L’inquiétude grandit chez Place du Marché, l’ex Toupargel. Pour la 2ème fois en quatre ans, le groupe spécialisé dans la livraison à domicile de produits surgelés est passé par la case sauvegarde puis redressement judiciaire. Sauf que, cette fois-ci, aucun repreneur ne semble se manifester. En 2019, la famille Tchénio avait assumé le dépôt de bilan et se disait prête à accompagner un repreneur, en investissant aux côtés d’un nouveau propriétaire. Dans la dernière ligne, le Tribunal de commerce de Lyon avait confié, fin 2019, les clés du camion aux frères Bahadourian et à eux seuls, au grand désarroi de Roland Tchénio, repreneur de l’entreprise en 1982 avec son frère Maurice et qu’il avait dirigé jusqu’en 2013 avant de passer le relai à son neveu Romain Tchénio, à l’issue d’une phase transitoire associant aussi Jacques-Edouard Charret, ex dirigeant chez Casino et chez Quick France.
70 millions d’euros investis par les Bahadourian
Les frères Léo et Patrick Bahadourian, cofondateurs et actionnaires de Grand Frais, avaient échafaudé un solide plan de reprise, reprenant 2 300 salariés et l’essentiel des activités du groupe lyonnais. Une stratégie basée sur une diversification s’étendant aux produits frais et d’épicerie en faisant appel au boucher et à l’épicier de Grand Frais, mais aussi à un grand fromager lyonnais Cellerier et en rebaptisant le groupe du nom de Place du Marché début 2021, la plateforme créé au début des années 2000 par Roland Tchénio, déjà soucieux de diversifier l’offre du groupe pour qu’il ne dépende pas que du seul univers des surgelés.
« On ne peut pas dire que les nouveaux actionnaires n’ont pas été à la hauteur », déclare une source proche du tribunal de commerce de Lyon. De fait, en additionnant le coût de l’achat de Toupargel, le financement des investissements pour relancer l’entreprise avec le lancement de Place du Marché et les pertes constatées au bout du compte, ce sont sans doute pas loin de 70 millions d’euros que les Bahadourian auront injectés dans le groupe lyonnais, pour finalement jeter l’éponge cet automne, en deux temps : sauvegarde fin octobre puis mise en redressement judiciaire pour faciliter une cession de la société.
Elu service client 2023
Alors que tout est en place avec 700 livreurs dans tout l’Hexagone et une capacité de livrer presque toutes les communes du pays, hormis Paris et la Corse et que Place du Marché a été élu « service client de l’année 2023 » dans la catégorie vente à distance alimentaire (étude BVA – Viséo CI), l’activité n’est pas suffisante pour assurer la pérennité de l’entreprise présidée depuis l’été 2020 par Brieuc Fruchon (photo), passé auparavant chez Pomona. « Ce qui est en jeu, c’est le modèle économique sur lequel repose Place du Marché. Trop d’événements sont venus contrarier le plan de redressement. Des éléments extérieurs que la direction qualifie d’imprévisibles et incontrôlables. La crise sanitaire, l’inflation, la tension très forte sur les prix dans la grande distribution n’ont pas facilité les choses. Sans compter que, sur la partie livraison du dernier kilomètre, les concurrents sont là aussi », explique un connaisseur du secteur. Un peu comme Comareg/Paru Vendu, Place du Marché voit son activité s’effondrer inexorablement. Certes, l’entreprise emploie encore plus de 1 600 salariés et pesait encore 200 millions d’euros de chiffre d’affaires lors du dernier exercice clos le 31 mars 2022. Mais les repreneurs ne se bousculent pas au portillon.
CSE ce mercredi 4 janvier
La semaine dernière, la CGT a indiqué que le seul candidat à une reprise très partielle (200 salariés seulement), Tazita, une enseigne de distribution implantée dans la région, avait retiré son offre. « Cette annonce pousse la société Place du Marché vers une liquidation judiciaire », précise la CGT dans un communiqué. Et d’ajouter : « Près de 1.600 salariés vont venir gonfler les statistiques de Pôle emploi l’an prochain », craint le syndicat.
Une réunion du CSE (Comité social et économique) est prévue, ce mercredi 4 janvier pour tenir les représentants du personnel au courant des dernières tractations. Une audience technique au tribunal de commerce est aussi annoncée pour ce mardi 3 janvier : elle concerne la présentation du BES (bilan économique et social) de la société. Et, la semaine suivante, le mercredi 11 janvier, une nouvelle audience est programmée devant la juridiction consulaire. Si aucune offre n’est présentée d’ici là, la liquidation judiciaire de Place du Marché est probable.
Un geste des Tchénio ?
Au sein de l’entreprise, certains espèrent secrètement un geste des Tchénio en dernière minute pour repartir sur un format réduit autour d’un périmètre resserré. « Pour Roland Tchénio, Toupargel, c’était tout. Il n’est pas indifférent à ce qui nous arrive. Alors, qui sait ?… », lâche un salarié. Aucun commentaire du côté de la direction et de son avocat, si ce n’est pour indiquer que jusqu’au 11 janvier, tout est encore possible, si une offre sérieuse venait à se présenter en dernière minute. Encore 8 jours à attendre et espérer.