LE MENSUEL DES POUVOIRS LYONNAIS

Julien Monet, itinéraire d’un patron à la cool

Il a repris en 2009 la petite agence familiale de relations presse, alors en difficulté, pour en faire l’un des leaders français des relations médias, aujourd’hui implanté à Lyon, Paris, Nantes et Bordeaux. À tout juste quarante ans, Julien Monet, patron de Monet, est à la tête d’un groupe de 180 personnes, avec une croissance moyenne de 30 % par an, et un chiffre d’affaires de plus de 20 millions d’euros. Et cet amateur de tennis, de surf, de padel et de sport automobile, aussi aperçu à vélo sur les pentes du mont Ventoux, ne compte pas s’arrêter là.

Julien Monet ne s’y attendait pas forcément, mais ses quarante printemps soufflés en mars 2021 l’ont franchement remué. « Je ne l’ai pas vu venir, mais ça m’a foutu un coup monumental. Vraiment, ça m’a fait chier, peste le dirigeant de l’agence de relations publiques (RP) Monet, ex Monet + Associés, spécialisée dans les relations presse, l’influence et le social media. À quarante ans, j’ai le sentiment d’être passé chez les vieux. » La déclaration prête à sourire, mais elle illustre la peur du néo-quadra de voir les années filer dans un métier où « il ne fait pas vraiment bon vieillir » selon ses termes. « Je ne veux pas devenir ce patron omnipotent, qui pousse ses équipes à tout faire comme il l’entend alors qu’il est devenu ringard. C’est arrivé à beaucoup de monde, et c’est ma hantise », souffle le chef d’entreprise.

Si Julien Monet s’imagine déjà parmi les vétérans du métier, c’est aussi parce qu’il est arrivé très jeune aux commandes de l’entreprise fondée par sa mère dans les années 1980. C’était en 2009, à seulement 26 ans, alors que l’agence, placée en redressement judiciaire, connaissait un gros passage à vide. Depuis, le dirigeant a imposé sa patte et surfé sur l’avènement du digital et des réseaux sociaux pour transformer la petite entreprise familiale en véritable mastodonte des relations médias, au service de gros comptes comme Nikon, New Balance, Nestlé, Bouygues, Yamaha, Mattel ou Vicat.

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Quatorze ans après sa reprise en main, Monet + Associés pèse aujourd’hui 180 salariés, répartis sur quatre bureaux (Lyon, Paris, Nantes et Bordeaux), pour un chiffre d’affaires de plus de 20 millions d’euros. Suffisant pour se hisser dans le top 3 des agences RP indépendantes françaises, et même revendiquer la place de numéro 1 hors Paris. « L’histoire est belle d’autant qu’elle n’était pas prévue, sourit Sophie Monet, sa mère, fondatrice de l’agence en 1986, et toujours salariée de l’entreprise. Je n’aurais jamais eu l’ambition d’emmener l’agence là où elle est aujourd’hui, je n’en avais même pas eu l’ombre d’une idée. Mais c’est ça Julien, il a toujours la vision du coup d’après. »

Cette trajectoire, fulgurante, impressionne autant qu’elle étonne ses amis de longue date, à commencer par Laurent Gesse, le patron d’Axial, rencontré au Medef à la fin des années 2000 : « Je n’aurais jamais imaginé qu’il puisse atteindre ces hauteurs, mais il est en train de construire quelque chose qui peut aller très loin. On se demande aujourd’hui où il va s’arrêter ! »

Dans le sillon de sa mère

L’histoire, aussi belle soit-elle, aurait très bien pu ne jamais s’écrire. Car Julien Monet, passionné de sport automobile, se rêvait plus en nouveau Dominique Chapatte, le présentateur iconique de l’émission Turbo sur M6, qu’en futur boss de l’agence familiale. Mais après un job d’été de quelques semaines auprès de sa mère à l’été 2007, le jeune homme, fraîchement diplômé, choisit de rejoindre pour de bon l’agence qui l’avait accompagné tout au long de son enfance. « La société n’allait pas bien à cette époque et je trouvais dommage de laisser vingt ans d’entrepreneuriat de ma mère à l’abandon. J’ai donc voulu donner un peu de ma personne et de mon temps pour essayer de l’aider à tout reconstruire. »

Le chantier s’annonce pourtant colossal. Lâchée par quatre gros clients, l’agence est placée en redressement judiciaire début 2008. « À l’époque, ce n’est plus ma mère qui contrôle l’entreprise, mais une agence de pub parisienne qui ne s’en est pas occupée correctement et l’a peu à peu laissée tomber. » Néophyte, le jeune collaborateur se rapproche du président de cette agence de pub pour découvrir les ficelles du métier : « Il m’a pris sous son aile et m’a donné envie d’accélérer pour remettre la boîte sur le droit chemin. Deux ans plus tard, il nous a cédé ses parts à ma mère et moi. C’était un moyen pour lui de se désengager d’un truc qui partait dans le mur et nous, nous étions tout contents de reprendre le contrôle de notre boîte. » L’euphorie ne va pas durer bien longtemps.

La société, criblée de dettes et au bord de la faillite, ne parvient même plus à payer ses factures téléphoniques : « On reçoit une facture Orange de 45,98 euros, mais notre prélèvement est rejeté. Là, je me suis dit que ça allait être plus compliqué que prévu. Mais c’est le point de départ d’une nouvelle histoire. » Et cette nouvelle histoire, Julien Monet la mène seul aux commandes, suite à la mise en retrait opérationnelle de sa mère. « Je lui ai donné les clés en lui disant que je ne les reprendrai pas. C’était désormais à lui de prendre les décisions, rejoue-t-elle aujourd’hui. J’avais l’intuition qu’il avait l’envie et la capacité de porter l’agence et de redresser la barre. C’était le bon moment pour lui passer la main. »

Repéré par les États-Unis

Le dirigeant arrive à la tête de l’entreprise avec un plan de bataille bien défini et la volonté de s’appuyer sur le digital et les réseaux sociaux, alors en plein essor. « J’ai senti que le métier des relations presse était en train de profondément évoluer, qu’il devenait génial avec un champ des possibles immense. » À cette époque, l’agence Sophie Monet – renommée Monet + Associés en 2013, puis Monet en 2023 – ne compte que trois salariés : Julien à Lyon, sa mère à Paris et une autre consultante, elle aussi dans la capitale.

Le nouveau patron souhaite donc enrôler une pointure lyonnaise du secteur pour l’épauler sur un métier qu’il connaît encore mal. Au culot, il contacte Véronique Bourgeois, directrice du pôle RP chez Publicis. « Julien m’a présenté son projet, sa vision d’entrepreneur. Il m’a expliqué qu’il y avait tout à construire dans cette petite entreprise. C’était un beau défi à relever », indique celle qui est aujourd’hui directrice du bureau lyonnais de Monet et associée de l’agence depuis 2013. « J’ai encore du mal à comprendre comment elle a pu quitter Publicis pour me rejoindre alors que j’étais seul dans un bureau de 40 m2. C’est un risque dingue qu’elle a pris », lâche Julien Monet.

Sûr de son expertise et de sa vision novatrice, le duo part « chasser du client ». « On allait là où nous n’étions pas attendus. Mais comme on n’avait rien à perdre, on n’avait pas peur », rapporte Véronique Bourgeois. L’agence signe ainsi ses premiers gros contrats avec Black & Decker, Toupargel et les casinos JOA, trois entreprises de la région lyonnaise, et apparaît en 2014 – à la surprise générale – au onzième rang des agences les plus dynamiques au monde du Holmes Report, référence internationale des relations publiques. Un séisme absolu pour Julien Monet, qui s’empresse de partager la nouvelle avec sa mère : « J’étais comme un fou ! Ça voulait dire qu’un mec de l’autre côté de l’Atlantique avait aimé ce qu’on faisait. C’est notre premier prix, d’un coup ça nous a permis d’être plus visibles sur le marché. »

Depuis cette première distinction, l’étagère des trophées dans le bureau du dirigeant s’est joliment garnie : meilleure agence RP française en 2016, 2020 et 2022, Top Com d’Or en 2016 et 2017, top 500 des champions de la croissance des Échos en 2017, 2018 et 2019 et top 250 du PRovoke Media, bible mondiale de la profession. « Ces prix-là, c’est la reconnaissance du bon boulot des équipes en interne, assure le boss depuis son nouveau siège social à Vaise, un investissement de près de 2 millions d’euros. Ça nous permet d’être identifiés sur le marché, attractifs pour les candidats et craints par nos concurrents. » Ces récompenses permettent aussi d’attirer de plus en plus de gros comptes comme April, Pitaya, Campari ou Volotea. « La petite PME du coin, ce n’est pas mon terrain de jeu, rapporte le président de l’agence. Ce sont ces grandes marques que je veux séduire depuis le début ! »

Garder l’ADN familial

En gagnant ces gros comptes, Julien Monet s’assure aussi des leviers de développement majeurs pour son agence et ses filiales Smartfire et AllMatik (dédiées à la transformation digitale et à l’achat média). Le groupe affiche une croissance de 30 % par an, aussi bien organique avec un taux très élevé de conversion des appels d’offres, qu’externe, avec la reprise de deux agences en 2020 à Lyon et Bordeaux. « On devrait même avoir racheté deux grosses agences d’ici dix-huit mois et quatre à cinq structures d’ici cinq ans », révèle Julien Monet, qui a depuis accueilli Siparex Entrepreneurs à son capital et repris les agences Studio Drive et Conversationnel, et entend construire un véritable groupe avec des activités diverses, rassemblées sous la marque ombrelle Ceetadel, nouvellement créée. « Je lui tire mon chapeau parce que ce sont des choses que je serais incapable de faire, rapporte Maud Millet, présidente fondatrice de l’agence de communication Elvis, très élogieuse au sujet de son concurrent. Nous sommes dans un petit milieu où parfois les coups fusent. Mais je n’ai jamais vu ou entendu parler de coups bas de sa part. C’est quelqu’un de sympathique, avec des valeurs. »

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C’est aussi là toute la force de Julien Monet, capable de faire l’unanimité derrière lui, par sa bienveillance et son caractère. « C’est un ami fiable et un mec qui ne se prend vraiment pas au sérieux. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un en ville qui disait qu’il se la racontait. Alors que Lyon, c’est un village », précise Julien Aguettant, codirecteur de la société Light Air. « C’est un mec à l’écoute, toujours disponible et capable de discuter avec tout le monde, prolonge Jean-Baptiste Aguettant, l’autre frère à la tête de Light Air. Il fait son business de son côté, mais ne cherche pas à bouffer ni écraser ses concurrents. Il nous a d’ailleurs souvent recommandés auprès de ses clients… »

Le boss de Monet est même l’un des rares proches des trois frères Aguettant, qu’il côtoie aussi bien dans sa maison de famille à Marsanne, dans la Drome provençale, qu’en vacances sur la côte basque, près de Biarritz, où il a organisé en juillet 2021 le grand séminaire annuel de son agence avec ses 120 collaborateurs. Au menu des festivités : initiation au surf, tournoi de beach-volley et réunion dans la boutique Quiksilver « plutôt que dans une obscure salle de séminaire de l’hôtel Accor ». « J’aimerais être perçu comme un patron cool, car j’aime les trucs simples, et comme un mec juste, là où parfois j’ai pu être très dur par le passé, souligne Julien Monet. Mais je pense être beaucoup moins difficile qu’avant. »

Un témoignage confirmé par Elsa Esteves, ancienne numéro 2 du pôle RP, restée dans l’entreprise pendant douze ans : « Il a grandi au fur et à mesure que l’agence se développait, en confiant à ses associés des responsabilités avec lesquelles il était moins à l’aise. Quand je suis arrivée, nous étions six, et quand je suis partie, nous étions 120. C’est forcément une manière différente de gérer l’entreprise, mais il veille toujours à garder cet ADN familial dans la boîte. » Comme lorsqu’il décide, par exemple, d’offrir une paire de New Balance à tous ses salariés, après avoir gagné l’appel d’offres pour la marque de baskets.

Objectif 250 salariés

Cette image de patron à la cool, Julien Monet la cultive aussi en dehors du cadre professionnel, dans ses nombreuses sorties padel, kart, VTT, tennis ou course auto entre amis. « Julien, c’est le bon copain, celui avec qui vous pouvez parler pendant des heures. C’est un mec très entouré, avec la même bande de potes autour de lui depuis des années », témoigne Laurent Gesse, son partenaire de padel en tournoi. « Fin septembre, nous étions dans le Ventoux pour une sortie VTT avec des potes. Il ne connaissait quasiment personne, mais très vite, il s’est mis à discuter avec tout le monde, avec un petit mot pour chacun », complète Julien Aguettant.

L’homme est un fin réseauteur, même s’il ne goûte que très peu aux événements people de la ville : « Je déteste ça. Vous ne me verrez jamais dans une soirée où il faut absolument être. Si j’y vais, c’est parce qu’un pote me demande de venir. Je n’ai jamais fait une seule affaire en soirée. Mes clients, ce sont des directeurs marketing de grands groupes, donc ils ne sont pas au match de l’OL ou à la soirée de l’immobilier. Ce n’est pas leur truc. »

Ses clients, comme ses collaborateurs, sont surtout plus nombreux chaque année. « Je savais qu’il irait loin, mais il m’impressionne par la dimension acquise par son entreprise, indique son ami Matthieu Debay, dirigeant-fondateur de l’agence événementielle Tétro. Il est sur un cap impressionnant, mais je ne pense pas qu’il va s’arrêter là. » Les ambitions sont effectivement toujours plus élevées : « L’objectif, c’est d’être à 250 salariés dans le groupe d’ici cinq ans, avec un chiffre d’affaires autour de 40 millions d’euros. » Ce sera l’occasion, sans doute, de souffler 45 bougies l’esprit plus léger.

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