La décision aura fait couler beaucoup d’encre. En supprimant près de deux millions d’euros de subventions régionales accordées jusqu’alors aux grands acteurs culturels lyonnais, Laurent Wauquiez s’est offert un retour médiatique sur fond de polémique. Les annonces soudaines de ses coupes budgétaires drastiques pour l’Opéra (-500 000 euros), la Biennale d’art contemporain (-253 000 euros), la Villa Gillet (-350 000 euros), les Subsistances (-150 000 euros) ou la Maison de la danse (-180 000 euros) ont ainsi fait le tour des grands médias nationaux. Et si ces suppressions d’aides à la culture lyonnaise étonnent, le timing du président de Région surprend encore plus. Pourquoi sortir du bois de la sorte, en pleine campagne des législatives, au risque d’affaiblir des candidats LR déjà pas franchement donnés favoris à Lyon ? « Je ne suis pas persuadé que cela change grand chose de faire ces annonces avant ou après l’élection », soufflait-il début juin, en marge d’une rencontre avec les commerçants de la rue de la Charité aux côtés de Myriam Fogel-Jedidi, candidate LR dans la 2e circonscription du Rhône. La polémique a fait du bruit, mais Laurent Wauquiez préfère toutefois rester discret sur le sujet. Il n’a accordé qu’une seule interview pour évoquer cette question, sur le plateau de BFM Lyon le 19 mai dernier (un rendez-vous fixé de longue date, bien avant le début de la polémique d’après son entourage), en justifiant « qu’il n’y avait pas de rente ni de droit automatique à toucher des subventions publiques ».
Précieux soutien
Si l’affaire est une boule puante médiatique pour les candidats LR à Lyon, elle semble avoir un impact plutôt limité sur leur campagne de terrain. « Je suis peu attaquée sur cette question et j’en suis même assez étonnée. Je pensais qu’elle reviendrait plus souvent dans les discussions, mais on m’en a parlé seulement une fois », témoigne Béatrice de Montille, candidate dans la 3e circonscription du Rhône. « Sur les marchés, les trois quarts des gens ne savent déjà pas qui est leur député ni dans quelle circonscription ils votent, donc ce n’est pas la baisse de subventions dans la culture qui va les affecter », prolonge Anne Prost, candidate dans la 1re circonscription. Même son de cloche pour Myriam Fogel-Jedidi, dans la 2e circonscription, Clément Charlieu, le candidat UDI soutenu par LR à Villeurbanne, ou encore Pierre Oliver, le maire LR du 2e arrondissement. « Je suis sur les marchés tous les week-ends, et je n’ai toujours pas rencontré une personne qui m’en ait parlé », renseigne l’élu. La ligne de défense de Laurent Wauquiez est donc toute trouvée. « J’ai le sentiment que c’est un sujet qui intéresse peut-être plus les journalistes que les Français, confie ainsi le président de Région, quelque peu ironique. Les personnes que je rencontre me parlent de pouvoir d’achat, de sécurité, mais pas de ce sujet-là. »
« Fantasme complet »
Malgré la polémique, le soutien de Laurent Wauquiez reste primordial à droite, et plus particulièrement dans la région. « Tous les candidats se l’arrachent pour essayer d’avoir une photo, une vidéo, un mot ou une visite et afficher ensuite le patch Wauquiez sur leurs affiches de campagne. On veut profiter de son expérience et de son image », rapporte un proche du parti. En bon chef de famille, le président joue le jeu, enregistre ses messages vidéo, part à la rencontre des candidats et mouille la chemise comme avec Myriam Fogel-Jedidi rue de la Charité début juin : durant trente bonnes minutes, il serre des mains, félicite un jeune artiste, porte un plateau de saucisson ou prend la pose avec des groupies septuagénaires… À ses côtés, la candidate lyonnaise est tout sourire, heureuse d’avoir reçu elle aussi son message de soutien vidéo. Les scènes sont évidemment préparées et rappellent les précédentes campagnes du président de Région. Ces dernières semaines, certains l’imaginaient même candidat dans son fief en Haute-Loire pour ces législatives, mais Laurent Wauquiez n’apparaît finalement que suppléant de la députée sortante. « C’est un fantasme complet d’espérer le voir aux législatives. Il vient de se faire élire triomphalement à la Région, il ne va pas la laisser pour avoir cinq minutes de temps de parole par-ci, par-là à l’Assemblée », fait-on savoir dans son entourage.
Exister sur la scène médiatique
Pour peser sur la vie politique nationale, Laurent Wauquiez a donc choisi
l’hôtel de Région plutôt qu’un strapontin du palais Bourbon. Avec l’objectif de convertir un bilan régional – unanimement salué par la droite lyonnaise – à l’échelle nationale. « C’est normal de le voir revenir dans l’espace médiatique. Il a décidé de ne pas aller sur la présidentielle, donc aujourd’hui il se repositionne comme le vrai leader charismatique de la droite, souligne Anne Prost. Il a tout ce qu’il faut pour se présenter dans cinq ans face à une nouvelle génération qui va s’installer. » « C’est le seul en mesure de pouvoir porter notre famille politique au plus haut plan et à la victoire en 2027 »,
prolonge même Pierre Oliver.
Le calendrier est encore long, et Laurent Wauquiez bien loin de
l’Élysée. Il construit son agenda pas à pas et multiplie pour l’instant les passes d’armes avec les maires écologistes Grégory Doucet et Éric Piolle sur les réseaux sociaux. Le président de Région dénonce l’inaction de l’édile lyonnais sur les questions de sécurité et le laxisme du maire de Grenoble sur le port du burkini dans les piscines municipales. Deux prises de position qui renforcent sa présence dans l’espace médiatique et consolident sa base électorale ; ses deux objectifs majeurs du moment. Et le tour de force semble fonctionner. « Beaucoup de gens m’ont confié être touchés par son courage sur la question du burkini », rapporte Béatrice de Montille, qui accumule les réunions de porte-à-porte pour sa campagne dans la 3e circonscription du Rhône. La rampe de lancement pour 2027 est donc en cours de préparation. « Ses adversaires, ce ne sont pas vraiment Éric Piolle ou Grégory Doucet, confirme un membre de son entourage. Je suis certain qu’il vise plus haut. »
Maxime Feuillet