« C’est un contre-pouvoir qui disparaît ». Assis au fond de la salle, c’est un ancien élu municipal qui a eu le mot juste pour résumer la fin de l’aventure Canol. Fondée voici 22 ans par Michel Vergnaud et quelques autres, Canol (Contribuables actifs du Nord-Ouest lyonnais, à l’origine) avait étendu son spectre à toute la région lyonnaise : Lyon, Grand Lyon, département du Rhône, région Auvergne-Rhône-Alpes au fil des ans. En deux décennies, Canol s’était imposée dans le paysage lyonnais par ses combats contre les dépenses inconsidérées des collectivités locales. Dénonçant aussi bien la non-application des 35 heures à la Ville de Lyon, que le coût de construction du nouvel Hôtel de Région à la Confluence ou bien encore les conditions de création de la Métropole de Lyon, Canol scrutait, année après année, les budgets des collectivités locales décernant les bons points ou les bonnets d’âne suivant les résultats de ces études.
Leur raison d’être était de dénoncer les gaspillages d’argent public qu’il s’agisse de subventions disproportionnées ou des conditions de fixation de la TEOM (Taxe d’enlèvement des ordures ménagères avec 435 millions d’euros d’excédent en 12 ans au Grand Lyon) ou bien encore du prix sous-évalué des terrains vendus à l’OL pour son grand stade à Décines (sous-évaluation de 45 millions d’euros et 180 millions d’euros de financement des infrastructures). Canol n’avait pas manqué également de pointer du doigt les dérives du coût de construction du Musée des Confluences (328 millions d’euros contre 60 millions d’euros estimés à l’origine) initié par le département du Rhône et tombé depuis dans l’escarcelle de la Métropole de Lyon.
Le mur du Conseil d’Etat
Au-delà de la simple dénonciation, Canol n’hésitait pas à aller en justice pour obtenir réparation. Dans 4 dossiers, l’affaire était remontée jusqu’au Conseil d’Etat. C’est justement le dernier arrêt du Conseil d’Etat du 22 octobre 2021 concernant la TEOM (Taxe d’enlèvement des ordures ménagères) qui leur a donné le coup de grâce. « Cet arrêt montre que notre combat pour une gestion financière honnête et rigoureuse ne peut espérer d’issue favorable pour les années à venir, explique Robert Cambet, le président de Canol. La justice administrative française prive les citoyens de toute possibilité d’obtenir réparation des préjudices subis du fait des erreurs de leur administration locale. Tout est fait pour que les administrés ne puissent pas contester et renoncent à contester ».
Perdre systématiquement et s’exposer à devoir payer en plus des pénalités, c’en était trop pour Canol qui était encore engagée dans plusieurs affaires. Las aussi des difficultés à obtenir les documents demandés via la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs). Septuagénaires ou octogénaires pour la plupart, les dirigeants de Canol ne cachent pas leur lassitude et regrettent aussi de ne pas avoir trouvé de nouveaux bénévoles pour assurer la relève. Une ou deux voix se sont fait entendre pour remercier les dirigeants de l’association et suggérer de ne pas en rester là. « Canol est un élément qui gêne. Il faudra faire quelque chose, reprendre le flambeau. Vous avez défendu les intérêts des contribuables avec énergie. Merci», a conclu un adhérent. Et Michel Vergnaud de répondre : « Si certains veulent relancer une structure, nous sommes prêts à les aides et à donner les archives ».
Un livre sur Canol au printemps
La dissolution a été votée à 19 h 30 par 396 votes pour, 15 contre et 11 abstentions. Michel Vergnaud sera le liquidateur, assistés de Robert Cambet et Jean-Louis Revaux. Après d’ultimes dépenses, il restera 85 300 € à répartir. 50% seront donnés à l’IFRAP (d’Agnès Verdier-Molinié), 30% à l’IREF Europe de Jean-Philippe Delsol, 10% à Contribuables Associés, 5% à Déplacements citoyens et 5% EPLF. Michel Vergnaud va pouvoir se mettre à la rédaction d’un livre sur l’histoire de Canol, édité en liaison avec Contribuables Associés. Sortie attendue au printemps.