Avec les moyens du bord
Ne demandez pas à Fabienne Klein-Donati ce qu’elle retient en priorité de sa longue carrière dans la justice. « Tout m’a marquée », répond-elle instinctivement. Jeune substitut à Épinal, elle est de permanence le soir où éclate l’affaire Grégory, remontée ensuite au Procureur de la République. « J’ai un peu tout fait, je suis une généraliste qui a commencé avec les moyens du bord de l’époque : pas de téléphones portables, pas d’internet… »
Un zest de parquet économique et financier, une pincée d’administration centrale et beaucoup d’implication dans la justice des mineurs, aussi bien côté délinquants que côté victimes. Elle sera juge des enfants. D’Épinal, elle passe à Melun et, plus tard, Fontainebleau, où elle sera confrontée au dossier des violences urbaines.
Au gré des nominations, elle se retrouve procureure adjointe à Évry dans l’Essonne en charge de la division des mineurs et de l’action publique. Un parcours entrecoupé de deux expériences en cabinet ministériel, six ans en tout, qui l’ont passionnée.
De l’autre côté de la barrière
Elle rejoint le cabinet d’Élisabeth Guigou, ministre de la Justice, dans le gouvernement de cohabitation de Lionel Jospin (1997/2002). Elle s’intéresse toujours à la question des mineurs.
Et lorsque sa patronne prend la suite de Martine Aubry, partie se présenter à Lille, aux Affaires sociales, elle poursuit sa mission de conseillère justice en lien avec tous les ministères rattachés à Élisabeth Guigou : Santé, Ville, etc. « C’est une expérience très enrichissante, avec de l’intermédiation, de la coordination. » Dix ans plus tard, en 2012, la voici conseillère justice du nouveau Premier Ministre.
Elle arrive quatre jours après la nomination de Jean-Marc Ayrault dans un hôtel Matignon qui lui semble encore vide, où seuls quelques conseillers ont été nommés. Elle fait l’apprentissage de « l’autre côté de la barrière, de la façon dont se prennent les décisions politiques, des arbitrages. Avec le mariage pour tous, nous avons vécu des débats passionnés. On a beaucoup travaillé aussi sur la question de l’exécution des peines ».
Le cri d’alarme de Bobigny
Quand Manuel Valls succède à l’ancien maire de Nantes, il ne garde aucun des conseillers sortants à Matignon. Pour Fabienne Klein-Donati, ce sera une nomination au poste de procureure de Bobigny en Seine-Saint-Denis. « C’est une belle sortie de rejoindre le deuxième parquet de France, le premier après Paris », résume-t-elle. Un poste qui va lui valoir de se retrouver sous les feux de l’actualité. Dans le département le plus criminogène de France, le plus pauvre, le plus jeune dans sa population et avec beaucoup de jeunes magistrats aussi, elle pousse un « cri d’alarme » début 2018 lors de l’audience solennelle de rentrée pour dénoncer le manque de moyens de la justice dans le département.
Après la une du Monde, tous les médias s’emparent du sujet. Le gouvernement décide d’un plan Marshall pour le 93. « Je ne me suis pas battue pour rien. Bobigny a été une belle expérience professionnelle et humainement très riche aussi. »
Avant d’arriver à Lyon, Fabienne Klein-Donati a consigné dans un livre témoignage, Poursuivre, ce qu’elle a vécu à Bobigny. « C’est un département hors normes, j’explique comment ça se passe. » Assise depuis septembre dans le bureau de Pierre Truche, elle apprécie le calme, les lieux plus feutrés qui sont désormais les siens. « Procureure générale, vous supervisez. Vous n’avez plus le poids du quotidien d’un territoire, c’est autre chose, ajoute-t-elle. Avant de conclure : Une justice à la hauteur, c’est une justice qui continue à faire son œuvre avec de petites affaires et de gros dossiers. »
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