L’entre-deux tours des dernières municipales avait une saveur toute particulière dans le 2e arrondissement de Lyon. Avec la défaite au premier tour de Denis Broliquier, installé dans son fauteuil de maire depuis 2001, la Presqu’île s’est jouée entre deux nouveaux venus sur la scène politique lyonnaise : Pierre Oliver, 27 ans (LR) et Valentin Lungenstrass, 25 ans (EELV). « Pendant la campagne, on m’a beaucoup dit que j’étais trop jeune pour être élu maire, détaille Pierre Oliver, le candidat finalement victorieux. Alors je répondais : ‘Mais vous savez, mon adversaire est encore plus jeune que moi !’ » L’affrontement, inédit, symbolise parfaitement l’arrivée de cette nouvelle génération politique dans la métropole, prête à imposer ses propres codes et caractéristiques, sans non plus tomber dans le jeunisme à l’excès. « On apporte une certaine fraîcheur parce que nous ne sommes pas élus depuis 20 ans, mais ce serait trop facile de dire : ‘On est jeune, on va renverser la table. Les anciens, merci, rentrez chez vous’. Ça ne marche pas comme cela, la transmission est très importante et les élus plus expérimentés nous permettent d’éviter certaines erreurs », concède Jérémie Bréaud, le maire (LR) de Bron (40 ans).
Mais les différences entre les nouveaux élus, arrivés entre 2017 et 2020, et les figures installées depuis plusieurs décennies sont nombreuses. À commencer par le style vestimentaire. À gauche comme à droite, la cravate « d’une autre époque et plus franchement moderne » selon Valentin Lungenstrass, 10e adjoint de Grégory Doucet, est beaucoup moins portée. À Villeurbanne, les adjoints de Cédric Van Styvendael déambulent même en baskets dans les couloirs de la mairie. « Les codes vestimentaires sont beaucoup moins importants et figés qu’auparavant, souligne Agathe Fort (37 ans), 3e adjointe à Villeurbanne. Cela change aussi le rapport et le contact qu’on a avec les habitants. Il n’y a plus cette verticalité entre les élus au-dessus, et la population en dessous. » À l’heure où les Français n’ont jamais aussi peu eu confiance en leurs responsables politiques, les nouveaux élus jouent donc la carte de la proximité. « Les Lyonnais veulent avoir des responsables bien plus « normaux », des gens qu’ils peuvent notamment croiser au bar en bas de chez eux », avance Valentin Lungenstrass. « On sait ce que c’est d’être salarié, de travailler, de monter une entreprise. Nous ne sommes pas formatés, avec des vieux réflexes. On amène du sang neuf et une nouvelle manière de voir les choses », prolonge Agathe Fort.
Moins carriéristes
Issue en grande partie de la société civile, cette nouvelle génération « s’inscrit moins dans une logique carriériste et opportuniste » selon Elliott Aubin, ancien responsable insoumis. Une donnée liée notamment à la loi sur le cumul des mandats. « Aujourd’hui dans une vie, on est amené à faire plusieurs choses. Je sais que je ne ferai sûrement pas carrière en politique pendant 30 ou 40 ans », prévient Jérémie Bréaud. « Nous sommes prêts à réintégrer la vie civile après nos mandats, sans être tenus par la seule obsession de vouloir être réélus, ce n’est pas ce qui nous motive », poursuit Audrey Hénocque (40 ans), 1e adjointe de Grégory Doucet à l’Hôtel de Ville. « On est en train de changer de modèle, avec des engagements qui vont être beaucoup plus restreints sur la durée. La notion de carrière politique est complètement dépassée. Je pense que le traditionnel parcours – maire, conseiller général, régional, député, ministre… – sera bientôt périmé », soutient de son côté le maire LR d’Écully, Sébastien Michel (42 ans).
Si les codes changent à vitesse grand V, la manière de faire de la politique évolue tout aussi rapidement, avec une place conséquente laissée aux réseaux sociaux. « La nouvelle génération a plus de facilité à jouer avec les réseaux sociaux, où le contact est plus direct avec les citoyens », rapporte notamment Andréa Kotarac (32 ans), tête de liste RN aux dernières élections régionales. « Les réseaux sociaux font que nous sommes beaucoup plus accessibles pour les habitants, et nous permettent de répondre aux questions ou interpellations sur les travaux qu’on mène, note Valentin Lungenstrass. Cela créé une nouvelle forme d’interaction avec la population, complémentaire au terrain. »
Mais tous les élus ne se montrent pas si dithyrambiques sur le sujet, à l’image de la députée LREM Blandine Brocard (39 ans) : « Je regrette l’omniprésence de ces réseaux sociaux dans la vie politique. Cela soulève le problème du faire et du faire savoir. Certains sont des champions de la communication, mais derrière, vous n’avez que du vent. Je préfère avancer et faire dans l’ombre plutôt que devoir tout exposer ce que je fais. » D’autant que l’instantanéité des réseaux sociaux peut aussi jouer des tours à ceux qui ne tourneraient pas sept fois leurs pouces avant de tweeter. « J’ai le sentiment que cette nouvelle génération est plus cash, plus directe. Quand je dois dire quelque chose qui peut être maladroit ou qui peut me desservir, je le dis quand même car on ne pourra pas me reprocher ensuite de ne pas dire ce que je pense », énonce Pierre Oliver.
L’inverse du modèle Collomb
Le maire du 2e arrondissement, proche de ses camarades de droite à Rillieux, Bron ou Écully, note parmi les autres caractéristiques propres à cette nouvelle génération, « une vraie appétence à travailler plus collectivement ». Il est rejoint sur ce point par Sébastien Michel, l’édile d’Écully : « Je ne sais pas comment faisaient nos prédécesseurs mais cette approche plus collaborative est hyper importante. On se voit régulièrement avec Pierre (Oliver), Jérémie (Bréaud) et Alexandre (Vincendet), on échange beaucoup. On a envie de travailler collectivement pour éviter les écueils parfois rencontrés par nos prédécesseurs. » Même cas de figure entre les adjoints à la mairie de Lyon. « L’un des changements les plus notables, c’est cette appétence à travailler en transversalité entre les délégations qui ne se faisait pas avant. Quand on gère un dossier, on adjoint systématiquement les collègues concernés de près ou de loin par ces thématiques », relève Camille Augey (30 ans), 11e adjointe de Grégory Doucet. « La prise de décision se fait aussi beaucoup plus collectivement, prolonge Audrey Hénocque. Elle n’est plus mise entre les mains d’un seul homme en haut de sa pyramide, comme ça a trop souvent été le cas jusqu’à il n’y a pas si longtemps… »
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