« Oui, Vanessa Rousset fait beaucoup parler d’elle. Une femme élégante, ambitieuse et brillantissime qui réussit dans le monde des affaires, ça fait forcément causer. Car ce n’est pas du goût de tout le monde… » Voilà, résumé par le promoteur Didier Caudard-Breille, « l’ascension incroyable » de la fondatrice, en 2016, de la société de gestion de biens immobiliers AMDG, qui s’affiche, seulement six années plus tard, comme l’un des plus importants – si ce n’est le plus important – marchand de biens lyonnais avec, en moyenne, 80 à 100 millions d’euros d’acquisitions par an dans la pierre, réalisées dans la Métropole.
« Quand un immeuble est en vente, nous sommes au courant », synthétise Vanessa Rousset. Dans son escarcelle notamment, l’immeuble haussmannien de la Société Générale rue de la République ou encore un ensemble de 18 logements et de 6 commerces au 2 rue du Plat, à deux pas de la place Bellecour avec vue sur les quais de Saône.
Pour tous ces immeubles sous gestion à Lyon (qui représentent environ 40 % des investissements) comme à Paris, Strasbourg, Nantes ou Lille, le modèle est déjà bien rodé : rachat, travaux de rénovation puis revente – généralement à la découpe – au bout de 24 à 48 mois avec l’objectif de réaliser une « marge de 15 % » selon la plaquette de présentation d’AMDG, qui compte 35 collaborateurs installés dans le 6e arrondissement.
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Un schéma dans le viseur de la Métropole écolo qui a préempté l’un de ses immeubles, mais c’est surtout la personnalité de Vanessa Rousset qui alimente les discussions. Avec une question centrale : qui est vraiment la nouvelle magnat de l’immobilier lyonnais ? « C’est quelqu’un de complexe qui, en plus, cherche à entretenir le mystère parce que les gens aiment ça, le mystère », s’amuse un acteur lyonnais de l’immobilier.
« Accident de l’histoire »
Le parcours de Vanessa Rousset, qui vient tout juste de fêter ses 50 ans, est pourtant bien connu du tout-Lyon. Unanimement décrite par ses proches – mais aussi ses détracteurs – comme « supérieurement intelligente », cette native de Bourges affiche une formation béton : prépa à Louis-Le-Grand avant d’intégrer Polytechnique puis l’École des Ponts et Chaussées tout en suivant en parallèle un cursus à Science Po Paris. « C’était pratique, il n’y avait que le boulevard Saint-Germain à traverser », raconte-t-elle. Les études finies, elle s’oriente d’abord vers le journalisme, signe des papiers économiques dans Le Monde et à L’Expansion et anime une émission sur Radio Classique, où elle reçoit des chefs d’entreprise.
C’est dans ce studio qu’elle rencontre, à la fin des années 90, l’entrepreneur lyonnais Bruno Rousset, venu parler ce jour-là de son groupe d’assurances April. Coup de foudre. Vite lassée des allers-retours entre Paris et Lyon, Vanessa Rousset s’installe à Lyon et prend en 2000 la direction générale du fonds d’investissement Evolem (anagramme de « love me ») tout juste créé par celui qui est désormais son mari.
Nouveau tournant en 2009 avec la séparation très médiatique du couple dans un climat délétère : Vanessa Rousset accuse, dans la presse lyonnaise, son mari de violences dans leur hôtel particulier du 6e arrondissement donnant sur le parc de la Tête d’Or, tandis que Bruno Rousset dénonce, en retour, des « manœuvres de déstabilisation » à l’encontre de son entreprise cotée en bourse.
Un épisode dont on trouve toujours aujourd’hui de nombreuses traces lorsqu’on tape le nom de Vanessa Rousset sur internet. « Tout ceci est un accident de l’histoire. Nous avons, depuis, recréé des liens étroits et de profonde qualité avec Bruno Rousset. Il a fait éclore l’entrepreneure en moi et je rendrai toujours hommage à ce grand monsieur qui restera au plus profond de mon cœur. Il n’y a que Google pour se souvenir de notre séparation », affirme Vanessa Rousset qui a repris son nom de jeune fille (Vanessa Ragot) uniquement pour les documents officiels.
Mais elle sait que ce n’est pas vrai : sa séparation avec Bruno Rousset revient encore avec insistance dans les discussions lyonnaises. « Parce qu’elle doit sa fortune à ce divorce », souligne un observateur. Un divorce dont le montant alimente les fantasmes, certains évoquant une somme « comprise entre 20 et 30 millions d’euros », quand d’autres croient savoir « que c’est plus de 100 millions d’euros ».
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Seule certitude, Vanessa Rousset avait les moyens de couler des jours paisibles, « mais elle n’a vraiment pas l’âme d’une rentière », assure l’un de ses proches. « Sa passion, c’est son boulot. C’est une insomniaque boulimique de travail qui peut mener dix chantiers en même temps. Et elle s’ennuie très vite », complète son amie de 20 ans, l’ancienne journaliste et désormais entrepreneure Caroline Auclair. « J’ai effectivement une incapacité à m’arrêter. Je suis le lapin Duracell », plaisante Vanessa Rousset.
Ce qu’elle prouve rapidement après son départ d’Evolem, d’abord en fondant l’agence immobilière Appart Immo, spécialisée dans la gestion et la location de meublés haut de gamme, qui revendique aujourd’hui un catalogue de 500 logements en France. Puis en se lançant dans l’achat-revente d’actifs immobiliers. « Au début, tout le monde se marrait un peu en se demandant ce qu’elle venait faire dans l’immobilier. Mais maintenant plus personne ne rit parce qu’elle est rapidement devenue incontournable », commente un spécialiste de l’immobilier lyonnais. C’est vrai que tout est allé très vite pour AMDG qui revendique, au total, 500 millions d’euros d’actifs immobiliers sous gestion en France.
Dès le lancement de son premier fonds d’investissement immobilier, Vanessa Rousset, en plus d’injecter des deniers personnels, réussit à embarquer avec elle plusieurs fortunes lyonnaises de son énorme carnet d’adresses pour compléter ses tours de table. « Je ne peux pas donner de noms, mais on en retrouve beaucoup dans les pages de votre magazine », sourit-elle. Tous ses co-investisseurs resteront donc anonymes… à l’exception de Guy Mathiolon, le patron de Serfim, croisé par hasard ce jour-là dans les locaux d’AMDG. « J’ai investi dans le premier fonds immobilier lancé par Vanessa Rousset. C’est une femme hors du commun, cultivée et compétente, avec un très bon sens relationnel, ce qui fait qu’elle a une vraie capacité à fédérer les gens autour d’elle. Et elle connaît ses dossiers sur le bout des doigts. Alors bien sûr, comme toujours à Lyon, sa réussite lui vaut des jalousies et des inimitiés. Mais elle s’en fout », décrypte-t-il.
« Face cachée »
Et, effectivement, les langues se délient en off, sur cette entrepreneure qui aurait « une soif de pouvoir et de réussite sans limites » et qui ne « supporte pas lorsque quelque chose lui résiste », dixit l’une de ses connaissances.
Tandis que d’autres, toujours sous couvert d’anonymat, évoquent une « personnalité complexe avec une face cachée ». « Comme si Vanessa Rousset avait un double cerveau, tente un banquier lyonnais qui a déjà eu affaire à elle. La partie gauche du cerveau très mature, avec une intelligence impressionnante qui explique sa réussite. Et une partie droite plus naïve, pour ne pas dire enfantine, avec des comportements parfois irréfléchis. Les deux sont vraiment différents, d’où la difficulté à la comprendre parfois… » « Elle est à la fois drôle et décalée avec beaucoup d’humour, mais elle peut aussi se montrer très dure et autoritaire, il n’y a qu’à voir le turn-over qu’il y a dans sa boîte », embraye un autre.
Et même l’associé de Vanessa Rousset et directeur général d’AMDG, Robert Mancini, ne cache pas que son quotidien n’est pas de tout repos : « Elle peut être épuisante, excessive dans l’exigence. Par exemple, si elle relit l’un de mes mails, elle va me faire enlever un espace en trop ou rajouter une virgule », raconte l’autoproclamé « prudent » du duo, quand Vanessa Rousset est celle qui fonce : « Avant d’être son associé, j’étais son banquier. Elle était déjà très exigeante, mais c’était très stimulant de travailler avec elle. Elle a de grandes capacités intellectuelles, une volonté à toute épreuve et toujours beaucoup d’enthousiasme. Et il ne faut pas se tromper, c’est elle l’élément prépondérant de la réussite d’AMDG. »
Rien à voir avec l’époque Evolem où Vanessa Rousset était surtout considérée comme la « femme de » parachutée à la direction générale du fonds d’investissement. « Les performances d’Evolem, dont je me suis toujours beaucoup occupée, étaient principalement attribuées à l’aura indéniable de Bruno Rousset, occultant ce que pouvait être mon rôle », commente-t-elle aujourd’hui. Un ancien proche du couple nuance : « Elle gérait Evolem au titre de représentante de Bruno et elle était très bien entourée par des personnes qui avaient de l’expérience en private equity. En fait, on peut dire qu’elle a pris des cours de finance pendant toutes ces années. Et comme c’est quelqu’un de très malin et talentueux, elle exploite aujourd’hui parfaitement tout ce qu’elle a appris. »
Vanessa Rousset s’est ainsi taillé ces dernières années la réputation d’une « professionnelle sérieuse » (AMDG a notamment reçu l’agrément de l’Autorité des marchés financiers) et d’une femme d’affaires rugueuse. « C’est un animal de sang-froid, elle ne se détourne jamais de son objectif », rapporte ainsi Guy Mathiolon.
« Puissance et détermination »
Une anecdote de son enfance montre bien cette obstination : lorsqu’elle avait 7 ans, Vanessa Rousset assiste au défilé du 14-juillet, voit passer l’école polytechnique et se dit : « Un jour, ce sera moi ». « Et après Louis-Le-Grand, je n’ai passé qu’un seul concours, celui de Polytechnique », détaille encore Vanessa Rousset. « Il y a chez elle une puissance et une détermination qui la rendent profondément attachante. Et comme elle ne rentre pas dans les cases traditionnelles, elle se crée son propre chemin », applaudit son amie et ancienne présidente du Prisme, Florence Poivey.
Un chemin que Vanessa Rousset voit grimper toujours plus haut. Dans le viseur : « Le cap symbolique du milliard d’euros d’actifs sous gestion dans l’immobilier, que nous devrions atteindre d’ici un ou deux ans. » Vanessa Rousset s’est également lancée, depuis peu, dans le private equity, associée à un ancien directeur lyonnais de Nexicap, Thomas Barrochin. « J’ai toujours eu du mal à choisir entre l’immobilier et le private equity. Comme cela, je n’ai plus à choisir », explique-t-elle.
Là encore, pas de temps à perdre : lancé en octobre dernier, AMDG a déjà bouclé six prises de participation dans des PME régionales « rentables, en croissance et avec des équipes solides en face ». La dernière signature date de fin juin, avec 1,5 million d’euros injectés dans la société lyonnaise Fill Up Media, qui déploie des écrans publicitaires dans les stations-service. « En discutant avec AMDG, j’ai trouvé en face de moi un fonds dirigé par de véritables entrepreneurs pragmatiques et efficaces, déclare le fondateur Manuel Berland. Et le fait que le fonds soit lyonnais est la cerise sur le gâteau. » Mais, promis, l’idée n’est pas de refaire un petit Evolem : « La page est tournée et il ne faut jamais revenir en arrière. Mais j’ai toujours aimé les PME. »
Et ce n’est pas tout : Vanessa Rousset déclare également réfléchir à lancer, dans le futur, une offre de placements en bourse. « Les investisseurs fortunés ont le choix entre l’immobilier, le private equity ou les marchés financiers. On propose aujourd’hui deux des trois solutions, je n’écarte pas de proposer aussi la troisième. » Et tout le monde sait dorénavant que lorsqu’elle a quelque chose en tête, elle s’y tient.
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