Julien Monet, itiné­raire d’un patron à la cool

Il a repris en 2009 la petite agence familiale de relations presse, alors en difficulté, pour en faire l’un des leaders français des relations médias, aujourd’hui implanté à Lyon, Paris, Nantes et Bordeaux. À tout juste quarante ans, Julien Monet, patron de Monet, est à la tête d’un groupe de 180 personnes, avec une croissance moyenne de 30 % par an, et un chiffre d’affaires de plus de 20 millions d’euros. Et cet amateur de tennis, de surf, de padel et de sport automobile, aussi aperçu à vélo sur les pentes du mont Ventoux, ne compte pas s’arrêter là.
© Marie-Eve Brouet
📜Article publié dans le maga­zine Lyon Déci­deurs d’oc­tobre 2022

Julien Monet ne s’y atten­dait pas forcé­ment, mais ses quarante prin­temps souf­flés en mars 2021 l’ont fran­che­ment remué. « Je ne l’ai pas vu venir, mais ça m’a foutu un coup monu­men­tal. Vrai­ment, ça m’a fait chier, peste le diri­geant de l’agence de rela­tions publiques (RP) Monet, ex Monet + Asso­ciés, spécia­li­sée dans les rela­tions presse, l’in­fluence et le social media. À quarante ans, j’ai le senti­ment d’être passé chez les vieux. » La décla­ra­tion prête à sourire, mais elle illustre la peur du néo-quadra de voir les années filer dans un métier où « il ne fait pas vrai­ment bon vieillir » selon ses termes. « Je ne veux pas deve­nir ce patron omni­po­tent, qui pousse ses équipes à tout faire comme il l’en­tend alors qu’il est devenu ringard. C’est arrivé à beau­coup de monde, et c’est ma hantise », souffle le chef d’en­tre­prise.

Si Julien Monet s’ima­gine déjà parmi les vété­rans du métier, c’est aussi parce qu’il est arrivé très jeune aux commandes de l’en­tre­prise fondée par sa mère dans les années 1980. C’était en 2009, à seule­ment 26 ans, alors que l’agence, placée en redres­se­ment judi­ciaire, connais­sait un gros passage à vide. Depuis, le diri­geant a imposé sa patte et surfé sur l’avè­ne­ment du digi­tal et des réseaux sociaux pour trans­for­mer la petite entre­prise fami­liale en véri­table masto­donte des rela­tions médias, au service de gros comptes comme Nikon, New Balance, Nestlé, Bouygues, Yamaha, Mattel ou Vicat.

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Quatorze ans après sa reprise en main, Monet + Asso­ciés pèse aujourd’­hui 180 sala­riés, répar­tis sur quatre bureaux (Lyon, Paris, Nantes et Bordeaux), pour un chiffre d’af­faires de plus de 20 millions d’eu­ros. Suffi­sant pour se hisser dans le top 3 des agences RP indé­pen­dantes françaises, et même reven­diquer la place de numéro 1 hors Paris. « L’his­toire est belle d’au­tant qu’elle n’était pas prévue, sourit Sophie Monet, sa mère, fonda­trice de l’agence en 1986, et toujours sala­riée de l’en­tre­prise. Je n’au­rais jamais eu l’am­bi­tion d’em­me­ner l’agence là où elle est aujourd’­hui, je n’en avais même pas eu l’ombre d’une idée. Mais c’est ça Julien, il a toujours la vision du coup d’après. »

Cette trajec­toire, fulgu­rante, impres­sionne autant qu’elle étonne ses amis de longue date, à commen­cer par Laurent Gesse, le patron d’Axial, rencon­tré au Medef à la fin des années 2000 : « Je n’au­rais jamais imaginé qu’il puisse atteindre ces hauteurs, mais il est en train de construire quelque chose qui peut aller très loin. On se demande aujourd’­hui où il va s’ar­rê­ter ! »

Dans le sillon de sa mère

L’his­toire, aussi belle soit-elle, aurait très bien pu ne jamais s’écrire. Car Julien Monet, passionné de sport auto­mo­bile, se rêvait plus en nouveau Domi­nique Chapatte, le présen­ta­teur iconique de l’émis­sion Turbo sur M6, qu’en futur boss de l’agence fami­liale. Mais après un job d’été de quelques semaines auprès de sa mère à l’été 2007, le jeune homme, fraî­che­ment diplômé, choi­sit de rejoindre pour de bon l’agence qui l’avait accom­pa­gné tout au long de son enfance. « La société n’al­lait pas bien à cette époque et je trou­vais dommage de lais­ser vingt ans d’en­tre­pre­neu­riat de ma mère à l’aban­don. J’ai donc voulu donner un peu de ma personne et de mon temps pour essayer de l’ai­der à tout recons­truire. »

Le chan­tier s’an­nonce pour­tant colos­sal. Lâchée par quatre gros clients, l’agence est placée en redres­se­ment judi­ciaire début 2008. « À l’époque, ce n’est plus ma mère qui contrôle l’en­tre­prise, mais une agence de pub pari­sienne qui ne s’en est pas occu­pée correc­te­ment et l’a peu à peu lais­sée tomber. » Néophyte, le jeune colla­bo­ra­teur se rapproche du président de cette agence de pub pour décou­vrir les ficelles du métier : « Il m’a pris sous son aile et m’a donné envie d’ac­cé­lé­rer pour remettre la boîte sur le droit chemin. Deux ans plus tard, il nous a cédé ses parts à ma mère et moi. C’était un moyen pour lui de se désen­ga­ger d’un truc qui partait dans le mur et nous, nous étions tout contents de reprendre le contrôle de notre boîte. » L’eu­pho­rie ne va pas durer bien long­temps.

La société, criblée de dettes et au bord de la faillite, ne parvient même plus à payer ses factures télé­pho­niques : « On reçoit une facture Orange de 45,98 euros, mais notre prélè­ve­ment est rejeté. Là, je me suis dit que ça allait être plus compliqué que prévu. Mais c’est le point de départ d’une nouvelle histoire. » Et cette nouvelle histoire, Julien Monet la mène seul aux commandes, suite à la mise en retrait opéra­tion­nelle de sa mère. « Je lui ai donné les clés en lui disant que je ne les repren­drai pas. C’était désor­mais à lui de prendre les déci­sions, rejoue-t-elle aujourd’­hui. J’avais l’in­tui­tion qu’il avait l’en­vie et la capa­cité de porter l’agence et de redres­ser la barre. C’était le bon moment pour lui passer la main. »

Repéré par les États-Unis

Le diri­geant arrive à la tête de l’en­tre­prise avec un plan de bataille bien défini et la volonté de s’ap­puyer sur le digi­tal et les réseaux sociaux, alors en plein essor. « J’ai senti que le métier des rela­tions presse était en train de profon­dé­ment évoluer, qu’il deve­nait génial avec un champ des possibles immense. » À cette époque, l’agence Sophie Monet – renom­mée Monet + Asso­ciés en 2013, puis Monet en 2023 – ne compte que trois sala­riés : Julien à Lyon, sa mère à Paris et une autre consul­tante, elle aussi dans la capi­tale.

Le nouveau patron souhaite donc enrô­ler une poin­ture lyon­naise du secteur pour l’épau­ler sur un métier qu’il connaît encore mal. Au culot, il contacte Véro­nique Bour­geois, direc­trice du pôle RP chez Publi­cis. « Julien m’a présenté son projet, sa vision d’en­tre­pre­neur. Il m’a expliqué qu’il y avait tout à construire dans cette petite entre­prise. C’était un beau défi à rele­ver », indique celle qui est aujourd’­hui direc­trice du bureau lyon­nais de Monet et asso­ciée de l’agence depuis 2013. « J’ai encore du mal à comprendre comment elle a pu quit­ter Publi­cis pour me rejoindre alors que j’étais seul dans un bureau de 40 m2. C’est un risque dingue qu’elle a pris », lâche Julien Monet.

Sûr de son exper­tise et de sa vision nova­trice, le duo part « chas­ser du client ». « On allait là où nous n’étions pas atten­dus. Mais comme on n’avait rien à perdre, on n’avait pas peur », rapporte Véro­nique Bour­geois. L’agence signe ainsi ses premiers gros contrats avec Black & Decker, Toupar­gel et les casi­nos JOA, trois entre­prises de la région lyon­naise, et appa­raît en 2014 – à la surprise géné­rale – au onzième rang des agences les plus dyna­miques au monde du Holmes Report, réfé­rence inter­na­tio­nale des rela­tions publiques. Un séisme absolu pour Julien Monet, qui s’em­presse de parta­ger la nouvelle avec sa mère : «  J’étais comme un fou ! Ça voulait dire qu’un mec de l’autre côté de l’At­lan­tique avait aimé ce qu’on faisait. C’est notre premier prix, d’un coup ça nous a permis d’être plus visibles sur le marché. »

Depuis cette première distinc­tion, l’éta­gère des trophées dans le bureau du diri­geant s’est joli­ment garnie : meilleure agence RP française en 2016, 2020 et 2022, Top Com d’Or en 2016 et 2017, top 500 des cham­pions de la crois­sance des Échos en 2017, 2018 et 2019 et top 250 du PRovoke Media, bible mondiale de la profes­sion. « Ces prix-là, c’est la recon­nais­sance du bon boulot des équipes en interne, assure le boss depuis son nouveau siège social à Vaise, un inves­tis­se­ment de près de 2 millions d’eu­ros. Ça nous permet d’être iden­ti­fiés sur le marché, attrac­tifs pour les candi­dats et craints par nos concur­rents. » Ces récom­penses permettent aussi d’at­ti­rer de plus en plus de gros comptes comme April, Pitaya, Campari ou Volo­tea. « La petite PME du coin, ce n’est pas mon terrain de jeu, rapporte le président de l’agence. Ce sont ces grandes marques que je veux séduire depuis le début ! »

Garder l’ADN fami­lial

En gagnant ces gros comptes, Julien Monet s’as­sure aussi des leviers de déve­lop­pe­ment majeurs pour son agence et ses filiales Smart­fire et AllMa­tik (dédiées à la trans­for­ma­tion digi­tale et à l’achat média). Le groupe affiche une crois­sance de 30 % par an, aussi bien orga­nique avec un taux très élevé de conver­sion des appels d’offres, qu’ex­terne, avec la reprise de deux agences en 2020 à Lyon et Bordeaux. « On devrait même avoir racheté deux grosses agences d’ici dix-huit mois et quatre à cinq struc­tures d’ici cinq ans », révèle Julien Monet, qui a depuis accueilli Sipa­rex Entre­pre­neurs à son capi­tal et repris les agences Studio Drive et Conver­sa­tion­nel, et entend construire un véri­table groupe avec des acti­vi­tés diverses, rassem­blées sous la marque ombrelle Ceeta­del, nouvel­le­ment créée. « Je lui tire mon chapeau parce que ce sont des choses que je serais inca­pable de faire, rapporte Maud Millet, prési­dente fonda­trice de l’agence de commu­ni­ca­tion Elvis, très élogieuse au sujet de son concur­rent. Nous sommes dans un petit milieu où parfois les coups fusent. Mais je n’ai jamais vu ou entendu parler de coups bas de sa part. C’est quelqu’un de sympa­thique, avec des valeurs. »

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C’est aussi là toute la force de Julien Monet, capable de faire l’una­ni­mité derrière lui, par sa bien­veillance et son carac­tère. « C’est un ami fiable et un mec qui ne se prend vrai­ment pas au sérieux. Je n’ai jamais rencon­tré quelqu’un en ville qui disait qu’il se la racon­tait. Alors que Lyon, c’est un village », précise Julien Aguet­tant, codi­rec­teur de la société Light Air. « C’est un mec à l’écoute, toujours dispo­nible et capable de discu­ter avec tout le monde, prolonge Jean-Baptiste Aguet­tant, l’autre frère à la tête de Light Air. Il fait son busi­ness de son côté, mais ne cherche pas à bouf­fer ni écra­ser ses concur­rents. Il nous a d’ailleurs souvent recom­man­dés auprès de ses clients… »

Le boss de Monet est même l’un des rares proches des trois frères Aguet­tant, qu’il côtoie aussi bien dans sa maison de famille à Marsanne, dans la Drome provençale, qu’en vacances sur la côte basque, près de Biar­ritz, où il a orga­nisé en juillet 2021 le grand sémi­naire annuel de son agence avec ses 120 colla­bo­ra­teurs. Au menu des festi­vi­tés : initia­tion au surf, tour­noi de beach-volley et réunion dans la boutique Quik­sil­ver « plutôt que dans une obscure salle de sémi­naire de l’hô­tel Accor ». « J’ai­me­rais être perçu comme un patron cool, car j’aime les trucs simples, et comme un mec juste, là où parfois j’ai pu être très dur par le passé, souligne Julien Monet. Mais je pense être beau­coup moins diffi­cile qu’a­vant. »

Un témoi­gnage confirmé par Elsa Esteves, ancienne numéro 2 du pôle RP, restée dans l’en­tre­prise pendant douze ans : « Il a grandi au fur et à mesure que l’agence se déve­lop­pait, en confiant à ses asso­ciés des respon­sa­bi­li­tés avec lesquelles il était moins à l’aise. Quand je suis arri­vée, nous étions six, et quand je suis partie, nous étions 120. C’est forcé­ment une manière diffé­rente de gérer l’en­tre­prise, mais il veille toujours à garder cet ADN fami­lial dans la boîte. » Comme lorsqu’il décide, par exemple, d’of­frir une paire de New Balance à tous ses sala­riés, après avoir gagné l’ap­pel d’offres pour la marque de baskets.

Objec­tif 250 sala­riés

Cette image de patron à la cool, Julien Monet la cultive aussi en dehors du cadre profes­sion­nel, dans ses nombreuses sorties padel, kart, VTT, tennis ou course auto entre amis. « Julien, c’est le bon copain, celui avec qui vous pouvez parler pendant des heures. C’est un mec très entouré, avec la même bande de potes autour de lui depuis des années », témoigne Laurent Gesse, son parte­naire de padel en tour­noi. « Fin septembre, nous étions dans le Ventoux pour une sortie VTT avec des potes. Il ne connais­sait quasi­ment personne, mais très vite, il s’est mis à discu­ter avec tout le monde, avec un petit mot pour chacun », complète Julien Aguet­tant.

L’homme est un fin réseau­teur, même s’il ne goûte que très peu aux événe­ments people de la ville : « Je déteste ça. Vous ne me verrez jamais dans une soirée où il faut abso­lu­ment être. Si j’y vais, c’est parce qu’un pote me demande de venir. Je n’ai jamais fait une seule affaire en soirée. Mes clients, ce sont des direc­teurs marke­ting de grands groupes, donc ils ne sont pas au match de l’OL ou à la soirée de l’im­mo­bi­lier. Ce n’est pas leur truc. »

Ses clients, comme ses colla­bo­ra­teurs, sont surtout plus nombreux chaque année. « Je savais qu’il irait loin, mais il m’im­pres­sionne par la dimen­sion acquise par son entre­prise, indique son ami Matthieu Debay, diri­geant-fonda­teur de l’agence événe­men­tielle Tétro. Il est sur un cap impres­sion­nant, mais je ne pense pas qu’il va s’ar­rê­ter là. » Les ambi­tions sont effec­ti­ve­ment toujours plus élevées : « L’objec­tif, c’est d’être à 250 sala­riés dans le groupe d’ici cinq ans, avec un chiffre d’af­faires autour de 40 millions d’eu­ros. » Ce sera l’oc­ca­sion, sans doute, de souf­fler 45 bougies l’es­prit plus léger.

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