité quand le moment sera venu, ce sont celles à qui il restera de la trésorerie »
On imagine que vous êtes très sollicités par vos adhérents ces derniers jours. Quelles sont leurs inquiétudes et comment BTP Rhône s’organise en ces temps de crise ?
Les questions qui reviennent concernent principalement la gestion immédiate de l’arrêt des activités et toutes les démarches administratives à entreprendre. Comment je fais pour m’arrêter ? Que dois-je faire pour avoir recours au chômage technique ? Ils veulent aussi savoir comment ils peuvent freiner leurs charges. On les met donc en connexion avec l’Urssaf, le fisc, les banques, la BPI pour qu’ils puissent sauver au maximum leur trésorerie. Les entreprises qui pourront reprendre quand le moment sera venu, ce sont celles à qui il restera de la trésorerie. C’est la principale urgence de BTP Rhône. Nous avons mis en place une cellule de crise en télétravail. Une quinzaine de cadres sont mobilisés toute la journée pour assister et répondre aux questions de nos adhérents.

Qu’attendez-vous du gouvernement ?
On a déjà besoin de savoir si la situation dans laquelle nous sommes s’apparente à un cas de force majeure, qui est défendu par notre profession. Nous sommes tous tenus, donneurs d’ordres, promoteurs, entreprises, sous-traitants, par des clauses contractuelles de respect d’un certain nombre de délais, qui peuvent être écartés et décalés grâce à la reconnaissance d’un cas de force majeure. Donc on a besoin d’avoir des éclaircissements très précis du gouvernement à ce sujet.
Et concernant les mesures qui seront mises en place pour sortir de cette crise ?
Ce serait inimaginable que le gouvernement ne s’engage pas sur un plan d’aide majeur. Je ne le connais pas, je ne sais pas comment il sera déployé, je pense que le gouvernement ne le sait même pas encore puisque l’urgence actuelle est au traitement de l’épidémie. Mais tout ce qui pourra reporter les charges fixes des entreprises permettra d’assurer une survie de plus d’entreprises. On sort d’une année 2019 plutôt bonne en terme d’activité mais malheureusement la majorité des entreprises du secteur n’ont pas pu reconstituer des trésoreries suffisantes. Certaines risquent d’être un peu étranglées. C’est encore trop tôt et difficile d’imaginer quoi que ce soit, mais je ne peux pas enlever mon inquiétude quant à la rapidité d’exécution des mesures qui seront prises.
« L’événement est foudroyant et va avoir des effets énormes »
Il faut donc agir vite…
Oui, le gouvernement doit être très réaliste et très réactif. Le BTP a un niveau de résilience assez fort, sous réserve d’être fortement aidé par le gouvernement. Il ne faudra donc pas hésiter à débloquer des fonds d’un montant exceptionnel pour passer cette crise et nous éviter de diriger des entreprises en banqueroute immédiate. C’est ce qui risque d’arriver si la situation perdure.
Comment le secteur va-t-il pouvoir se remettre de cette crise ?
La priorité est simple : que les entreprises prennent les bonnes décisions pour limiter le casse. L’événement est foudroyant et va avoir des effets énormes. Il faut donc d’abord se donner toutes les chances de réussite, et prendre les bons réflexes, immédiatement. Alors comment allons-nous reprendre ? Dans quelles conditions ? Avec qui ? Je ne veux pas faire de pronostic mais je crains que l’échiquier soit malheureusement bouleversé pour beaucoup d’entreprises et de salariés. Je veux donc aujourd’hui concentrer toute mon énergie et celle de BTP Rhône pour aider les chefs d’entreprise à agir le mieux possible.
Propos recueillis par Maxime Feuillet