À quoi joue Laurent Wauquiez ?

Sa décision de réduire drastiquement le volume de subventions régionales accordées aux institutions culturelles lyonnaises a surpris et agacé. Attaqué de toutes parts par l’opposition, et notamment par le maire de Lyon Grégory Doucet, Laurent Wauquiez trace sa route, le regard tourné vers 2027, en s’imposant à Lyon et dans la région comme le leader naturel d’une droite qui n’a d’yeux que pour lui.

La déci­sion aura fait couler beau­coup d’encre. En suppri­mant près de deux millions d’eu­ros de subven­tions régio­nales accor­dées jusqu’a­lors aux grands acteurs cultu­rels lyon­nais, Laurent Wauquiez s’est offert un retour média­tique sur fond de polé­mique. Les annonces soudaines de ses coupes budgé­taires dras­tiques pour l’Opéra (-500 000 euros), la Bien­nale d’art contem­po­rain (-253 000 euros), la Villa Gillet (-350 000 euros), les Subsis­tances (-150 000 euros) ou la Maison de la danse (-180 000 euros) ont ainsi fait le tour des grands médias natio­naux. Et si ces suppres­sions d’aides à la culture lyon­naise étonnent, le timing du président de Région surprend encore plus. Pourquoi sortir du bois de la sorte, en pleine campagne des légis­la­tives, au risque d’af­fai­blir des candi­dats LR déjà pas fran­che­ment donnés favo­ris à Lyon ? « Je ne suis pas persuadé que cela change grand chose de faire ces annonces avant ou après l’élec­tion », souf­flait-il début juin, en marge d’une rencontre avec les commerçants de la rue de la Charité aux côtés de Myriam Fogel-Jedidi, candi­date LR dans la 2e circons­crip­tion du Rhône. La polé­mique a fait du bruit, mais Laurent Wauquiez préfère toute­fois rester discret sur le sujet. Il n’a accordé qu’une seule inter­view pour évoquer cette ques­tion, sur le plateau de BFM Lyon le 19 mai dernier (un rendez-vous fixé de longue date, bien avant le début de la polé­mique d’après son entou­rage), en justi­fiant « qu’il n’y avait pas de rente ni de droit auto­ma­tique à toucher des subven­tions publiques ».

Précieux soutien

Si l’af­faire est une boule puante média­tique pour les candi­dats LR à Lyon, elle semble avoir un impact plutôt limité sur leur campagne de terrain. « Je suis peu attaquée sur cette ques­tion et j’en suis même assez éton­née. Je pensais qu’elle revien­drait plus souvent dans les discus­sions, mais on m’en a parlé seule­ment une fois », témoigne Béatrice de Montille, candi­date dans la 3e circons­crip­tion du Rhône. « Sur les marchés, les trois quarts des gens ne savent déjà pas qui est leur député ni dans quelle circons­crip­tion ils votent, donc ce n’est pas la baisse de subven­tions dans la culture qui va les affec­ter », prolonge Anne Prost, candi­date dans la 1re circons­crip­tion. Même son de cloche pour Myriam Fogel-Jedidi, dans la 2e circons­crip­tion, Clément Char­lieu, le candi­dat UDI soutenu par LR à Villeur­banne, ou encore Pierre Oliver, le maire LR du 2e arron­dis­se­ment. « Je suis sur les marchés tous les week-ends, et je n’ai toujours pas rencon­tré une personne qui m’en ait parlé », renseigne l’élu. La ligne de défense de Laurent Wauquiez est donc toute trou­vée. « J’ai le senti­ment que c’est un sujet qui inté­resse peut-être plus les jour­na­listes que les Français, confie ainsi le président de Région, quelque peu ironique. Les personnes que je rencontre me parlent de pouvoir d’achat, de sécu­rité, mais pas de ce sujet-là. »

« Fantasme complet »

Malgré la polé­mique, le soutien de Laurent Wauquiez reste primor­dial à droite, et plus parti­cu­liè­re­ment dans la région. « Tous les candi­dats se l’ar­rachent pour essayer d’avoir une photo, une vidéo, un mot ou une visite et affi­cher ensuite le patch Wauquiez sur leurs affiches de campagne. On veut profi­ter de son expé­rience et de son image », rapporte un proche du parti. En bon chef de famille, le président joue le jeu, enre­gistre ses messages vidéo, part à la rencontre des candi­dats et mouille la chemise comme avec Myriam Fogel-Jedidi rue de la Charité début juin : durant trente bonnes minutes, il serre des mains, féli­cite un jeune artiste, porte un plateau de saucis­son ou prend la pose avec des grou­pies septua­gé­nai­res… À ses côtés, la candi­date lyon­naise est tout sourire, heureuse d’avoir reçu elle aussi son message de soutien vidéo. Les scènes sont évidem­ment prépa­rées et rappellent les précé­dentes campagnes du président de Région. Ces dernières semaines, certains l’ima­gi­naient même candi­dat dans son fief en Haute-Loire pour ces légis­la­tives, mais Laurent Wauquiez n’ap­pa­raît fina­le­ment que suppléant de la dépu­tée sortante. « C’est un fantasme complet d’es­pé­rer le voir aux légis­la­tives. Il vient de se faire élire triom­pha­le­ment à la Région, il ne va pas la lais­ser pour avoir cinq minutes de temps de parole par-ci, par-là à l’As­sem­blée », fait-on savoir dans son entou­rage.

Exis­ter sur la scène média­tique

Pour peser sur la vie poli­tique natio­nale, Laurent Wauquiez a donc choisi
l’hô­tel de Région plutôt qu’un stra­pon­tin du palais Bour­bon. Avec l’objec­tif de conver­tir un bilan régio­nal – unani­me­ment salué par la droite lyon­naise – à l’échelle natio­nale. « C’est normal de le voir reve­nir dans l’es­pace média­tique. Il a décidé de ne pas aller sur la prési­den­tielle, donc aujourd’­hui il se repo­si­tionne comme le vrai leader charis­ma­tique de la droite, souligne Anne Prost. Il a tout ce qu’il faut pour se présen­ter dans cinq ans face à une nouvelle géné­ra­tion qui va s’ins­tal­ler. » « C’est le seul en mesure de pouvoir porter notre famille poli­tique au plus haut plan et à la victoire en 2027 »,
prolonge même Pierre Oliver.

Le calen­drier est encore long, et Laurent Wauquiez bien loin de
l’Ély­sée. Il construit son agenda pas à pas et multi­plie pour l’ins­tant les passes d’armes avec les maires écolo­gistes Grégory Doucet et Éric Piolle sur les réseaux sociaux. Le président de Région dénonce l’inac­tion de l’édile lyon­nais sur les ques­tions de sécu­rité et le laxisme du maire de Grenoble sur le port du burkini dans les piscines muni­ci­pales. Deux prises de posi­tion qui renforcent sa présence dans l’es­pace média­tique et conso­lident sa base élec­to­rale ; ses deux objec­tifs majeurs du moment. Et le tour de force semble fonc­tion­ner. « Beau­coup de gens m’ont confié être touchés par son courage sur la ques­tion du burkini », rapporte Béatrice de Montille, qui accu­mule les réunions de porte-à-porte pour sa campagne dans la 3e circons­crip­tion du Rhône. La rampe de lance­ment pour 2027 est donc en cours de prépa­ra­tion. « Ses adver­saires, ce ne sont pas vrai­ment Éric Piolle ou Grégory Doucet, confirme un membre de son entou­rage. Je suis certain qu’il vise plus haut. »
Maxime Feuillet

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