Néolife : la courte victoire de Patrick Marché contes­tée par Pascal Léan­dri

Patrick Marché, président du conseil de surveillance de Neolife, a évité la révocation de peu : 47,5% contre 52,5%. Tandis que son opposant, Pascal Léandri représentant la société réunionnaise Capriona est élu au conseil de surveillance avec 94,5% des voix. Capriona souhaite l’annulation de l’assemblée générale du 26 juin.
Patrick Marché et Pascal Leandri

Un huis­sier de justice. Un vigile à l’en­trée. Des cabi­nets d’avo­cats en nombre dans la salle. Et un commu­niqué pour donner les résul­tats de l’as­sem­blée géné­rale trois jours seule­ment après la fin des votes… Autant dire que l’as­sem­blée géné­rale de Neolife n’a pas été de tout repos lundi 26 juin dans les locaux de Fidal à Vaise, le cabi­net d’avo­cats de la direc­tion de l’en­tre­prise de Cham­pagne-au-Mont-d’Or, spécia­li­sée dans les éco-maté­riaux.

A priori, tout aurait pu se passer serei­ne­ment. En 2022, le chiffre d’af­faires a progressé de 24% à 13,3 millions d’eu­ros et la crois­sance se pour­suit au 1er trimestre de 2023 : + 17%. « Neolife, c’est une belle réus­site, une entre­prise avec beau­coup de R & D, de beaux produits, des clients qui paient bien. De mémoire en 2021, il y avait 3 millions d’eu­ros de cash dans les caisses. Il y a donc eu un problème opéra­tion­nel en 2022 », explique un ancien sala­rié de Néolife.

Un trou d’air finan­cier que Patrick Marché, fonda­teur de Néolife avec Bernard Voisin, ne cache pas. « Notre crois­sance s’est traduite par une augmen­ta­tion du besoin en fonds de roule­ment, lui-même impacté par les condi­tions de marché dégra­dées. Face à ce besoin de tréso­re­rie urgent pour finan­cer la crois­sance et hono­rer nos enga­ge­ments, notam­ment le rembour­se­ment des PGE, nous avons dû trou­ver un finan­ce­ment rapide et flexible (…) via un contrat d’émis­sion d’OCEANE (NDLR : obli­ga­tions conver­tibles ou échan­geables en actions nouvelles ou exis­tantes), tout en étant conscients de l’im­pact dilu­tif lié pour les action­naires de la société, en ce compris pour les fonda­teurs et les mana­gers ».

Les fonds de dette en accu­sa­tion

Un programme de finan­ce­ment en OCEANE d’un montant de 2 millions d’eu­ros, dont 1,5 million a fait l’objet d’un tirage, mais qui a entrainé une charge finan­cière excep­tion­nelle de 3 millions, creu­sant les pertes de l’en­tre­prise. Et c’est là que le bât blesse.

Sur ces contrats de dettes loca­li­sés dans des desti­na­tions exotiques (Baha­mas, Dubaï et autres lieux spécia­li­sés), le prêteur joue en bourse en ache­tant et en reven­dant dans la foulée, donc ne perdant rien dans l’opé­ra­tion tandis que le petit porteur voit le nombre d’ac­tions explo­ser en même temps que le cours dégrin­gole. « Ces fonds sont hors péri­mètre de l’Union euro­péenne et de l’AMF (Auto­rité des marchés finan­ciers). Ils sont toujours gagnants, tandis que les petits porteurs sont complè­te­ment démo­ti­vés pour ne pas dire excé­dés », explique un spécia­liste bour­sier. Le même schéma ou presque s’est produit dans d’autres PME lyon­naises cotées telles que Delta Drone ou Spine­way.

Dans le cas de Néolife, la situa­tion s’est compliquée quand la société Capriona de Pascal Léan­dri, entre­pre­neur réunion­nais spécia­lisé dans la construc­tion et action­naire de Néolife depuis de 2019, a proposé son aide à Néolife en 2022 sous forme d’aug­men­ta­tion de capi­tal clas­sique réser­vée. Refus poli mais ferme de la direc­tion, sans doute dési­reuse de ne pas deve­nir trop dépen­dante de Capriona.

Et c’est ainsi que Capriona a conti­nué de ramas­ser des titres sur le marché jusqu’à atteindre 13%, soit globa­le­ment autant que les fonda­teurs et mana­gers actuels. Et de déclen­cher les hosti­li­tés en vue de l’as­sem­blée géné­rale des action­naires en soumet­tant plusieurs réso­lu­tions deman­dant tout simple­ment la révo­ca­tion de tout le conseil de surveillance et du président du direc­toire.

Capriona dénonce aussi certaines conven­tions passées entre Néolife et une autre société déte­nue par Patrick Marché. Le verdict est tombé après 3 jours de silence assour­dis­sant. Patrick Marché n’est pas révoqué mais il ne dépasse pas les 52,5% face à 47,5% de votants prêts à le révoquer. Bernard Voisin, président du direc­toire, s’en sort mieux avec 85,9% de vote favo­rables.

Patrick Marché laisse une place à Pascal Léan­dri

Sur les 6 nomi­na­tions propo­sées par Capriona au conseil de surveillance, cinq ne fran­chissent par la barre des 41,3%. Seul Pascal Léan­dri réalise un score impres­sion­nant de 94,5%, signe que Patrick Marché a jugé normal qu’il siège au conseil de surveillance, au nom du « respect d’un action­naire. Je crois que c’est cela une société cotée », glisse Patrick Marché comme unique commen­taire.

Un début d’ou­ver­ture ? Peut-être, mais la direc­tion de Neolife rappelle, dans le même temps, que les fran­chis­se­ments de seuil de Capriona n’ayant pas été déclaré en 2019, « elle se réserve la faculté d’ini­tier toute action judi­ciaire qu’elle jugera oppor­tune (…) étant rappelé que le défaut de décla­ra­tion d’un fran­chis­se­ment de seuil consti­tue une infrac­tion pénale ». Un contre­feu sans doute au cas où les oppo­sants enga­ge­raient des recours par rapport à cette assem­blée géné­rale qui n’a tota­lisé que 38% de votants.

Et, de fait, Pascal Léan­dri et Capriona n’ont pas tardé à faire savoir qu’ils contestent ces résul­tats. « Le bureau de l’as­sem­blée, présidé par Patrick Marché, a procédé d’au­to­rité à l’an­nu­la­tion de 13,2 millions de droits de votes sur les 15,8 millions déte­nus par Capriona et Pascal Lean­dri », explique ce dernier dans un commu­niqué publié ce mardi 4 juillet. Et d’ajou­ter : « Sur les conseils de Fidal, avocat de Néolife, l’es­sen­tiel des droits de vote de Capriona et de Pascal Lean­dri ont été annu­lés pour une préten­due non-confor­mité d’une décla­ra­tion de fran­chis­se­ment de seuil des 5% de Capriona datant du 14 octobre 2019, malgré la produc­tion en assem­blée d’une copie de cette décla­ra­tion approu­vée par le président de Néolife, à l’époque, Sébas­tien Marin Laflèche (…) Tous ces votes (pour plus de 21 millions, soit 43 % des votes expri­mables ) deman­daient la révo­ca­tion de Patrick Marché (et non celle de Bernard Voisin) afin d’en finir avec les pratiques finan­cières de Néolife et de permettre un renou­vel­le­ment de la gouver­nance dans l’in­té­rêt géné­ral. Les motifs d’an­nu­la­tion invoqués sont falla­cieux. Enfin, il n’a pas été possible de véri­fier la vali­dité des votes par corres­pon­dance et des procu­ra­tions confiées aux diri­geants actuels qui assu­raient les postes de président et de scru­ta­teurs. L’étroi­tesse des votes des réso­lu­tions, obte­nus dans de telles condi­tions, démontre que ces manœuvres dila­toires ont eu pour effet d’in­ver­ser le souhait majo­ri­taire de l’as­sem­blée des action­naires ».

« Déni de démo­cra­tie action­na­riale »

Conclu­sion : « Capriona étudie les suites à donner à ce déni de démo­cra­tie action­na­riale et se réserve la possi­bi­lité de faire valoir ses droits en justice, notam­ment en vue d’une annu­la­tion de cette assem­blée géné­rale du 26 juin dernier ». Contacté par Lyon Déci­deurs, Pascal Léan­dri déclare : « Nous ne pouvons pas lais­ser les choses en l’état. Il faut réta­blir une assem­blée géné­rale régu­lière ». La bataille bour­sière autour de Néolife, loin d’être termi­née, ne fait que se pour­sui­vre…

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