Le sens du timing. En pleine polémique autour des essais du professeur Raoult sur l’usage de la chloroquine contre le coronavirus, les représentants syndicaux du groupe Famar font entendre leur voix et dégainent un communiqué alarmant le 20 mars dernier : « Famar Lyon est l’unique usine enregistrée pour délivrer le marché français en Nivaquine (chloroquine). Mais elle risque une fermeture si aucune solution de reprise n’est présentée au tribunal de commerce. » Menacée de fermeture après le choix de Sanofi d’arrêter toutes ses commandes auprès du site après le 10 juillet prochain, la société pharmaceutique de 250 salariés se retrouve alors subitement au coeur de l’actualité.
Sur fond d’urgence sanitaire, la classe politique s’empare du sort réservé à Famar et les solutions nouvelles se bousculent. De quoi surprendre Roland Crimier, le maire de St-Genis-Laval, qui voyait jusqu’alors rester sans suite les différents appels d’offre réalisés depuis l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire. « Nous étions bien seuls, avec la Métropole, pour aider à trouver des repreneurs, et ce, dès juillet 2019, bien avant la crise du Covid-19 », soutient l’élu, satisfait pour autant d’un regain d’intérêt pour l’entreprise située sur sa commune. La Région, par la voix de son président Laurent Wauquiez, annonce ainsi, dès le 25 mars, être « prête à mobiliser ses aides » pour trouver un projet de reprise « permettant de sauver Famar, le seul producteur français de ce qui peut être un espoir et une piste suffisamment sérieuse pour ne pas être écartée ».

L’hypothèse d’une nationalisation
Cinq jours plus tard, les deux sénateurs du Rhône, Gilbert-Luc Devinaz et Annie Guillemot, appellent le gouvernement à envisager la nationalisation de Famar « dans les meilleurs délais » pour permettre à l’Etat d’assurer son « indépendance sanitaire » à l’avenir. « La crise a fait ressortir des faiblesses, il faut s’y atteler pour les rectifier, développe Gilbert-Luc Devinaz. Nous avons un problème d’indépendance dans le secteur pharmaceutique, un secteur qui a pris une importance fondamentale dans ce que l’on vient de vivre. Il est essentiel d’avoir sur notre territoire des entreprises qui fabriquent des produits et nous permettent, en cas de crise, d’être indépendants de ravitaillements qui viendraient de la Chine ou de l’Inde. » Deux propositions de loi sont ainsi déposées par la France Insoumise et le groupe socialiste pour nationaliser l’entreprise.
De son côté, le gouvernement reste flou et semble privilégier, selon les dires de Bruno Le Maire, le scénario d’une reprise à celui d’une nationalisation. Les avis divergent sur le sujet, d’autant que la Nivaquine à base de chloroquine, fabriquée par Famar, ne contient pas d’hydroxychloroquine, le remède cher au professeur Raoult utilisé – mais désormais interdit – dans le traitement contre le coronavirus. D’autres élus, à l’image de Roland Crimier, militent pour des solutions alternatives. « Je suis davantage favorable à un partenariat public-privé avec un soutien de la collectivité pour permettre à Famar de se réadapter au niveau de son offre et donc retrouver des clients pour être à nouveau en bonne santé », soutient l’édile de St-Genis-Laval. De son côté, la Métropole a proposé de reprendre le foncier pour ne laisser à un repreneur que l’investissement dans l’outil de production. Une hypothèse confirmée Me Eric Etienne-Martin, l’administrateur judiciaire en charge de la procédure, mais jugée toutefois peu crédible par Gilbert-Luc Devinaz en raison de l’arrivée des 150 nouveaux conseillers métropolitains, et d’un nouvel exécutif après les élections du 28 juin prochain.
Alors que la date limite des offres de reprise de Famar était fixée au 25 mai, trois offres ont été déposées devant le tribunal de commerce. « Parmi les trois candidats, nous avons un industriel libanais du secteur pharmaceutique (Benta Pharma Industries), une offre portée par un manager (ancien directeur du site) et une autre d’un investisseur français, qui n’est pas issu de ce secteur d’activité, qui essaie de monter un projet industriel. On souhaite que le tribunal de commerce de Paris puisse se prononcer sur ces offres d’ici la fin du mois de juin », conclut Me Eric Etienne-Martin.

LES FAITS
24 juin 2019 : Propriété du fonds d’investissement new-yorkais KKR depuis 2017, la société pharmaceutique Famar Lyon est placée en redressement judiciaire.
20 mars 2020 : Les délégués syndicaux de Famar publient un communiqué et expliquent que l’entreprise est la seule habilitée par l’agence du médicament à fabriquer la Nivaquine, à base de chloroquine.
14 avril 2020 : Après la France Insoumise, le groupe socialiste (SOC) dépose une proposition de loi de nationalisation de Luxfer et de Famar, deux entreprises « particulièrement nécessaires à l’indépendance sanitaire de la Nation » dans le contexte d’épidémie de coronavirus.
25 mai 2020 : Trois offres de reprise déposées devant le tribunal de commerce de Paris.
10 juillet 2020 : Date butoir des commandes de Sanofi auprès du site Famar Lyon.