Saint-Exupéry : Tanguy Berto­lus face aux turbu­lences

Pour répondre à la chute vertigineuse du trafic aérien liée à la crise sanitaire, la direction d’Aéroports de Lyon, filiale de Vinci Airports et exploitant de la plateforme Saint-Exupéry, a signé un accord de performance collective (APC) avec les syndicats. De quoi éviter un important plan social et miser sur un retour à la normale d’ici cinq ans.

Un été agité dans les couloirs de Lyon-Saint-Exupéry. La direc­tion de l’aé­ro­port, repré­sen­tée par Tanguy Berto­lus, et les syndi­cats majo­ri­taires CFE-CGC et CFDT, ont signé, le 17 juillet dernier, un accord de perfor­mance collec­tive (APC) pour compen­ser la baisse signi­fi­ca­tive du trafic aérien. Cet accord prévoit 40 ruptures conven­tion­nelles indi­vi­duelles d’ici octobre (person­nel en fin de carrière, départs volon­taires) et la réin­ter­na­li­sa­tion de 80 postes équi­va­lents temps plein sous-trai­tés. « Il s’agit de la meilleure solu­tion pour préser­ver l’em­ploi plutôt qu’un plan social avec 120 licen­cie­ments. On a signé cet accord pour rassu­rer les sala­riés qui sont, pour une grande partie, en chômage partiel depuis plusieurs mois », détaille Laurent Cheva­lard, délé­gué syndi­cal CFE-CGC à Lyon-Saint-Exupéry. « On ne voulait aucun départ non-voulu. L’es­sen­tiel pour nous était de sécu­ri­ser les emplois et salaires dans cette période d’in­cer­ti­tude », pour­suit Florent Petrozzi, délé­gué syndi­cal CFDT.

Diffi­cile d’ima­gi­ner tel scéna­rio douze mois plus tôt. En septembre 2019, l’aé­ro­port lyon­nais rece­vait le prix de la meilleure plate­forme euro­péenne de l’an­née, parmi celles accueillant entre 10 et 25 millions de passa­gers par an. La récom­pense venait saluer la belle crois­sance de l’in­fra­struc­ture, gérée, depuis sa priva­ti­sa­tion en 2016, par un consor­tium mené par Vinci Airports. Cette dyna­mique (11,7 millions de passa­gers accueillis en 2019, contre 8,7 millions en 2015) devait se renfor­cer en 2020 grâce à l’im­plan­ta­tion de Qatar Airways et au déve­lop­pe­ment de l’offre de Volo­tea. Des pers­pec­tives attrayantes, censées conso­li­der le statut de Lyon-Saint-Exupéry, comme le deuxième aéro­port régio­nal derrière Nice-Côte d’Azur. Mais la crise sani­taire est passée par là, et ses réper­cus­sions ont été parti­cu­liè­re­ment sévères pour le secteur aérien. La société Aéro­ports de Lyon évoque ainsi une baisse du trafic de l’ordre de 63% sur le premier semestre 2020, plombé par l’ar­rêt des vols commer­ciaux entre mars et juin. « Au lieu de gérer 12 millions de passa­gers comme prévu sur l’an­née, on va en gérer 4, ce qui va repré­sen­ter un gros manque à gagner à la fin de l’an­née. », avance Laurent Cheva­lard, délé­gué syndi­cal CFE-CGC à Saint-Exupéry. 

Vinci laisse carte blanche

Face à cette chute verti­gi­neuse de l’ac­ti­vité, Vinci a d’abord envi­sagé mettre en oeuvre un PSE (plan de sauve­garde de l’em­ploi) avec le licen­cie­ment de 120 des 430 sala­riés d’Aéro­ports de Lyon. « La direc­tion du consor­tium à Paris était favo­rable à cette option mais la volonté de Tanguy Berto­lus, en accord avec les collec­ti­vi­tés, était de faire le maxi­mum pour sauver le plus d’em­plois sur site, dévoile Florent Petrozzi. Donc la direc­tion d’Aé­ro­ports de Lyon a eu carte blanche et nous a proposé cet APC lors des négo­cia­tions. »

Avec, en paral­lèle à cet accord de perfor­mance collec­tive, un plan prévoyant pour les sala­riés la suppres­sion d’une prime de vacances de 360 euros brut par an, le gel des augmen­ta­tions pendant deux ans et la perte de trois jours de RTT par an. Des contre­par­ties sociales diffi­ciles à accep­ter pour certains, notam­ment du côté de l’UNSA, qui a préféré ne pas signer les deux accords indis­so­ciables. « J’ai moi-même long­temps hésité à ne pas signer ces accords. J’ai trouvé qu’on avait été pressé dans les négo­cia­tions (fin mai-mi juillet), commente de son côté Florent Petrozzi. Mais cet APC est light comparé à ceux d’autres socié­tés en France. Et nous sommes partis sur un contrat de confiance avec la direc­tion, il y a un accord tacite, on veillera à ce qu’ils tiennent leurs enga­ge­ments. » 

Bourse à l’em­ploi

Après avoir négo­cié les 40 départs et la réin­ter­na­li­sa­tion de 80 postes sous-trai­tés d’ici octobre, sans quoi l’APC sera caduc, la direc­tion de l’aé­ro­port propo­sera aux sala­riés de choi­sir des postes tempo­raires (le temps de l’APC) ou pérennes, sous la forme d’une bourse à l’em­ploi, pour complé­ter leur acti­vité et leur taux d’em­ploya­bi­lité. « On sera très atten­tifs à l’équité entre les sala­riés dans les postes propo­sés. Que ce ne soit pas la bourse à l’em­ploi pour les copains d’abord », prévient le délé­gué syndi­cal CFDT Florent Petrozzi.

L’ac­cord, signé pour une période mini­male de deux ans (et pour cinq ans au maxi­mum), pren­dra fin lorsque trois objec­tifs seront remplis : 10 millions de passa­gers par an, un EBITDA de 70 millions d’eu­ros (83,9 millions en 2019) et un taux d’en­det­te­ment (ratio dette nette/EBITDA) à 4. De source syndi­cale et d’après les prévi­sions de trafic, ces condi­tions devraient être remplies d’ici trois ans. Mais qu’ad­vien­dra-t-il de l’aé­ro­port d’ici là ? De nombreux sala­riés redoutent la volonté des nouveaux exécu­tifs Verts à la Ville et à la Métro­pole de réduire la part du tourisme aérien à Lyon. « Ils ne se rendent pas compte que nous sommes plus de 5000 au total à bosser à l’aé­ro­port, et s’il n’y a pas de trafic, nous sommes 5000 à la rue », se désole Natha­lie Lapierre, délé­guée syndi­cale UNSA.

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