LE MENSUEL DES POUVOIRS LYONNAIS

Tanguy Bertolus, l’homme clé de Vinci Airports aux manettes

Homme fort de Vinci Airports, Tanguy Bertolus dirige les Aéroports de Lyon depuis près de six ans. Une période lors de laquelle il a tout connu, du record historique de trafic à 11,7 millions de passagers à la chute vertigineuse du trafic de 70 % l’année suivante. Un personnage clé pour un rôle clé, en lien permanent avec les acteurs économiques et politiques du territoire.

Il n’imaginait sans doute pas traverser un mandat aussi agité. En prenant en novembre 2017 la présidence du directoire d’Aéroports de Lyon, la filiale de Vinci Airports, exploitant des aéroports Lyon Saint-Exupéry et Lyon-Bron, Tanguy Bertolus a définitivement sauté dans le grand bain. « C’est mon premier poste de direction générale d’un aéroport, et donc forcément un challenge personnel et professionnel », témoigne entre deux rendez-vous le dirigeant, qui soufflera ses cinquante bougies à l’automne.

Nommé en lieu et place de Philippe Bernand, parti sous le soleil de Marignane à la direction de l’aéroport Marseille-Provence, Tanguy Bertolus a donc retrouvé la plateforme lyonnaise, vingt ans après son premier passage à Saint Exupéry comme stagiaire, dans le cadre de son master à l’iaelyon en 1997.

Homme à tout faire de Vinci Airports, expatrié ces quinze dernières années au Cambodge, au Portugal et aux quatre coins du réseau mondial du groupe, le globe-trotteur retrouve donc une terre qu’il connaît bien, et s’est surtout rapproché de ses racines savoyardes et de sa maison familiale à Villaroux, un petit village coincé entre Chambéry et Saint-Jean-de-Maurienne.

Le dirigeant figurait déjà au conseil de surveillance de l’aéroport depuis 2016, date à laquelle l’État a choisi de céder la majorité du capital d’Aéroports de Lyon, contre 535 millions d’euros, à un consortium mené par Vinci Airports (31 %), avec Predica (Crédit Agricole Assurances, 14,5 %) et la Caisse des Dépôts (14,5 %).

Ce consortium, exploitant-concessionnaire de Lyon Saint-Exupéry (et Lyon-Bron) jusqu’en 2047, détient donc aujourd’hui 60 % des parts d’Aéroports de Lyon, aux côtés de la CCI Lyon-Métropole (25 %), de la Métropole de Lyon (7 %), de la Région Auvergne-Rhône-Alpes (5 %) et du Département du Rhône (3 %). Et Vinci Airports a logiquement choisi de placer à sa tête un de ses hommes forts, Tanguy Bertolus, en charge donc du plus grand aéroport de son réseau en France.

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Rassurer les partenaires

Pas simple toutefois, de prendre la suite des dirigeants emblématiques de la plateforme comme Bernard Chaffange (1986-2006), Yves Guyon (2006-2012) ou Philippe Bernand (2012-2017), sans aucune expérience à pareil niveau de responsabilité, et dans un léger climat de défiance après cette privatisation discutée. « Il fallait d’abord montrer ce que Vinci Airports savait faire et établir que nous serions un bon partenaire pour les acteurs politiques et économiques de cet outil au service du territoire », détaille aujourd’hui Tanguy Bertolus.

Le dirigeant se calque alors sur les stratégies d’implantation déjà employées ailleurs par Vinci Airports, le premier opérateur aéroportuaire privé mondial avec plus de 70 aéroports gérés dans 13 pays, pour convaincre et embarquer les équipes dans ce nouveau projet. Il multiplie les interventions, cherche à dissiper les doutes, et participe même, seulement trois jours après sa prise de fonction, à une table ronde de l’Odyssée des entrepreneurs, l’événement annuel du Medef Lyon-Rhône.

Les donneurs d’ordre, collectivités locales, acteurs économiques et politiques, sont rassurés. « Il nous a été souligné, au début de la privatisation, que l’aéroport n’était pas au niveau du dynamisme du territoire. Il fallait donc montrer qu’un grand opérateur aéroportuaire comme Vinci Airports était capable de faire bouger les choses. »

Les premiers changements ne tardent d’ailleurs pas à se faire sentir, puisque le trafic passagers et le nombre de destinations desservies bondissent de 35 % entre 2017 et 2019. « Il y a trois grandes parties sur lesquelles on a changé de braquet : le développement du réseau et du trafic passagers, l’accélération de notre feuille de route environnementale, et tout ce qui touche à l’expérience client, développe Tanguy Bertolus. L’aéroport est aujourd’hui le centre d’excellence de Vinci Airports pour l’innovation liée à l’expérience client. Avec des premières mondiales comme le robot voiturier, le parcours biométrique et la reconnaissance faciale… »

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Traverser la crise

© E. Soudan

Les acteurs du territoire sont conquis. Lyon Saint-Exupéry fête en 2019 son record historique de fréquentation à 11,7 millions de passagers et reçoit quelques mois plus tard le prix de la meilleure plateforme européenne de l’année (parmi celles accueillant entre 10 et 25 millions de passagers par an). L’aéroport décolle enfin, mais la joie sera de courte durée.

Avec la crise sanitaire, le trafic aérien s’effondre de 70 % en 2020 et tombe à 3,5 millions de passagers. La dynamique est brisée, le coup de massue terrible. « Dans ce genre de moment, vous n’avez pas le temps de vous poser trop de questions. Cela prend autant d’énergie de croître comme on le faisait jusqu’alors, que de décroître dans un contexte pareil. Il a fallu préserver l’entreprise et travailler avec le personnel pour adapter notre organisation à la baisse du trafic », indique Tanguy Bertolus, trois ans après cette crise historique.

La direction de l’aéroport entame alors des négociations avec le personnel et signe avec les syndicats majoritaires un accord de performance collective (APC) à l’été 2020, pour éviter un important plan social et le licenciement de 120 des 430 salariés, stratégie d’abord envisagée par Vinci Airports. « La direction du consortium à Paris était favorable à cette option, mais la volonté de Tanguy Bertolus, en accord avec les collectivités, était de faire le maximum pour sauver le plus d’emplois sur site. La direction d’Aéroports de Lyon a donc eu carte blanche et nous a proposé cet APC lors des négociations », dévoilait à l’automne 2020 Florent Petrozzi, désormais ex-délégué syndical CDFT à Lyon-Saint Exupéry.

Cet accord prévoit 40 ruptures conventionnelles individuelles et la réinternalisation de 80 postes équivalents temps-plein sous-traités, avec en parallèle la suppression pour les salariés d’une prime de vacances de 360 euros brut par an, le gel des augmentations pendant deux ans et la perte de trois jours de RTT par an. Des contreparties sociales difficiles à accepter, qui ont grandement divisé et fracturé le mouvement syndical à l’aéroport. « Cet accord nous a permis de préserver les compétences dans l’entreprise et d’être prêts pour la reprise du trafic », justifie aujourd’hui Tanguy Bertolus.

Composer avec les politiques

Et si les indicateurs sont maintenant au vert, « avec un dialogue social largement apaisé depuis la reprise du trafic », selon le président du directoire d’Aéroports de Lyon, le son de cloche n’est pas vraiment le même du côté des syndicats. Plusieurs préavis de grève ont été déposés en juin et juillet 2022, pour réclamer des embauches et des hausses de salaires. « Les équipes sont fatiguées. On leur demande de faire le même travail, mais avec moins d’effectif », observe un représentant syndical.

Et les réclamations tombent souvent dans l’oubli. « La direction ne travaille qu’avec les syndicats qui lui conviennent et qui vont dans son sens. Donc avec certains, ça se passe bien, et avec d’autres, c’est l’ignorance la plus totale. Tanguy Bertolus ne se préoccupe ni du ressenti ni du mal-être de ses équipes », explique une autre source en interne.

Malgré ces critiques, le dirigeant mène sa barque et gère les turbulences en fin diplomate. Il ménage dans son conseil de surveillance trois collectivités locales aux positions contraires et doit aussi composer avec un Grégory Doucet loin d’être le premier soutien du transport aérien. « Je travaille dans les aéroports depuis toujours, donc je sais combien ces infrastructures au service des territoires sont des outils politiques. Mais on ne fait pas de politique, on doit travailler dans la meilleure configuration possible avec les élus et les acteurs économiques. Et aujourd’hui, 99 % des décisions sont prises à l’unanimité autour de la table. Même le maire de Lyon a parfois besoin de prendre l’avion pour des déplacements politiques », répond le président du directoire face aux polémiques.

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Rester dans la course

Avec 8,5 millions de passagers accueillis l’an passé, l’aéroport est revenu à 72 % du trafic passager de 2019. « On estime qu’il faudra encore deux à trois ans pour retrouver la fréquentation d’avant-crise, même si c’est difficile à prévoir », explique le dirigeant.

La structure lyonnaise est maintenant devancée depuis deux ans par Marseille-Provence en termes de trafic passager et glisse au troisième rang des aéroports les plus fréquentés de province derrière Nice (12,1 millions) et donc Marseille (9,5 millions). « Savoir quel aéroport est devant lequel, cela ne nous intéresse pas. Le sujet, c’est de savoir comment on permet au territoire lyonnais et régional d’avoir une offre et un réseau de bonne qualité qui répondent à leurs demandes. » Une réponse tout en diplomatie, à l’image du personnage.

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