Être la quatrième personne à prendre les manettes de Navya en huit ans à peine ne lui fait pas peur. Elle a suffisamment bourlingué, 30 ans dans l’industrie (Valéo et Solvay) et dans la banque (France et Tunisie), mais aussi dans un fonds d’investissement tourné sur les mobilités, pour ne pas s’inquiéter de la valse des patrons à la tête du constructeur lyonnais de navettes autonomes. « C’est une pépite technologique française autour d’une très belle idée, explique Sophie Desormière. Comme souvent dans les start-up, il y a eu un fondateur très orienté sur l’innovation. Après, il y a une deuxième séquence de fertilisation qui précède la phase d’industrialisation avec d’autres dirigeants. Navya a fait sa mue. Maintenant, c’est l’accélération, la croissance. »
Et de par son expérience des grands groupes et de différentes fonctions, Sophie Desormière considère justement être armée pour accompagner les développements à venir de l’entreprise lyonnaise, elle-même filiale de Valéo et Kéolis. La feuille de route de Navya est prometteuse.
« Avec 200 navettes dans 25 pays, nous devons encore élargir notre base expérimentale, précise Sophie Desormière. Cela nous permet de récupérer des données. Et d’apporter une solution pour la ville de demain en répondant à une demande de transport autonome, partagé, connecté, propre. » La patronne de Navya détaille tous les débouchés pour les navettes « Autonom Shuttle » et les systèmes « Autonom tract » pour le transport de biens à l’échelle mondiale : centres logistiques, aéroports, grands sites industriels, ports, campus universitaires, hôpitaux… Des navettes qui vont encore évoluer et qui fonctionneront demain par supervision sans opérateur de sécurité à bord.
Autour de 100 millions d’euros à lever
Bien sûr, « une accélération, ça se finance », ajoute Sophie Desormière qui travaille aussi d’arrache-pied à une importante levée de fonds, sans doute de l’ordre d’une centaine de millions d’euros, même si elle ne donne aucun montant. Là encore, son expérience professionnelle précédente de trois ans dans un fonds d’investissement sur les mobilités (très orienté sur l’hydrogène) sera utile. Les subsides de France 2030 devraient être sollicités. D’autant que le nouveau secrétaire général pour l’investissement, Bruno Bonnell, connaît bien l’histoire de Navya, fondée par son ami Christophe Sapet, avec qui il a créé Infogrames, voici 39 ans. « À Vénissieux, une équipe de 12 opérateurs construit une navette de A à Z. Nous sommes face à des challenges majeurs et nous avons la chance d’avoir une équipe de talents avec des qualités énormes et un niveau d’expertise impressionnant », poursuit Sophie Desormière.
Première société à avoir mis en service des solutions de mobilité autonome dès 2015, Navya emploie 300 collaborateurs en France (Lyon, Villeurbanne et Paris), dans le Michigan et à Singapour. Plus que jamais, Navya se fixe pour objectif de devenir un référent des systèmes de mobilité autonome pour le transport de passagers et de biens. En passionnée d’équitation et de saut d’obstacles, Sophie Desormière rappelle qu’elle a bien repéré le parcours avant de se lancer dans la compétition des navettes autonomes. Elle se prépare à franchir les obstacles. Un à un. Et le plus vite possible.
Jean-Pierre Vacher