Guillaume Decitre : une page se tourne

Dix ans en Californie, une douzaine d’années à la tête du groupe familial de librairies et une aventure de dix années dans le livre numérique avec Vivlio qu’il vient de céder. Désormais, Guillaume Decitre se concentre sur la Fondation Lire et Sourire. Avec deux priorités : l’accès à la culture et la lutte contre le réchauffement climatique.

L’ap­pel de l’Ouest et du large

S’il est tombé, enfant, dans les livres au 6 place Belle­cour à dévo­rer des BD dans un coin de la librai­rie fami­liale et à croi­ser de grands auteurs à la table de ses parents, Guillaume Decitre quitte Lyon pour ses études supé­rieures à Grenoble qu’il pour­sui­vra par un MBA à Santa Clara. Le Lyon­nais passe 10 ans en Cali­for­nie à travailler dans des multi­na­tio­nales et start up. Pour les géants de l’in­for­ma­tique, Sun Micro­sys­tems et Moto­rola. Il parcourt le monde entier. Solli­cité par un fonds d’in­ves­tis­se­ment israélo-coréen qui veut aider des entre­prises moyennes à sortir de Corée, il est leur tête de pont au cœur de la Sili­con Valley. Guillaume Decitre est aussi entre­pre­neur, cofon­da­teur d’une start up qu’il revend 13 ans plus tard. « Aux Etats-Unis, on côtoie à la fois le meilleur et le pire avec une densité de gens qui entre­prennent assez fabu­leuse », constate Guillaume Decitre. Les Français ne sont pas absents : ils sont plus de 50 000. « La preuve qu’il n’y a pas de malé­dic­tion française par rapport à l’en­tre­pre­neu­riat ». Au milieu de cette vie trépi­dante, le Lyon­nais qui a fondé sa famille sur le sol améri­cain mène à bien son projet de tour du monde à la voile avec femme et enfants en 2005/2006. Et, déjà, une alerte : « Pendant 15 jours, nous n’ar­ri­vons pas à pêcher un seul pois­son… » Le signe que quelque chose ne tourne plus très rond ?

Retour non programmé à Lyon

De retour au cœur de la Sili­con Valley, Guillaume Decitre se dit qu’il va sans doute faire toute sa vie en Cali­for­nie. Tout bascule en 2007. Son père tombe grave­ment malade. Guillaume revient alors chaque mois, s’oc­cu­per de l’en­tre­prise. Un direc­teur géné­ral est recruté mais, au bout de 18 mois épui­sants d’al­ler-retour, Guillaume Decitre décide de reve­nir défi­ni­ti­ve­ment à Lyon, pas mécon­tent, non plus, que ses enfants découvrent la capi­tale des Gaules. Son père ne lui impose rien, mais Guillaume ne se voit pas rester indif­fé­rent à l’ave­nir d’une entre­prise fami­liale marquée « par un grand-père et un père extra­or­di­naires ». Pierre Decitre, décédé en juillet 2011, n’a-t-il pas été le 1er à instal­ler des librai­ries au cœur de centres commer­ciaux puis à créer un site marchand quand son fils lui disait « vends l’en­tre­prise et achète des actions Amazon ! » Alors, Guillaume Decitre se lance dans la moder­ni­sa­tion du réseau des maga­sins et inves­tit en même temps qu’il se lance en 2012 dans l’aven­ture du livre numé­rique avec Vivlio. A part la FNAC, toutes les enseignes sont de la partie. Vivlio affiche 10% de part de marché, 1 million de titres en cata­logue et 11,5 millions € de chiffre d’af­faires. 2019, Guillaume Decitre se laisse séduire par les avances du Furet du Nord. Banco pour la vente des maga­sins afin de donner nais­sance au plus grand groupe de librai­ries indé­pen­dantes. Les deux marques sont conser­vées. Il se concentre sur Vivlio. « C’est mon bébé », lâche-t-il avec une pointe de nostal­gie alors qu’il vient de céder, le mois dernier, sa parti­ci­pa­tion à l’en­seigne Cultura, déjà au tour de table. « L’aven­ture conti­nue. Il y a une très bonne équipe en place autour de David Dupré, ici à Lyon. J’ai toujours eu la chance d’avoir de formi­dables équipes autour de moi », ajoute Guillaume Decitre.

L’ac­cès à la culture et le climat

Pas ques­tion de prendre sa retraite à 55 ans tout juste. Guillaume Decitre déborde d’idées autour de la fonda­tion fami­liale « Lire et Sourire » dont l’objet prin­ci­pal tourne autour de l’ac­cès à la culture pour les jeunes défa­vo­ri­sés. Autre prio­rité : la lutte contre le réchauf­fe­ment clima­tique. « Il est là, il s’im­pose à nous. On commence tout juste à comprendre ce que cela veut dire », explique Guillaume Decitre qui mobi­lise à travers la CFFC, la Coali­tion française des fonda­tions pour le climat. « Nous expliquons à toutes les fonda­tions qu’elles doivent garder leur mission première et qu’elles peuvent avoir un deuxième enga­ge­ment, autour du climat. C’est notre cas avec Lire et Sourire. On dit à toutes les fonda­tions, faites le même choix que nous. Regar­dez l’im­pact. Il y a un enjeu inter­gé­né­ra­tion­nel aussi, celui de commu­niquer avec nos enfants et de faire évoluer la société ».

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