LE MENSUEL DES POUVOIRS LYONNAIS

Marie-Sophie Obama, la bonne surprise

Amie proche de Tony Parker depuis leur rencontre il y a plus de 20 ans, Marie-Sophie Obama a pris les rênes du club de basket féminin lyonnais – à sa plus grande surprise – en 2017. Arrivée dans une ville qu’elle ne connaissait pas, l’ancienne joueuse professionnelle, a réveillé l’engouement autour du Lyon Basket Féminin, renommé depuis LDLC Asvel Féminin. Très engagée dans les réseaux féminins lyonnais, la tout juste quadra agit également avec détermination pour la valorisation des femmes sur la place lyonnaise.

C’est l’histoire d’un rêve prémonitoire. Reconvertie agent immobilière du côté d’Auch, après sa carrière de basketteuse professionnelle, Marie-Sophie Obama, amie de longue date de Tony Parker, passe une nuit bien agitée au printemps 2017. « J’ai rêvé que Tony m’appelait pour faire une promenade en forêt. Il avait un sac de sport sur le dos, rempli de billets et nous avons marché jusqu’à un terrain de basket où s’entrainaient quelques joueuses de l’équipe de France. Et là, il me regarde et me dit qu’il rachète ce club féminin, perdu au milieu de nulle part. »

Au réveil, Marie-Sophie Obama, amusée, relate les faits par texto à la star de NBA qui la rappelle quelques heures plus tard. « Tony m’annonce alors qu’il compte réellement racheter le club de basket féminin de Lyon et me fait comprendre qu’il veut que je conduise ce projet. » Surprise et étonnée, « MS », comme elle surnommée par tous ses amis et collaborateurs, prend le temps de réfléchir à cette soudaine proposition. Et finit, après « des phases d’excitation, de peur et de doute », par accepter l’offre de son vieil ami.

« Elle est arrivée ici presqu’en ne sachant pas comment elle allait se débrouiller, ni pourquoi Tony lui demandait ça et pourquoi il le demandait à elle, affirme Laurent de la Clergerie, partenaire majeur de LDLC Asvel, via un contrat de naming signé pour six ans. Mais elle a parfaitement pris le truc en mains et s’en sort à merveille ».« Elle s’est très bien inscrite dans le paysage lyonnais. Elle porte haut et fort les couleurs du club et a réussi à trouver une place dans un monde qui n’est pas toujours évident », confirme Gaetan Muller, président délégué de LDLC Asvel, fidèle de longue date, lui aussi, de Tony Parker.

Manque de confiance en soi

Rien ne prédestinait pourtant la Gersoise à porter un jour le costume de présidente. Pas même son – célèbre – patronyme, qui l’oblige à préciser régulièrement que non, elle n’a pas de lien de parenté avec l’ancien occupant de la Maison Blanche. Née à Toulouse en 1980, Marie-Sophie Obama grandit à Auch avec sa mère, son frère et ses grands-parents.

La jeune fille déborde d’énergie, s’essaie au kayak, volley, judo, tennis et pentathlon moderne, puis s’initie au basket. « Ça a tout de suite été comme une révélation pour moi. J’ai senti que je pouvais trouver de l’apaisement dans ce sport. » L’adolescente progresse au fil des années, intègre la section sport-études du club de Mirande, en première division et atterrit en 1997 à l’INSEP, la pépinière des sportifs français. « C’était un grand bouleversement pour moi. À Mirande, j’avais l’habitude de rentrer chez moi les week-ends. Et là, depuis Paris, c’était forcément plus difficile. Mais j’avais l’impression de m’émanciper, de prendre le contrôle de ma vie. Et vous avez cette vie de communauté à l’INSEP, cette proximité qui fait que vous vivez avec 20 frères et soeurs. »

Parmi les membres de cette nouvelle fratrie, un certain Tony Parker, seize ans, déjà annoncé comme le grand espoir du basket français. « À cette époque, on vit comme tous les ados. Les bandes de cire Veet venaient de sortir. Les garçons se moquaient de nous, alors on s’amusait à les épiler. Tony, lui, était déjà hyper focus sur le basket, il recevait ses lettres de sollicitation des universités américaines. »

Quatre ans plus tard, en 2001, TP s’envole pour la NBA et les Spurs de San Antonio. De son côté, Marie-Sophie Obama reste en France à Bordeaux, Aix-en-Provence, où elle remporte notamment l’Eurocoupe en 2003, et Calais. Les deux amis se perdent de vue. « Après l’Eurocoupe, j’étais en vacances en Floride. Je ne l’avais pas eu au téléphone depuis qu’il était parti aux Etats-Unis et j’hésitais à l’appeler. J’ai fini par le faire et j’ai assisté au match de son premier titre NBA. On s’est pris dans les bras et on a pleuré de joie, c’était un moment extraordinaire. »

« J’avais peur de ne pas être capable de mener le projet »

Marie-Sophie Obama

Quelques semaines plus tard, grâce à ses bonnes prestations sur les parquets, Marie-Sophie Obama voit s’ouvrir les portes de l’équipe de France. Mais la joueuse les referme aussitôt : « J’avais un peu mal au pied mais ça m’a bien arrangé pour m’auto-saboter. Je pense que j’avais peur. De ne pas être à ma place, au niveau, à la hauteur, alors mon pied ça a été la bonne excuse pour quitter le staff. »

Le train ne passera pas une seconde fois. « Je n’ai jamais eu très confiance en moi. Ça a failli aussi influencer ma décision de rejoindre ou non Tony à l’Asvel féminin », analyse aujourd’hui la présidente déléguée des Lionnes. Après l’arrêt de sa carrière en 2007, à 26 ans, suite à la naissance de son deuxième enfant et à cause d’une blessure qui l’oblige à s’éloigner des parquets, Marie-Sophie Obama entame sa reconversion aux côtés de son ancien agent. « Mais au bout de trois ans, j’avais l’impression d’avoir fait le tour de la question, je côtoyais toujours les mêmes personnes, et j’avais besoin de prendre mes distances avec le basket. »

La Gersoise réussit le concours d’infirmière mais devient finalement agent immobilière à Auch. « J’ai découvert ce côté challenge, entrepreneurial. C’est l’expérience qui m’a le plus aidée quand Tony m’a rappelé pour son projet à Lyon. L’Asvel, c’était comme l’immobilier, mais multiplié par 100. » Le défi proposé par Tony Parker, de taille, fait remonter les doutes à la surface.

« J’avais peur de ne pas être capable de mener le projet. C’est quelque chose que je n’avais jamais fait. Et puis j’avais envie de poursuivre cette coupure avec le basket. Ce sport est dans mon ADN, mais je me disais qu’il y avait aussi autre chose dans la vie. » Avant de donner son feu-vert, Marie-Sophie Obama échange avec Gaetan Muller, arrivé à Lyon en 2014, à la présidence déléguée de l’Asvel.

« On a parlé de ce que je faisais ici, de comment les choses se déroulaient à Lyon. Je l’avais sentie très intéressée et ouverte à la discussion », se rappelle l’ami d’enfance de Tony Parker. « Il ne m’a pas rassuré du tout parce que j’ai compris qu’il s’était préparé depuis longtemps à ce rôle là, contrairement à moi, riposte Marie-Sophie Obama, hilare. Mais le fait que Tony ait confiance, ça m’a convaincu d’accepter. C’est en ça que servent aussi les expériences ratées comme celles de l’équipe de France… Cette fois, je me suis dit ‘Allez Obama, fais le pas en avant, tu verras bien ce que ça donne’ ». 

Faire bouger les choses

À son arrivée, la tâche paraît toutefois immense. Le club, en difficulté sportive, l’est aussi sur le plan financier. « J’ai été pris dans un tsunami d’informations compliqué à gérer. Mais dans un bateau qui coule, vous n’avez pas le temps de vous poser des questions. Vous essayez d’identifier les fuites et de mettre des rustines. »

Grâce à son expérience d’ancienne joueuse et agent de joueuses, la présidente trouve les mots pour remobiliser l’effectif, et s’attelle, sur le plan économique, à la recherche de nouveaux partenaires. « J’étais novice à tous les niveaux en matière de business. Donc j’arrivais nature-peinture dans cet écosystème lyonnais que je ne connaissais pas, sans avoir trop conscience de l’envergure des gens que j’apprenais à connaître. Je voulais rester fidèle à mes racines gersoises et mes valeurs, en présentant les choses avec sincérité et authenticité. »

Son caractère séduit, et son intégration dans les réseaux lyonnais se fait à vitesse grand V. « Elle a fait le job de manière très rapide, avec sa capacité à prendre la parole et son envie de faire bouger les choses », énonce Nathalie Pradines, fondatrice de Comadequat et actionnaire historique de l’Asvel. « Elle a un relationnel hyper facile, elle est très tournée vers la personne et ça la rend attachante », poursuit Véronique Garnodier, fondatrice de Charlott’.

« Ce n’est pas une entrepreneuse comme Tony peut l’être, mais elle a pris le truc à bras le corps. Et son naturel rend toutes les choses plus simples », relève de son côté Laurent de la Clergerie, qui lui propose en 2019, un contrat de naming semblable à celui de l’équipe masculine pour créer LDLC Asvel Féminin. « C’était une belle surprise ! Avec Tony, on n’aurait jamais osé lui demander avec tout ce qu’il fait déjà beaucoup pour les garçons. Et le fait que cette démarche vienne de sa propre initiative, c’était encore plus touchant. »

La réussite de Marie-Sophie Obama est aussi sportive. Après le maintien dans l’élite arraché in-extremis en mai 2017, le club est sacré champion de France deux années plus tard pour la première fois de son histoire. Les pensionnaires du gymnase Mado-Bonnet (1400 places) dans le 8e arrondissement, visent désormais la couronne européenne, en Euroligue, après deux éliminations en quarts de finale en 2020 et 2021.

« Tony a de l’ambition, il sait où il veut aller. Et le projet, c’est de gagner l’Euroligue », avance la dirigeante, alignée sur le discours de son ami propriétaire, dont elle gère également les activités dans la station de Villard-de-Lans, dans le Vercors. Les deux comparses multiplient chaque jour les échanges par téléphone. « C’est simple de bosser avec Tony. On comprend vite ce que l’autre pense ou veut dire, même s’il sait que j’ai parfois tendance à m’enflammer avec mon côté hypersensible. » 

Au quotidien, la présidente s’attelle à fédérer joueuses, staff et membres du personnel autour du projet commun. « Elle a ce don pour créer et tisser des liens avec les joueuses et le staff, tout en gardant la casquette de présidente, décrypte Paoline Salagnac, ex-joueuse du club et désormais directrice sportive. Elle est très proche de nous, avec un management très ouvert. Elle nous consulte beaucoup et nous laisse beaucoup d’autonomie dans ce qu’on doit faire. » 

« Petit Bouddha »

L’action de Marie-Sophie Obama à Lyon ne porte pas seulement sur la gestion de LDLC Asvel Féminin. Engagée dans les réseaux féminins et notamment au sein de l’IWF (International Women’s Forum), la dirigeante a fondé l’association Les Lumineuses en 2017 avec Nathalie Pradines et préside le festival « Lyon Gagne Avec Ses Femmes », qui valorise la performance féminine.

« Elle était confrontée dans sa recherche de partenariats à la problématique du sport féminin en France et à son manque de visibilité, témoigne Nathalie Pradines. L’idée, en créant cette association et ce festival, c’est de mettre la lumière sur toutes les belles initiatives féminines, qu’elles soient sportives, économiques, culturelles, associatives,… »

Un engagement salué par Alexandra Mathiolon, directrice générale de Serfim, partenaire de longue date de LDLC Asvel Féminin et grande amie de Marie-Sophie Obama : « C’est quelque chose de très intelligent et de très bien amené. J’aime beaucoup cet état d’esprit et cette façon positive de voir les choses. C’est à l’image de Marie-Sophie. Je me sens toujours reboostée après un échange avec elle parce qu’elle a toujours cette capacité à voir les choses d’un angle positif. »

« Il n’y a pas de recherche de gloire dans ce qu’elle fait »

Laurent De La Clergerie

Les louanges ne manquent pas au sujet de la présidente déléguée du club, qui ne se connaît pas d’animosités particulières à Lyon. « Elle est d’une grande clairvoyance, d’une grande sagesse pour son jeune âge et surtout d’une grande humilité. Je la surnomme Petit Bouddha », souffle Nathalie Pradines. « Il n’y pas de recherche de gloire dans ce qu’elle fait, juste l’envie de faire tourner un truc, de s’éclater avec ses joueuses et de voir une histoire se développer », souligne Laurent de la Clergerie. Très attentive aux questions autour du bien-être personnel, la Gersoise dit justement s’être « beaucoup intéressée au bouddhisme et à sa philosophie ».

« Par mon histoire personnelle, mon parcours et mes blessures, j’ai cette chance de pouvoir relativiser et prendre du recul dans les moments tendus. J’essaie de méditer pour poser mon esprit et calmer les angoisses », relate cette bonne vivante, grande amatrice des fêtes de village dans le Gers et des répliques cultes du cinéma français. « On ne fait que se lancer des vannes avec des répliques avec Gaetan (Muller), ça en devient même insupportable », sourit la présidente déléguée.

« Elle nous bassine aussi tout le temps le fait qu’elle soit Normande par ses arrières grands-parents, comme Tony, Nico (Batum) et moi », renchérit son homologue chez les garçons. « Je suis de Basse-Normandie, Tony et Nico me comprennent mais Gaetan cherche à m’exclure, proteste Marie-Sophie Obama. Mais si on regarde, c’est quand même un point commun assez drôle entre nous. Nous sommes quatre métisses, à la tête de l’Asvel, avec chacun ce lien fort avec la Normandie… » Un quatuor réuni à Lyon. Et dont l’influence dépasse maintenant largement les seules sphères du basket lyonnais. 

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