« Management absurde », « Start-up sans pilote », « Titanic »… Alain Thébault est en colère et le fait savoir en choisissant ses hashtags avec soin sur les réseaux sociaux. Le navigateur, président-fondateur de SeaBubbles en 2016, a choisi de lever l’ancre en janvier dernier, moins d’un mois après avoir revendu ses parts au fonds d’investissement lyonnais Mediapps Innovation. Aujourd’hui en Suisse à la tête de BubbleFly, un autre projet de navettes fluviales volantes, l’ex-recordman de vitesse à la voile, « fatigué par les nombreuses contraintes administratives françaises », tire à boulets rouges sur la gestion jugée « désastreuse » des nouveaux propriétaires de SeaBubbles.
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« Tous les cadres du projet ont été poussés à la démission, affirme-t-il, citant quatre autres départs en plus du sien. J’ai bien vu que Mediapps et son patron Béchara Wakim voulaient placer des proches à eux et même des personnes de leur famille dans l’entreprise. Moi, j’ai une ambition industrielle, je ne suis pas dans les histoires de famille, alors j’ai préféré partir. » Des accusations balayées d’un revers de la main par le président de Mediapps Innovation : « Tout ce que raconte Alain est faux. Mis à part une exception, on a seulement arrêté de travailler avec des prestataires extérieurs qui n’étaient pas salariés et ne faisaient donc pas partie de l’équipe en place. Alain raconte n’importe quoi. C’est sa méthode mais j’espère qu’un jour il arrêtera. » Pour étayer son propos, Béchara Wakim met en lumière d’autres inexactitudes dans le discours de l’ancien dirigeant de SeaBubbles. « Il affirmait l’an passé que la société avait enregistré ses cinq premières commandes mais c’est faux. Elles n’ont jamais existé, c’est Alain qui racontait ça, on a zéro commande aujourd’hui. » Une affirmation mensongère selon Alain Thébault : « On a bel et bien eu cinq commandes avec des contrats signés et des versements d’acompte. Le prix de vente était fixé à 250 000 euros mais Béchara a voulu leur rembourser ces acomptes parce qu’il ne voulait pas vendre à ce prix là mais à 900 000 euros. Il me fait passer pour un menteur alors que c’est lui qui ment. J’envisage un dépôt de plainte pour diffamation. »

Discussions avec le Sytral
Déstabilisée par ces querelles internes, l’entreprise entend repartir du bon pied, avec l’assemblage dans les prochains mois de son bateau 6–8 places. Mais la commercialisation de cette « Limousine » à hydrogène attendra septembre. « Auparavant, l’entreprise a fait beaucoup de promesses et pas grand chose n’a été tenu. Aujourd’hui, on préfère être sûrs de nous et de notre produit avant de signer quoique ce soit », précise Jean-Marie Nicot-Béranger, recruté en septembre dernier par Alain Thébault et nommé directeur général en janvier par Béchara Wakim.
Parmi ses clients potentiels, la société cible des grands groupes internationaux, aux Pays-Bas ou Etats-Unis notamment, des sociétés spécialisées dans le luxe, des géants de la mobilité comme Uber, des hôtels ou même des particuliers fortunés. Si de nombreux contacts ont déjà été noués, SeaBubbles espère vendre une dizaine de bulles en 2022 et 20 de plus en 2023, à un prix fixé à 900 000 euros pièce. Un tarif jugé exorbitant par Alain Thébault, qui ciblait davantage les collectivités locales dans son plan initial. « Certaines collectivités locales sont intéressées mais le processus à suivre avec elles est forcément très long. Avec d’autres clients potentiels, on peut avancer beaucoup plus rapidement », juge Béchara Wakim, qui vise un chiffre d’affaires entre 10 et 20 millions d’euros pour 2022–2023 et compte passer de 15 à 60 collaborateurs l’année prochaine. Sous l’impulsion de Syntagme qui gère sa communication, SeaBubbles pourrait aussi reprendre les discussions entamées avec la précédente mandature du Sytral pour déployer ses bateaux sur le Rhône et la Saône.