C’était prévisible. La décision du tribunal judiciaire de Lyon dans l’affaire ERAI enflamme la campagne électorale entre Laurent Wauquiez, les socialistes et les écologistes. Créée en 1987 par Alain Mérieux, alors 1er vice-président de la région Rhône-Alpes, ERAI -Entreprise Rhône-Alpes International- a vocation à accompagner les entreprises de la région dans leur développement à l’international à travers des antennes installées dans différents pays européens et sur les continents américain et asiatique. Ces bureaux sont animés, entre autres, par des étudiants qui facilitent les démarches des entreprises.
La belle mécanique des premières années se grippe dans les années 2000/2010 sous la présidence de Daniel Gouffé, ex dirigeant de Merial, qui règne en maître absolu sur l’association ERAI. Dérive financière, gouffre de la présence de Rhône-Alpes à l’exposition universelle de Shanghaï, opacité des décisions : Jean-Louis Gagnaire, vice-président PS de la région en charge du développement économique, voit venir la catastrophe. Il alerte Jean-Jack Queyranne, président PS de la région Rhône-Alpes. Ce dernier maintient néanmoins sa confiance à Daniel Gouffé. De fait, les élus de droite ne trouvent rien à redire, pas plus que les représentants patronaux siégeant au conseil d’administration. Ce sont les élus régionaux écologistes qui vont porter l’estocade en refusant de voter la subvention au printemps 2015, après avoir ferraillé avec Jean-Jack Queyranne sur ce dossier depuis plusieurs années. La droite prend alors ses distances. Plus de subvention régionale, le sort d’ERAI est scellé. Dépôt de bilan, liquidation judiciaire.
Faute de gestion
Le liquidateur, M°Bruno Walczak, défendant « l’intérêt collectif des créanciers d’ERAI », pour reprendre les termes de son avocat, M°Nicolas Bès, porte l’affaire en justice et réclame 10,465 millions à celle qui était alors la région Rhône-Alpes en comblement de passif. Une somme correspondant à tout le passif d’ERAI dû à des banques, des institutionnels, des fournisseurs divers ou bien encore l’AGS (l’organisme qui prend en charge les salaires et les indemnités de licenciement).
Pour le tribunal judiciaire de Lyon, la responsabilité de la Région ne fait aucun doute. Dans sa décision de condamner la collectivité territoriale à verser 10,4 millions d’euros au liquidateur, il évoque « la particulière gravité de l’implication » de la Région, dirigeant de fait de l’association, et parle de « faute de gestion ». Pour le tribunal, l’association ERAI a « poursuivi une exploitation structurellement déficitaire pendant plusieurs années et maintenu artificiellement ERAI en activité, ce qui constitue, non pas une simple négligence, compte tenu de la durée et de l’ampleur de cet état déficitaire, mais une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif dont elle doit être déclarée responsable ». Le tribunal pointe aussi « l’opération ruineuse » de Shanghaï.
Autant dire que cette décision du tribunal judiciaire de Lyon n’a pas fini d’être scrutée sur le plan juridique, au-delà de l’emballement politique auquel elle donne lieu. « Ce n’est pas banal qu’une collectivité locale soit poursuivie, pointe M°Nicolas Bès (photo). Et les condamnations sont assez rares sur des sujets de ce type. Avec l’affaire ERAI, il pourrait bien y avoir un avant et un après ».
Appel ou pas ?
Reste à savoir s’il y aura appel de cette décision. Laurent Wauquiez a tout de suite fait savoir que « la Région Auvergne-Rhône-Alpes va saisir la Justice en considérant que le précédent exécutif a commis des fautes particulièrement graves qui engagent sa responsabilité personnelle ». Mais il ne dit pas, pour autant, si la région va faire appel de cette décision en tant que telle. Si appel il y a, le résultat ne sera pas connu avant 18 mois. Et les 10,4 millions d’euros ne seront pas payés tant que l’affaire sera en cours. Seule certitude, le dossier ERAI n’est pas clos.