LE MENSUEL DES POUVOIRS LYONNAIS

David Metaxas : la revanche de l’enfant terrible du Barreau

Il y a une dizaine d’années, David Metaxas était le mouton noir du Barreau, qui examinait son exclusion. Visé par des menaces de mort au terme du procès Dorier, il a reçu, début février, le soutien unanime de l’Ordre des avocats de Lyon. Signe que l’ultra médiatique et toujours clivant pénaliste, qui s’est fait un nom dans les aff­aires de stups et de braquages, a enfin trouvé sa place parmi les ténors lyonnais.

📜Article publié dans le maga­­zine Lyon Déci­­deurs de mars 2023

David Metaxas en est persuadé : « Il y a quelques années, mes confrères ne se seraient pas mobilisés pour moi comme ils viennent de le faire. C’est à la fois rassurant et touchant. Cela veut aussi dire que je fais désormais partie du paysage. » Certains ont, en effet, dû se pincer pour y croire : l’enfant terrible du Barreau a reçu, début février, le soutien officiel de l’Ordre des avocats avec le vote d’une « motion de protestation et de soutien » en réponse aux insultes et menaces de mort dont il a fait l’objet à l’issue du très médiatique procès Axelle Dorier, où il défendait le conducteur de la voiture condamné à 12 ans de prison pour avoir renversé mortellement la jeune femme sur les hauteurs de Fourvière. « Les menaces sont venues progressivement lorsque le délibéré est tombé. Cela a d’abord été les insultes, puis c’est passé à la vitesse supérieure avec des menaces de mort de plus en plus précises. J’ai reçu des mails à mon cabinet, mais surtout une centaine de messages sur Twitter et Instagram. Je n’ai pas eu peur, j’ai d’ailleurs refusé une protection policière, mais j’ai eu un sentiment d’appréhension », détaille David Metaxas, qui se retrouve, une nouvelle fois, à faire parler de lui. Une vieille habitude un peu estompée ces derniers temps.

Le pénaliste de 46 ans, qui s’est fait un nom en défendant des barons dans des affaires de braquages et de stups, adore toujours prendre la lumière, bien sûr. Mais le temps des frasques semble derrière lui. Une époque, au début des années 2010, où l’ambitieux, l’arrogant, le provocateur et le fêtard jeune avocat, qui déclarait « vouloir défendre toutes les têtes d’affiche » du banditisme, était ouvertement détesté par une bonne partie de ses confrères. Un parcours jalonné de trois gardes à vue, de quoi lui coller une image d’avocat sulfureux et borderline. Il sera à chaque fois totalement blanchi : d’abord en 2012 dans le cadre de l’affaire de son ami Michel Neyret (soupçons de corruption, trafic d’influence et violation du secret professionnel), la même année dans un dossier de saisie de stupéfiants à Dijon (soupçon de violation du secret de l’instruction) et enfin en 2017 lors d’une rocambolesque histoire de caution de 500000 euros intégralement réglée en grosses coupures de 500 euros par des proches d’un caïd lyonnais défendu par David Metaxas.

Et le même Ordre des avocats de Lyon avait, en son temps, étudié la possibilité d’une privation de la robe en le plaçant sous le coup d’une enquête déontologique. « Beaucoup disaient que je ne ferais pas long feu, mais je viens de fêter mes 20 ans de barre. Si je n’ai pas sauté, c’est que je suis toujours resté dans les clous. Mais tous ces épisodes laissent des traces », commente David Metaxas, qui dit s’être « assagi » en prenant de l’âge. Et jure au passage qu’il n’a « plus aucune forme de fascination » pour le mode de vie de ses clients : « La fête et les milieux interlopes m’ont toujours amusé. Mais j’en suis revenu. Ce sont quand même des personnes compliquées… D’ailleurs, ces derniers temps, ma clientèle est beaucoup plus grand public et moins du pénal pur et dur à problèmes. Et ces petits dossiers sont aussi rentables que ceux du grand banditisme. »

« Moins puncheur et plus sensible » 

Autre signe de changement, l’avocat dit essayer « d’avoir de meilleurs rapports » avec les autres professionnels de la justice, magistrats comme confrères. « Je me suis arrondi, car ce n’est pas forcément en étant offensif que l’on gagne. Je suis moins puncheur et plus sensible aujourd’hui. » Résultat, selon le pénaliste lyonnais Frédéric Doyez : « David a trouvé sa place. Ce serait beaucoup trop fort de dire qu’il n’agace plus, mais il a pris de la bouteille et a conscience de certaines limites. Il y a une période où on ne lui reconnaissait aucun mérite. Aujourd’hui, même ses détracteurs lui trouvent des qualités. »

Une position nouvelle au sein du Barreau lyonnais qui convient très bien à David Metaxas selon l’un de ses proches : « Il est ravi de la conjoncture actuelle. La défiance généralisée de ses confrères ne lui plaisait pas. Cela l’a beaucoup travaillé. Et je pense que ce qui pouvait être perçu comme de l’irrespect était en réalité beaucoup de timidité de la part d’un jeune avocat pas très à l’aise dans les relations professionnelles et les interactions avec les autres. Le souci de Metaxas, c’est qu’il a eu beaucoup de notoriété trop jeune et qu’il n’a pas réussi à gérer », décrypte-t-il.

Mais les années sont passées et même Sylvain Cormier s’est fendu d’un tweet pour apporter son soutien à David Metaxas. On était pourtant resté sur une médiatique brouille au début des années 2010, où les deux pénalistes prometteurs, collègues au sein du cabinet de François Saint-Pierre, armaient chacun être l’avocat numéro un de Karim Benzema alors empêtré dans l’affaire Zahia (c’est finalement Sylvain Cormier qui est depuis l’avocat de KB9). « Notre relation s’est normalisée avec le temps, assure Sylvain Cormier. On se salue, il n’y a plus aucun problème entre nous. »

Autre preuve qu’il n’est plus le mouton noir du Barreau, David Metaxas dit même avoir renoué avec son confrère Philippe Screve après 15 années de brouille. « Je n’ai pas d’ennemis. Et puis ça se mérite d’être mon ennemi », lance-t-il, bravache. Puis d’ajouter dans la foulée que, de toute façon, « avec un ami comme Alain Jakubowicz, on n’a pas besoin d’ennemis ».

Ce que l’on vérifiera assez vite auprès de son « mentor », l’homme qui l’a lancé dans le grand bain en 2005 lors du procès de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, « l’exemple que j’essaie de suivre au quotidien » selon David Metaxas. « P… Non, cela ne m’emballe pas trop de vous parler de David (silence). Parce que je lui dis d’arrêter ses conneries à répondre aux journalistes pour se mettre en avant ou de poster ses photos de vacances bling-bling sur Instagram », accueille Jakubowicz.

Prenez votre souffle : « Ouais, il a évolué… On évolue tous… Ceci étant, chacun garde sa marque de fabrique et ses travers. Je lui répète sans cesse de moins s’exposer à titre personnel. Je suis le premier à médiatiser une affaire dans l’intérêt de mes clients. Mais il n’a pas besoin de mettre des photos de ses bagnoles et de ses bouteilles de champagne sur les réseaux sociaux », embraye celui qui est également son avocat : « Quand il est dans la merde, et c’est déjà arrivé plus d’une fois, je sais que c’est moi qu’il va appeler. David est attachant, très généreux, un cœur énorme. Et, ça va vous faire rire, il y a aussi une forme d’humilité chez lui. En fait, c’est quelqu’un de très ambivalent. C’est un personnage qu’on prend ou qu’on laisse. Il me fait marrer et j’ai de l’affection pour lui, même s’il m’agace au-delà du raisonnable. Qu’est-ce qu’il peut me faire chier… D’ailleurs beaucoup de gens ne comprennent pas pourquoi je continue de le défendre. J’ai peut-être un côté un peu paternaliste avec lui… », grogne Alain Jakubowicz, qui ne s’arrête plus : « Il est très fier du soutien du Barreau ces derniers jours, c’est un peu sa Légion d’honneur. En tout cas, cela prouve que ses confrères ne sont pas rancuniers… Mais bon, il en fait encore des tonnes dans cette histoire. J’ai aussi reçu des lettres de menace et je n’en ai jamais fait étalage… »

Pourtant, David Metaxas promet la main sur le cœur de moins chercher à braquer les projecteurs sur lui aujourd’hui. « Je me suis servi des médias à une époque parce que j’en avais besoin pour me faire connaître. C’était de la communication professionnelle et ce n’est plus nécessaire aujourd’hui. L’autopromotion ne m’intéresse plus. »

Exemple à l’appui, il a même décliné dernièrement une invitation de Cyril Hanouna pour parler de l’affaire Dorier sur le plateau de TPMP, où il a ses habitudes avec des interventions en tant qu’avocat du supporter de l’OL qui a allumé Dimitri Payet avec une bouteille de Cristaline ou encore du père de la fillette agressée qui s’est fait justice lui-même à Roanne, dans un autre fait divers très médiatisé. « Hanouna a lourdement insisté, il voulait même me mettre un avion à disposition. Mais trop c’est trop, je sais aussi poser des limites », arme-t-il, conscient que l’image du personnage clivant peut finir par prendre le pas sur celle de l’avocat : « On me critique parce que je suis prétentieux et que je l’assume, mais je ne suis jamais critiqué sur mes plaidoiries ni mes résultats. Pour moi, l’audience est le seul élément à prendre en compte pour juger de la pertinence d’un avocat. Je ne changerai jamais d’avis là-dessus », appuie-t-il.

Et, à l’entendre, l’avocat n’aurait pas changé : « J’étais un jeune loup, je reste un loup. Je garde mon style un peu rock’n roll, percutant à l’audience avec mes confrères, les magistrats et mes clients. » En témoigne notamment son dernier coup d’éclat lorsqu’il a bruyamment claqué la porte du procès Dorier en pleine audience, énervé par la tournure que prenaient alors les débats. « J’essaie de gérer mes émotions, mais parfois je n’y parviens pas. Je suis avec la robe comme dans la vie, avec les mêmes émotions et les mêmes failles. »

« Pas à l’abri des tentations » 

Alors, c’est quoi le style Metaxas avec la robe ? « David est quelqu’un de brillant, intellectuellement armé. Il manie bien les concepts du droit et il a du souffle juridique. Il sent bien les dossiers et plaide bien, en ramenant parfois des sujets d’actualité. Cela ne plaît pas à tout le monde, mais il fait bien partie des ténors », témoigne le vice-bâtonnier Jean-François Barre, rencontré sur les bancs de la fac à Lyon 3.

Le doyen du Barreau, André Soulier, est lui carrément dithyrambique : « C’est simple, je lui trouve du talent et de la grâce. Par le passé, il n’était pas à l’abri des tentations, cela aurait pu mal se terminer. Mais je n’ai jamais douté qu’il s’agissait des frasques de la jeunesse. Je crois à la naissance d’un grand avocat avec l’usure de la robe. » Collaborateur de David Metaxas depuis trois ans, Ghaïs Bencharif, qui a notamment officié lors du procès Dorier, décrit un avocat qui « prend des risques » en plaidoirie. « Il sort des sentiers battus avec une approche des dossiers différente de ses confrères. Il peut surprendre, choquer et cela fait souvent mouche… », explique-t-il, tout en dépeignant son mentor dans l’intimité comme « un homme agréable, généreux, honnête et calme, à l’opposé de son image dans les médias ».

D’ailleurs, le jeune avocat n’hésite pas à se montrer, lui aussi, critique envers l’hypercommunication de son employeur : « Je le lui ai déjà dit en face, je considère que David est un mauvais communicant. À mon avis, on peut parler d’une incompréhension totale des réseaux sociaux qu’il utilise comme aux débuts de Facebook alors que les codes ont changé. Mais il tient à communiquer et à occuper l’espace en faisant parler de lui en bien ou en mal, et je crois que ce sera son point faible jusqu’au bout. »

Car oui, ses oreilles sifflent, mais David Metaxas ne semble en effet pas tout à fait prêt à arrêter de se mettre en scène. Après un premier livre écrit sur l’affaire Neyret (Michel Neyret, mon meilleur ennemi), il pense déjà à publier ses mémoires. « Mon éditeur me harcèle. J’ai de l’inspiration, mais je ne trouve pas le temps d’écrire… », s’excuse-t-il.

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