Elle avait pris ses fonctions en toute connaissance de cause le 5 janvier 2022. Sophie Désormière (photo) n’ignorait pas alors qu’elle était la 4e personne à prendre les manettes de Navya en 8 ans. Une valse des patrons qui ne l’inquiétait pas plus que cela. Après avoir beaucoup bourlingué, 30 ans dans l’industrie (Valéo et Solvay) et dans la banque (France et Tunisie), ainsi que dans un fonds d’investissement tourné sur les mobilités, Sophie Désormière pensait que la pépite technologique française Navya avait fait sa mue et passait, avec son arrivée à « la phase de l’accélération, de la croissance ».
36 millions d’euros apportés par Negma
Une croissance à financer, bien sûr, d’où l’apport de 36 millions d’euros de Negma, le fonds d’investissement de Dubaï, cet été (le même fonds qui a racheté Zilli fin 2021). Une enveloppe apportée sous la forme d’OCABSA, à savoir des obligations convertibles en actions -OCA- auxquelles sont attachés des bons de souscription d’actions -BSA-. Chaque OCABSA, d’une valeur nominale unitaire de 2 500 € étant souscrite par Negma, investisseur au pair avec une maturité de douze mois. Une opération pas franchement appréciée par la bourse, ni par l’AMF (Autorité des marchés financiers) avec une belle glissade du cours de l’action Navya à la clé.
Tout au long de 2022, Navya annonce différents partenariats et contrats. Le 12 décembre, à l’issue d’un cafouillage monstre, l’agence de communication de l’entreprise annonce un nouveau financement de 30 millions d’euros auprès d’une société d’investissement basée au Royaume de Bahrain (Eshaq Investment Company WLL). Un financement sur 10 ans au taux de 3% présenté comme la suite logique des 36 millions de l’été. Dans foulée, le même jour, peu après 17 heures, Navya suspend la cotation en bourse et fait savoir que ce communiqué a été diffusé par erreur, à l’insu de sa volonté. Après avoir procédé à des investigations financières, le 15 décembre, Navya indique que « les conditions de mise en place de ce projet de financement relevaient d’une tentative d’escroquerie et n’étaient pas conformes règles fiscales internationales ». Lorsque la cotation reprend, le 16 décembre, le cours de Navya est divisé par deux (l’action cote 0,03 euro, le 3 janvier 2023 au soir, en chute de 57% en un mois et de 98,4% depuis un an). Deux semaines plus tard, le 30 décembre, Sophie Désormière démissionne de ses fonctions de présidente du directoire et de membre du directoire avec effet immédiat au 31 décembre 2022.
200 navettes commercialisées
Dans un communiqué, Navya précise que « le directoire de Navya, composé de Pierre Guibert, directeur financier et vice-président exécutif opérations, et Olivier Le Cornec, directeur R&D et technologies, poursuivra ses missions et pilotera l’entreprise. Le conseil de surveillance et son président renouvellent toute leur confiance au directoire ». Fermez le ban ! En attendant, sans doute, l’arrivée dans les prochaines semaines, d’un 5e président du directoire en 9 ans… Décidément, le pilotage de Navya n’a rien d’un long fleuve tranquille. Créée en 2014, Navya emploie 280 collaborateurs en France (Paris et Lyon), aux États-Unis (Michigan) et à Singapour. Navya veut devenir l’acteur de référence des systèmes de mobilité autonome de niveau 4 pour le transport de passagers et de biens. Depuis 2015, elle a été la première société à mettre en service des solutions de mobilité autonome. Sa navette Autonom Shuttle dédiée au transport de passagers a été commercialisée à plus de 200 exemplaires dans 25 pays au 31 décembre 2021. Le tracteur Autonom Tract est quant à lui destiné au transport de biens. Valeo et Keolis figurent parmi les actionnaires historiques de Navya, créée par Christophe Sapet, cofondateur d’Infogrames avec Bruno Bonnell en 1983.