La fin d’une « romance » de près de 30 ans. Depuis 1993, le Sytral délègue l’exploitation du réseau TCL à un seul et même opérateur privé (Keolis et sa filiale Keolis Lyon), à travers une délégation de service public (DSP) renouvelée tous les six ans. Mais ce scénario deviendra caduc en 2025. Avec l’arrivée à échéance du dernier contrat signé entre Keolis et le Sytral en 2024 (démarré en 2017 et prolongé de dix-huit mois en février 2021), Bruno Bernard, le président du Sytral, a chargé ses équipes d’étudier l’intérêt d’un potentiel allotissement du réseau TCL. Une perspective déjà recommandée par la Chambre Régionale des Comptes, qui incitait l’autorité organisatrice à se pencher sur les avantages et inconvénients d’un tel découpage du marché des transports dans son rapport de juillet 2019.
Et après douze mois de travail, de rencontres et d’échanges avec différentes villes européennes ayant déjà opté pour ce mode de fonctionnement (Helsinki, Stockholm,…), Bruno Bernard a décidé de s’aligner sur ce choix, mettant ainsi prochainement fin au « monopole » de Keolis à Lyon. « Le résultat de ces études et ces différentes rencontres montrent que l’allotissement permet d’améliorer la qualité du service rendu aux usagers », soufflait-il devant les journalistes mercredi matin lors de la présentation du projet. Au final, deux lots seront gérés dans le cadre d’une délégation de service public parune ou plusieurs entreprises. Le premier lot, celui des « modes lourds » comprend le métro, le funiculaire, le tramway (dont la ligne Rhônexpress), la gestion des infrastructures, l’informatique, la sécurité et le contrôle des titres, pour une durée de dix ans (janvier 2025 – décembre 2034). Le second lot, celui des bus, trolleybus et contrôle des titres s’étend sur six ans entre janvier 2025 et décembre 2030.
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Keolis, Transdev et RATP Dev dans la balance
« Cet allotissement doit permettre à plusieurs acteurs d’être en mesure de répondre à l’appel d’offres. Il s’agit non seulement d’améliorer le service de transports en commun pour les usagers, mais aussi de permettre les conditions d’une concurrence juste », confiait Bruno Bernard, venu présenter le détail du projet seul face à la presse. Le président du Sytral et de la Métropole de Lyon veut ainsi éviter à tout prix le même scénario qu’en 2017 où seul Keolis avait participé à l’appel d’offres du renouvellement de la DSP. « On sait qu’on aura des réponses. Nous avons pu échanger avec Keolis, Transdev et RATP Dev, les trois principaux opérateurs sur le marché français. Ils sont tous les trois en mesure de répondre et se positionneront sur les deux lots », a-t-il poursuivi, tout en précisant qu’un opérateur pouvait tout à fait remporter les deux lots.

Avec ce nouveau mode de gestion du réseau TCL, le Sytral redistribue les cartes. Le signe d’une relation tendue avec Keolis, son voisin du boulevard Vivier-Merle (les deux entités partagent le même bâtiment aux 19 et 21 du boulevard) ? « Quand on travaille avec le même acteur depuis 30 ans, des habitudes se créent. On s’endort peut-être un peu sur les lauriers… L’idée c’est d’aller mettre l’accent sur l’innovation », soutient Bruno Bernard, évasif quant à ses relations avec Laurence Eymieu, la directrice générale de Keolis Lyon, avec qui il échangeait fin janvier lors d’un événement organisé par Lyon Décideurs.
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Socle social
Reste que ce nouveau système – dont le vote ne fait guère de doutes au vu de la large majorité dont dispose Bruno Bernard au Sytral – fait grincer des dents en interne. Les agents TCL, salariés de Keolis, craignent de voir leurs acquis sociaux remis en cause par cette ouverture à la concurrence. Deux mouvements de grève ont été annoncés par les syndicats ces dernières semaines. D’abord pour le 9 février (suivi par près de 25% des effectifs, soit 1100 personnes), puis pour ce jeudi 10 mars où 7% des salariés seront en grève. « Tout changement de DSP est une source d’inquiétude légitime et normale pour les salariés, affirme Bruno Bernard. Mais j’ai tenu à leur écrire une lettre le 16 février. Je suis là pour les rassurer. Il n’est pas envisageable que la concurrence se fasse sur le dos des agents TCL. »
Le président du Sytral a aussi engagé en novembre un travail avec les organisations syndicales pour la construction d’un « socle social », reprenant tous les accords collectifs, engagements unilatéraux de l’entreprise et usages existants (13e mois, prime de vacances, nombre de congés payés, grille d’ancienneté,…). « Ce socle est un élément essentiel et indispensable dans le cadre du futur appel d’offres. Il vise à protéger les salariés devant toute remise en question de leurs droits sociaux. C’est une première en France pour un réseau de transport urbain. » Les entreprises qui répondront aux consultations seront dans l’obligation de préserver les acquis des salariés pendant toute la durée des contrats, par la conclusion d’accords avec les partenaires sociaux, qui reprendront au minimum les dispositions du socle social. « Le non-respect de cette obligation par un opérateur entraînera la résiliation pure et simple de son contrat, à ses torts », conclut le président du Sytral. Les offres des candidats à ces appels d’offres devront être remis d’ici à avril 2023. L’approbation des nouveaux délégataires par le conseil d’administration se fera en mars 2024 pour une entrée en service au 1er janvier 2025.