C’était il y a un peu plus de six mois. Bruno Blin, PDG de Renault Trucks, rayonnant, accueillait à Eurexpo les acteurs du poids lourds, à l’occasion du grand rendez-vous professionnel, Solutrans. A quelques encablures du siège historique de l’entreprise, filiale du groupe Volvo Trucks, Bruno Blin rappelait les racines historiques de l’entreprise fondée par Marius Berliet et sa fierté de voir Renault Trucks, avoir repris des couleurs, embauché plus de 1 000 personnes ces deux dernières années, assuré le renouvellement complet de sa gamme, négocié le virage de la transition énergétique avec des véhicules électriques, en s’appuyant sur le savoir-faire du groupe suédois très en pointe sur les bus électriques. Certes, le patron du constructeur de poids lourde concédait que le second semestre 2019 était un peu moins dynamique que le premier semestre. Et que 2020 marquerait sans doute un tassement. Mais rien d’inquiétant. Et puis le groupe n’avait-il pas décidé d’investir 33 millions € dans un nouveau centre de R & D lyonnais à horizon 2021 ?
Seulement voilà, la crise sanitaire est passée par là, entre temps. Et, même si les fondamentaux semblaient solides, la filiale du groupe suédois a indiqué, hier, « envisager de procéder à un ajustement de nos effectifs, en France, afin de restaurer notre compétitivité, et d’assurer notre développement sur le long terme ». En cause, la crise économique mondiale et le ralentissement du marché du poids lourd, débouchant sur un projet de réduction des coûts. « Ceci pourrait conduire à la suppression, en France, de 463 postes, exclusivement des postes d’employés et de cadres. Renault Trucks réfléchit, en parallèle, à créer de nouveaux postes par la ré-internalisation de certaines activités qui permettrait de réduire le nombre de suppression de postes de façon significative ». La direction dit vouloir privilégier les départs volontaires. « Notre volonté est de nous appuyer uniquement sur des mesures de départs volontaires et des mobilités internes, et ainsi de ne procéder à aucun licenciement contraint ».
Colère des syndicats
Sauf que, dans un marché du travail où le nombre des chômeurs s’accroit fortement depuis quelques semaines, les départs volontaires risquent de ne pas être très nombreux. Du côté des syndicats, l’annonce passe très mal. Autant les syndicats avaient applaudi à la décision de Volvo de ne pas distribuer de dividendes en 2020 et s’étaient réjoui d’un accord de solidarité chez Renault Trucks entre cadres et ouvriers pour que ces derniers soient le moins touchés possible sur le plan salarial par le chômage partiel. Autant l’annonce d’un plan de départs a provoqué des réactions d’incompréhension.
La CFDT rappelle que le « groupe a bénéficié de financements massifs de la part de l’État dans le cadre de la mise en activité partielle des salariés français. C’est en totale contradiction avec la position commune dans la branche de la métallurgie entre le patronat et trois organisations syndicales, qui préconisent l’instauration d’un dispositif d’activité partielle de longue durée afin de préserver l’emploi de tous les salariés ». La CFDT parle d’un « très mauvais coup porté à l’avenir de notre entreprise. Elle ne cautionne pas une réduction des effectifs décidée pour des raisons strictement financières, alors que d’autres solutions existent dans cette période de crise aigüe ». Même tonalité du côté de la CFE-CGC et de FO où l’on considère que la crise sanitaire a bon dos et que la direction oublie bien vite les aides reçues de l’Etat dans le cadre du chômage partiel. Les syndicats ont été reçus en préfecture par un collaborateur du Président de la République, qui se trouvait sur place après sa visite chez Sanofi.