Quelle atmosphère règne-t-il depuis la fin février dans les couloirs du Parlement européen à Bruxelles ?
Véronique Trillet-Lenoir : Il règne ici une atmosphère de consternation, de choc et de révolte contre cette guerre de Poutine qui est humainement inqualifiable*. Nous avons vécu des moments forts avec la prise de parole du président ukrainien Zelensky début mars, les interventions de tous les représentants des institutions européennes, et ces rencontres sur l’esplanade avec quelques expatriés ukrainiens résidant en Belgique… On vit un moment inédit, avec le sentiment ici au Parlement européen, d’être au coeur d’une transformation de la géopolitique mondiale.
On vous a vu poser avec le drapeau ukrainien sur les épaules. Comme on voit fleurir ce drapeau partout aujourd’hui dans la rue, sur les réseaux sociaux et dans la presse. Cette situation inédite renforce-t-elle avant tout le sentiment européen ?
Il y a cette solidarité vibrante qui donne tragiquement la dimension de ce que doit être l’Union européenne. Nous sommes une famille, et quand il se passe une tragédie au sein d’une même famille, ça ressert les liens entre ses membres. Alors à Bruxelles, on continue de travailler et discuter les dossiers, mais on fait les choses avec du recul et cette nécessité d’union absolue. On a tous été bouleversé par le témoignage du président ukrainien et de son besoin d’Europe. On a répondu symboliquement à sa demande, en disant qu’on ferait tous les efforts pour qu’il accède à la candidature. Pour autant, entre la candidature et l’adhésion, il y a un monde.
En quoi cette crise majeure chamboule-t-elle le fonctionnement des instances européennes ?
La situation ressemble beaucoup à ce qu’on a connu au coeur de la crise sanitaire. Il y a ce désarroi mondial, mais il y a aussi cette capacité pour l’Union européenne d’être réactive, et d’improviser là où certes, elle pourrait être mieux préparée et coordonnée. On a fait voter des mesures fortes, des sanctions financières, médiatiques, politiques et l’on peut aussi évoquer cette fourniture d’armes défensives au peuple ukrainien. On croit que l’Union européenne est toujours régie par des traités, des interdits et des arcanes bureaucratiques, mais elle sait aussi parfaitement réagir dans l’urgence. C’est dans ces moments là que l’on réalise notre force, notre pouvoir et notre capacité d’action. Il y a du tragique certes, mais il y a de l’espoir.
*Interview réalisée le 2 mars