LE MENSUEL DES POUVOIRS LYONNAIS

Davy Tissot, des Minguettes au Bocuse d’Or

Enfant d’immigrés italiens, Davy Tissot, marqué à jamais par Paul Bocuse chez qui il a débuté comme commis, veut faire remonter la France sur le podium mondial du Bocuse d’Or, en marge du SIRHA qui démarre jeudi à Eurexpo. Ce serait une première pour un Lyonnais.

Il a grandi aux Minguettes où sa famille italienne, parents et grand-mère, d’origine sicilienne, est arrivée dans les années 60 après un passage par la Tunisie. Mal à l’aise à l’école, Davy Tissot est davantage passionné par le sport et l’ébénisterie. Une blessure l’empêche d’insister dans la voie du sport. Va pour la filière hôtelière au sein du lycée professionnel Hélène Boucher de Vénissieux.

Il poursuit par un CAP de cuisinier en candidat libre et un BEP d’hôtellerie. Pas facile de se faire embaucher comme apprenti, il essuie plusieurs refus. Le premier à le prendre les week-ends sera Jean-Paul Pignol. Et puis une rencontre va changer son destin. Il l’évoque, aujourd’hui encore, avec émotion. C’est en 1990, à la Halle Tony Garnier, un grand repas pour Renault Trucks. L’imposante silhouette de Monsieur Paul juste devant le frêle ado, tétanisé, qui ose à peine s’adresser à lui, mais aura quand même un menu dédicacé. 

MOF, le Graal 

Avant même d’être chef, Davy Tissot a une obsession : décrocher le titre de Meilleur Ouvrier de France. Alors quand Paul Bocuse le prend comme commis et qu’il travaille avec Roger Jaloux, lui-même MOF, il entreprend le parcours dont il rêve pour décrocher la suprême récompense. « J’apprends la rigueur auprès de lui, se remémore Davy Tissot. Puis il m’envoie chez Clément Bruno à Lorgues dans le Var. Personnage impressionnant, deux mètres, 120 kg. Je fais les marchés le matin avec lui. Il m’emmène partout. On cuisine des repas pour les stars. Ça donne vraiment envie. »

Christian Lherm, Jacques Maximin à la Rotonde, Philippe Lechat au château de Bagnols, Régis Marcon à l’Auberge des Cimes, Jean Brouilly à Tarare et Philippe Gauvreau, à nouveau à la Rotonde, l’accueillent tour à tour. «J’ai eu la chance de travailler avec des chefs reconnus.» Il passe ses premiers concours à partir de 1995/1996. Une vingtaine en tout. Dont celui de MOF en 2004. Dans le jury, Paul Bocuse et Joël Robuchon, l’élite de la gastronomie. Monsieur Paul lui remet sa veste avec le fameux col bleu blanc rouge, tandis que Joël Robuchon lui passe la médaille autour du cou. « J’ai alors trente ans et je ressens une certaine fierté. Mon vœu le plus cher est accompli. » 

L’hommage d’un Bocuse d’Or 

Davy Tissot ne se repose pas sur ses lauriers. « Rien n’est acquis, il faut toujours se remettre en question. » Il devient alors le chef du restaurant les Terrasses de la Villa Florentine. Et décroche une étoile au Michelin. Une belle aventure de onze ans jusqu’en 2015. Alors qu’il s’interroge sur la suite de sa carrière, Dominique Giraudier, le directeur de l’Institut Paul Bocuse lui propose en 2016 de devenir le chef de Saisons, le restaurant d’application de l’Institut à Écully.

« Un beau challenge : former et transmettre aux jeunes avec l’objectif d’aller chercher une étoile au Michelin en cinq ans. On l’a décrochée en quatre ans.» Arrivent alors les sélections du Bocuse d’Or en 2019. « Un concours international créé par Monsieur Paul, jamais un Lyonnais n’a défendu les couleurs de la France… » Davy Tissot ne peut qu’accepter le pari.

« Nous avons de sacrées équipes en face nous. Nous avons intégré le refuge de la Team France. Nous ramons tous ensemble. Il faudra être très bon fin septembre. Il y a une part de chance aussi et une notion de plaisir quand même. C’est ce qui fait avancer : le plaisir et la performance. » Cinq heures et trente-cinq minutes d’épreuve en perspective en tout pour deux plats (paleron de boeuf avec deux garnitures 100% végétales et un ragoût de légumes servi en cocotte). L’équipe est soudée.

« C’est la différence entre le concours de MOF qui est un sport individuel. Le Bocuse d’Or, c’est la force d’une équipe, d’un drapeau et d’un pays. Permettre à la France de remonter sur le podium, un bel hommage pour Monsieur Paul », conclut Davy Tissot. La France n’a plus gagné depuis 2013 avec Thibaut Ruggieri.

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