L’issue du vote ne faisait guère de doutes. Les élus du Sytral ont approuvé jeudi, lors du Conseil d’administration, le principe d’allotir le réseau TCL. Deux lots seront donc gérés dans le cadre d’une délégation de service public par une ou plusieurs entreprises. Le futur dispositif met donc fin à la situation « quasi monopolistique » de Keolis à Lyon, qui exploite le réseau TCL depuis 1993, à travers une délégation de service public (DSP) renouvelée tous les six ans. Le premier lot, celui des « modes lourds » comprend le métro, le funiculaire, le tramway (dont la ligne Rhônexpress), la gestion des infrastructures, l’informatique, la sécurité et le contrôle des titres, pour une durée de dix ans (janvier 2025 – décembre 2034). Le second lot, celui des bus, trolleybus et contrôle des titres s’étend sur six ans entre janvier 2025 et décembre 2030.
Ce vote vient conclure douze mois de travail, de rencontres et d’échanges menés par les équipes du Sytral avec diverses villes européennes ayant déjà opté pour ce mode de fonctionnement comme Helsinki ou Stockholm. « Cet allotissement doit permettre à plusieurs acteurs d’être en mesure de répondre à l’appel d’offres. Il s’agit non seulement d’améliorer le service de transports en commun pour les usagers, mais aussi de permettre les conditions d’une concurrence juste », confiait Bruno Bernard, mercredi face à la presse. Le président du Sytral et de la Métropole de Lyon veut ainsi éviter à tout prix le même scénario qu’en 2017 où seul Keolis avait participé à l’appel d’offres du renouvellement de la DSP. « On sait qu’on aura des réponses. Nous avons pu échanger avec Keolis, Transdev et RATP Dev, les trois principaux opérateurs sur le marché français. Ils sont tous les trois en mesure de répondre et se positionneront sur les deux lots », a-t-il poursuivi, tout en précisant qu’un opérateur pouvait tout à fait remporter les deux lots.
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Allotissement : Les syndicats n’en veulent pas
Adopté à une très large majorité (seul 4 voix contre, sur 38 élus), le vote a été précédé de longues délibérations. Les socialistes, par la voix d’Hélène Geoffroy, la maire de Vaulx-en-Velin, se sont dit favorables au projet, mais porteront une vigilance accrue sur plusieurs points (travailleurs, efficacité et qualité, finalité politique). Les communistes, par l’intermédiaire de Raphaël Debû, secrétaire départemental du PCF Rhône, conseiller régional et métropolitain, ont fait part de leurs inquiétudes sur cette ouverture à la concurrence et ses conséquences sociales. Ils avaient rejoint la veille, avec les insoumis, l’appel des syndicats, farouchement opposés à ce projet d’allotissement.
Les membres de la CGT et de la CFDT s’étaient d’ailleurs donné rendez-vous à la mi-journée devant le siège du Sytral pour faire entendre leur colère, en cette deuxième journée de grève depuis le début de l’année. « On ne veut pas entendre parler de cette idée d’allotissement. On fait partie d’une entreprise de 4500 personnes qui fonctionne bien, le réseau est performant, alors pourquoi viendrait-on casser cela ? », souligne Thierry Pécoud, secrétaire général CGT TCL. Certains, à l’image de la CFDT, appelaient le Sytral à reprendre lui-même l’activité, sous-formé d’une régie publique. « Cet allotissement, c’est une étape de trop. Elle n’est pas nécessaire, nous aurions pu passer directement sous gestion publique si le Sytral n’a plus confiance en Keolis. Nous n’aurons aucune garantie de pouvoir conserver nos acquis sociaux avec ce nouveau système, et les passerelles pour changer de poste n’existeront plus », prolonge ainsi Alain Auroy, délégué syndical SNTU CDFT TCL.

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Un socle social qui ne convainc pas
Pour calmer la fronde, Bruno Bernard a engagé en novembre un travail avec les organisations syndicales pour la construction d’un « socle social », reprenant tous les accords collectifs, engagements unilatéraux de l’entreprise et usages existants (13e mois, prime de vacances, nombre de congés payés, grille d’ancienneté,…). « Ce socle est un élément essentiel et indispensable dans le cadre du futur appel d’offres. Il vise à protéger les salariés devant toute remise en question de leurs droits sociaux. C’est une première en France pour un réseau de transport urbain. »
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Les entreprises qui répondront aux consultations seront dans l’obligation de préserver les acquis des salariés pendant toute la durée des contrats, par la conclusion d’accords avec les partenaires sociaux, qui reprendront au minimum les dispositions du socle social. « Le non-respect de cette obligation par un opérateur entraînera la résiliation pure et simple de son contrat, à ses torts », conclut le président du Sytral. « C’est de la poudre aux yeux, des promesses qui ne seront pas tenues. Je ne vois pas commun le Sytral pourrait rompre une DSP de 10 ans à mi-chemin. Ce socle social sera impossible à faire respecter », répond Thierry Pécoud de la CGT, pessimiste.
Les offres des candidats à ces appels d’offres devront être remis d’ici à avril 2023. L’approbation des nouveaux délégataires par le conseil d’administration se fera en mars 2024 pour une entrée en service au 1er janvier 2025.