Décryp­tage : Lyon décroche enfin son bioclus­ter

Retoquée dans sa première mouture, la candidature lyonnaise a finalement été retenue par l’État pour accueillir un biocluster dédié au développement de solutions innovantes dans la lutte contre les maladies infectieuses émergentes et contre l’antibiorésistance. Avec, à la clé, une dotation de 100 millions d’euros.

La bonne nouvelle est tombée le 16 mai, de la bouche d’Em­ma­nuel Macron en visite ce jour-là à l’Ins­ti­tut Curie de Paris : le dossier lyon­nais fait bien partie des cinq candi­da­tures rete­nues par l’État pour la créa­tion d’un bioclus­ter – une struc­ture regrou­pant indus­triels, établis­se­ments de santé, univer­si­tés, centres de recher­che… –  qui sera dédié au déve­lop­pe­ment de solu­tions inno­vantes pour la lutte contre les mala­dies infec­tieuses émer­gentes et contre l’an­ti­bio­ré­sis­tance. Concrè­te­ment, ce bioclus­ter (dont un nom moins barbare reste à trou­ver) doté d’une enve­loppe de 100 millions d’eu­ros sur dix ans pren­dra ses quar­tiers au cœur du biodis­trict de Gerland (dans un bâti­ment qui reste à trou­ver ou construire), avec pour objec­tifs de favo­ri­ser les rencontres, initier des programmes de recherche, héber­ger des start-up…

« Nous sommes ravis de cette label­li­sa­tion, au terme de 18 mois de travail, qui vient souli­gner le rôle d’épi­centre de la région Auvergne-Rhône-Alpes dans la lutte contre les mala­dies infec­tieuses. L’am­bi­tion prin­ci­pale est de créer des colla­bo­ra­tions qui débouchent sur des solu­tions concrètes. Ce bioclus­ter sera un lieu de cocons­truc­tion et d’in­te­rac­tions perma­nentes », affirme Florence Agos­tino-Etchetto, la direc­trice géné­rale du pôle de compé­ti­ti­vité Lyon­bio­pôle, qui a piloté la candi­da­ture lyon­naise au casting fourni entre les indus­triels bioMé­rieux, Sanofi et Boeh­rin­ger-Ingel­heim, l’uni­ver­sité Claude Bernard Lyon 1, les Hospices Civils de Lyon, l’Ins­ti­tut Pasteur ou encore les soutiens de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et des Métro­poles de Lyon et Grenoble. « Tous ces acteurs se sont véri­ta­ble­ment enga­gés dans l’ap­pel à candi­da­tures et une vision commune s’est déga­gée assez rapi­de­ment pour conce­voir ce bioclus­ter comme un outil devant être effi­cace immé­dia­te­ment, afin de favo­ri­ser une recherche de rupture pour mieux faire face aux prochaines pandé­mies », avance Florence Agos­tino-Etchetto de Lyon­bio­pôle.

« Cela corres­pond à l’ADN de la région »

Alors que la crise Covid-19 a mis en lumière la vulné­ra­bi­lité du système de santé français, le Président de la Répu­blique a lancé l’idée, en juin 2021, de la créa­tion de plusieurs bioclus­ters (en infec­tio­lo­gie, mais aussi onco­lo­gie, neuro­lo­gie et en immu­no­lo­gie) dans le cadre du plan Inno­va­tion Santé 2030 visant à faire de la France la première indus­trie de santé euro­péenne. Les acteurs lyon­nais se retrouvent seule­ment quelques semaines plus tard pour une première réunion qui pose les jalons pour le dépôt d’une candi­da­ture. « Auvergne-Rhône-Alpes est la première région indus­trielle de France et cinquième région euro­péenne en recherche publique privée en matière de santé. Notre terri­toire béné­fi­ciait donc de l’éco­sys­tème le plus à même de porter ce projet de bioclus­ter d’im­muno-infec­tio­lo­gie. Cela corres­pond à l’ADN de la région qui regroupe 10 000 cher­cheurs acadé­miques, 1250 entre­prises et 40 000 sala­riés dans le secteur de la santé, ainsi que des centres de recherche, quatre CHU et 400 établis­se­ments de santé », reven­dique le député (LR) et ancien vice-président de la Région en charge de la recherche et de l’in­no­va­tion, Yannick Neuder, qui a accom­pa­gné le début de la construc­tion du projet de bioclus­ter.

Une copie à revoir

Et pour­tant, une première mouture, présen­tée en décembre dernier, a d’abord été retoquée et l’éco­sys­tème lyon­nais prié de revoir sa copie. « Ce n’était évidem­ment pas une bonne nouvelle de ne pas être retenu lors du premier audit du jury, mais nous n’étions pas inquiets parce que sûrs de nos forces et de nos atouts. Ce délai supplé­men­taire nous a permis d’amé­lio­rer encore notre dossier », assure le viro­logue Bruno Lina, qui va prendre la prési­dence du bioclus­ter lyon­nais. Dans sa seconde version, le rôle des indus­triels est notam­ment renforcé, mais surtout la nouvelle candi­da­ture intègre mieux deux acteurs pari­siens incon­tour­nables en infec­tio­lo­gie, à savoir l’APHP qui chapeaute les hôpi­taux de Paris et l’uni­ver­sité de Paris Cité.

« Nous avons bien compris que la propo­si­tion d’em­barquer une partie acadé­mique pari­sienne augmen­tait nos chances de succès », souligne Bruno Lina, qui s’at­telle désor­mais à construire le comité scien­ti­fique du bioclus­ter dont les statuts devraient être dépo­sés en début d’an­née prochaine, signant sa créa­tion offi­cielle sous la forme d’une asso­cia­tion loi 1901. « Après une longue période de réflexion, nous entrons désor­mais dans l’opé­ra­tion­nel », commente-t-il. Et, comme il l’a raconté sur LinkedIn, le viro­logue a reçu direc­te­ment sur son télé­phone les instruc­tions d’Em­ma­nuel Macron : « Soyez moteurs pour struc­tu­rer cette réponse aux mala­dies émer­gentes pour l’en­semble des acteurs français, au-delà de ce que vous aviez prévu. » Le défi est de taille.

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