Fabienne Klein-Donati, une certaine idée de la justice

D’Épinal à Melun en passant par Évry et Bobigny ces sept dernières années, c’est à Lyon que la nouvelle Procureure générale terminera sa carrière, entre Rhône et Saône. Un parcours ponctué de passages en cabinet ministériel auprès d’Élisabeth Guigou et Jean-Marc Ayrault. Près de 40 ans au service de la justice résumés dans Poursuivre, un livre « témoignage » paru en 2021
Fabienne Klein-Donati © Marie-Eve Brouet

Avec les moyens du bord 

Ne deman­dez pas à Fabienne Klein-Donati ce qu’elle retient en prio­rité de sa longue carrière dans la justice. « Tout m’a marquée », répond-elle instinc­ti­ve­ment. Jeune substi­tut à Épinal, elle est de perma­nence le soir où éclate l’af­faire Grégory, remon­tée ensuite au Procu­reur de la Répu­blique. « J’ai un peu tout fait, je suis une géné­ra­liste qui a commencé avec les moyens du bord de l’époque : pas de télé­phones portables, pas d’in­ter­net… »

Un zest de parquet écono­mique et finan­cier, une pincée d’ad­mi­nis­tra­tion centrale et beau­coup d’im­pli­ca­tion dans la justice des mineurs, aussi bien côté délinquants que côté victimes. Elle sera juge des enfants. D’Épi­nal, elle passe à Melun et, plus tard, Fontai­ne­bleau, où elle sera confron­tée au dossier des violences urbaines.

Au gré des nomi­na­tions, elle se retrouve procu­reure adjointe à Évry dans l’Es­sonne en charge de la divi­sion des mineurs et de l’ac­tion publique. Un parcours entre­coupé de deux expé­riences en cabi­net minis­té­riel, six ans en tout, qui l’ont passion­née.

De l’autre côté de la barrière 

Elle rejoint le cabi­net d’Éli­sa­beth Guigou, ministre de la Justice, dans le gouver­ne­ment de coha­bi­ta­tion de Lionel Jospin (1997/2002). Elle s’in­té­resse toujours à la ques­tion des mineurs.

Et lorsque sa patronne prend la suite de Martine Aubry, partie se présen­ter à Lille, aux Affaires sociales, elle pour­suit sa mission de conseillère justice en lien avec tous les minis­tères ratta­chés à Élisa­beth Guigou : Santé, Ville, etc. « C’est une expé­rience très enri­chis­sante, avec de l’in­ter­mé­dia­tion, de la coor­di­na­tion. » Dix ans plus tard, en 2012, la voici conseillère justice du nouveau Premier Ministre.

Elle arrive quatre jours après la nomi­na­tion de Jean-Marc Ayrault dans un hôtel Mati­gnon qui lui semble encore vide, où seuls quelques conseillers ont été nommés. Elle fait l’ap­pren­tis­sage de « l’autre côté de la barrière, de la façon dont se prennent les déci­sions poli­tiques, des arbi­trages. Avec le mariage pour tous, nous avons vécu des débats passion­nés. On a beau­coup travaillé aussi sur la ques­tion de l’exé­cu­tion des peines ».

Le cri d’alarme de Bobi­gny

Quand Manuel Valls succède à l’an­cien maire de Nantes, il ne garde aucun des conseillers sortants à Mati­gnon. Pour Fabienne Klein-Donati, ce sera une nomi­na­tion au poste de procu­reure de Bobi­gny en Seine-Saint-Denis. « C’est une belle sortie de rejoindre le deuxième parquet de France, le premier après Paris », résume-t-elle. Un poste qui va lui valoir de se retrou­ver sous les feux de l’ac­tua­lité. Dans le dépar­te­ment le plus crimi­no­gène de France, le plus pauvre, le plus jeune dans sa popu­la­tion et avec beau­coup de jeunes magis­trats aussi, elle pousse un « cri d’alarme » début 2018 lors de l’au­dience solen­nelle de rentrée pour dénon­cer le manque de moyens de la justice dans le dépar­te­ment.

Après la une du Monde, tous les médias s’em­parent du sujet. Le gouver­ne­ment décide d’un plan Marshall pour le 93. « Je ne me suis pas battue pour rien. Bobi­gny a été une belle expé­rience profes­sion­nelle et humai­ne­ment très riche aussi. »

Avant d’ar­ri­ver à Lyon, Fabienne Klein-Donati a consi­gné dans un livre témoi­gnage, Pour­suivre, ce qu’elle a vécu à Bobi­gny. « C’est un dépar­te­ment hors normes, j’ex­plique comment ça se passe. » Assise depuis septembre dans le bureau de Pierre Truche, elle appré­cie le calme, les lieux plus feutrés qui sont désor­mais les siens. « Procu­reure géné­rale, vous super­vi­sez. Vous n’avez plus le poids du quoti­dien d’un terri­toire, c’est autre chose, ajoute-t-elle. Avant de conclure : Une justice à la hauteur, c’est une justice qui conti­nue à faire son œuvre avec de petites affaires et de gros dossiers. »

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