Expliquez-nous votre accord « semaine de 4 jours/32 heures ». Y a-t-il dans le même temps, un accord d’annualisation du temps de travail pour faire face aux pics d’activités de décembre et début janvier ?
Laurent de la Clergerie : C’est vraiment un accord sur une semaine de 4 jours toute l’année, avec 32 heures hebdomadaires. Pour les pics d’activité, on passe en 2 équipes sur 8 heures, avec de l’intérim. Il n’y a pas d’annualisation et de lissage de la durée de travail selon l’activité.
Comment s’est passée cette négociation ?
À la fin de la NAO (Négociation annuelle obligatoire) sur les salaires, j’ai demandé s’il y avait encore une question et j’ai dit aux représentants du personnel : « J’ai une question : j’aimerais signer un accord sur la semaine de 4 jours, le passage aux 32 heures, seriez-vous d’accord pour en discuter ? ». La proposition a tout de suite été appréciée et saluée. Reste à la mettre en place. Ce n’est pas simple pour autant. Quand on fait 33 h au lieu de 32 h, la notion d’heure supplémentaire n’existe pas. Donc, il faut se caler sur certains points, revoir tous les plannings. L’idée, c’est de négocier cela de septembre à décembre pour une mise en place en janvier 2021.
Concrètement, comment ça se passe pour le 3e jour non travaillé de la semaine ?
Le principe serait que les salariés choisissent leur jour dans les trois derniers jours de la semaine entre le mercredi, jeudi et vendredi. Et que, dans l’organisation, chaque service puisse tourner chaque jour du lundi au vendredi sans avoir bien sûr un service complet à l’arrêt le vendredi.
Quel est le coût d’une telle mesure pour l’entreprise ?
De l’ordre de 1 million d’euros sur l’année, c’est négligeable. Pour beaucoup de postes, souvent le vendredi après-midi, le travail effectif n’est pas très important, donc enlever 3 heures par semaine, ça se gère. L’autre réflexion, c’est qu’en ayant un jour de repos supplémentaire, les salariés vont pouvoir caser dans cette journée, des tas de démarches personnelles (courses, réservations et autres) qu’ils pouvaient avoir la tentation de faire depuis leur poste de travail… Donc, leur efficacité en 4 jours sera bien plus grande. J’ai beaucoup réfléchi à la notion de repos et de bien-être au travail. Cette nouvelle organisation repose beaucoup là-dessus.
« Réfléchir à la notion de repos et de bien-être au travail«
Vous vous êtes inspiré d’une expérience de Microsoft ?
Oui, au Japon, une année, Microsoft a décidé de mettre tous les vendredis du mois d’août en repos. Et l’entreprise a enregistré sa meilleure performance ce mois-ci. Je crois beaucoup à la plus grande efficacité des équipes quand on a une meilleure répartition temps de travail/repos.
Que vous inspirent les discours patronaux sur le thème : il faut remettre la France au travail ?
Je ne suis pas du tout en mode militant. Et je ne me pose pas en donneur de leçons. Il se trouve que, dans mon entreprise, ça s’applique. Mais, ça ne s’applique pas partout. Dans une entreprise de 3 ou 4 personnes, cela ne fonctionne pas. Nous, nous sommes près de 1 000 collaborateurs.
Avant ce projet d’accord 32 heures, votre négociation avait abouti à un projet de hausse des salaires. Aura-t-il lieu avec cette réduction du temps de travail ?
Oui, nous avons prévu une hausse globale de 2 % de la masse salariale sur l’année. Les 32 h payées 35, c’est la cerise sur le gâteau…
Si la situation économique favorable que vous connaissez venait à se retourner, vous pourriez revenir en arrière ?
On a connu une période compliquée, il y a dix-huit mois. À cette époque, il y a eu un gel des salaires. Cela a été l’année la plus calme que nous ayons connue sur le plan social. L’entreprise s’est investie pour réussir et redresser la barre. Si le besoin s’en faisait sentir, à un moment donné, je ne doute pas qu’on pourrait faire une pause. Ce qui compte, c’est la notion de confiance très forte qui existe entre l’équipe et moi.
Vous allez créer des emplois ? Dans quels domaines ?
Une trentaine environ et je sais qu’on va crouler sous les CV et les demandes. Ce seront des postes de relations clients, de logistique, des postes dans les boutiques.