DOSSIER. Alexandre Mérieux : « Une fierté du chemin accom­pli »

Nommé président exécutif de bioMérieux depuis le 1er juillet après avoir occupé pendant neuf ans les postes de directeur général puis de PDG, Alexandre Mérieux revient sur son parcours depuis plus de 20 ans dans le groupe fondé par son père Alain Mérieux, et évoque ses projets et ambitions pour le vaisseau amiral de l’Institut Mérieux. Il se dit prêt à continuer la formidable histoire familiale dans la santé engagée par son arrière-grand-père Marcel Mérieux il y a 125 ans.
Alexandre Mérieux © Maxime Gruss
Vous avez effec­tué une partie de vos études à HEC Montréal. On sait que l’in­ter­na­tio­nal est très présent et impor­tant dans l’ADN du groupe Mérieux, était-ce une raison de plus pour faire des études sur le conti­nent nord-améri­cain ?

Alexandre Mérieux : À l’époque, je ne me posais pas trop la ques­tion, mais aujourd’­hui, c’est vrai, 45 % du chiffre d’af­faires de bioMé­rieux est fait aux États-Unis. Cela conti­nue d’être une région très, très porteuse pour nous. Mais à l’ori­gine, ce n’était pas forcé­ment calculé. C’est toujours impor­tant de bien connaître le conti­nent nord-améri­cain. bioMé­rieux a toujours cultivé sa dimen­sion inter­na­tio­nale tout en conser­vant des racines fortes en France, notam­ment en région Rhône-Alpes. Alors que nous réali­sons 93 % de notre chiffre d’af­faires hors de France, nous y conser­vons 30 % de nos effec­tifs mondiaux (près de 14 000 colla­bo­ra­teurs dans 45 pays).

Vous êtes présent dans le groupe depuis près de 25 ans, avec des débuts à Chicago chez Silli­ker renom­mée depuis Mérieux NutriS­ciences. Était-ce un symbole de commen­cer dans le groupe à l’in­ter­na­tio­nal, un choix person­nel aussi ?

Je ne sais pas si c’est vrai­ment un symbole. Cela s’est fait natu­rel­le­ment, c’était bien de démar­rer là-bas. À l’époque, la société n’était pas dans le groupe depuis très long­temps et elle se déve­lop­pait…

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Vous rentrez à Paris en 2001 et conti­nuez à travailler sur les aspects de contrôles micro­bio­lo­giques indus­triels. Peut-on dire qu’il y a un vrai inté­rêt pour l’in­dus­trie chez vous…

Quand je rentre en France, je suis toujours chez Mérieux NutriS­ciences. C’était une société avec à la fois du service et une forte base indus­trielle. J’y suis resté jusqu’en 2005, date à laquelle j’ai rejoint l’unité de micro­bio­lo­gie indus­trielle de bioMé­rieux qui fait égale­ment du contrôle qualité pour les indus­tries agroa­li­men­taires et phar­ma­ceu­tiques. Et, au-delà de l’in­dus­trie, je dirais que j’ai tout autant d’in­té­rêt pour tout ce que fait le groupe en matière clinique. Mais c’est vrai qu’on se défi­nit comme étant une société bio-indus­trielle. Nous misons énor­mé­ment sur l’in­no­va­tion. Cela fait partie de l’ADN de bioMé­rieux de conce­voir et de produire. D’ailleurs, nous avons une forte empreinte indus­trielle, c’est là où on a le plus de colla­bo­ra­teurs.

Dans votre parcours, il y a aussi le lance­ment du fonds d’in­ves­tis­se­ment Mérieux Déve­lop­pe­ment en 2009. C’est votre idée. Vous esti­miez indis­pen­sable que le groupe possède un véhi­cule finan­cier pour accom­pa­gner les start-up dans votre domaine et les faire parti­ci­per à votre écosys­tème ?

Pour les start-up et les ETI, on a deux véhi­cules : un qui soutient l’in­no­va­tion « early stage », et un autre qui soutient les socié­tés déjà rentables dans leur déve­lop­pe­ment. Je n’étais pas tout seul lors du lance­ment en 2009, car juste­ment l’idée c’était de se dire que le groupe avait déjà une histoire avec une expé­rience indus­trielle, R&D, et aussi à l’in­ter­na­tio­nal, et qu’on pouvait accom­pa­gner des entre­pre­neurs et des socié­tés dans le domaine de la santé, dans des secteurs complé­men­taires à ceux du diagnos­tic clinique ou de la sécu­rité alimen­taire.

Puis on a struc­turé avec le temps cette société qui est deve­nue Mérieux Equity Part­ners avec des équipes à Lyon et à Paris et dont la taille du dernier fonds est d’en­vi­ron 600 millions d’eu­ros. Nous ne sommes pas seuls dans ce fonds, nous avons des parte­naires qui inves­tissent avec nous. Nous en sommes au quatrième fonds et, depuis l’ori­gine, Mérieux Equity Part­ners repré­sente 1,5 milliard d’eu­ros d’ac­tifs sous gestion.

« C’est bien d’être passé par les diffé­rents métiers de bioMé­rieux pour comprendre la société dans toutes ses dimen­sions »

Reve­nons à bioMé­rieux, dont vous êtes nommé direc­teur géné­ral en 2014 puis PDG depuis 2017. Avoir fait un parcours initia­tique dans le groupe avant de rejoindre bioMé­rieux ici à Lyon, c’est un plus pour vous aujourd’­hui, ces postes à l’in­ter­na­tio­nal et à Paris ?

On passe notre temps à voya­ger donc on restera toujours à dimen­sion très inter­na­tio­nale chez bioMé­rieux. C’est plus l’évo­lu­tion au sein de bioMé­rieux que je retiens. J’ai donc démarré en m’oc­cu­pant de l’unité de micro­bio­lo­gie indus­trielle. Après, en 2011, j’ai pu rentrer dans le cœur un peu plus histo­rique de l’en­tre­prise en m’oc­cu­pant de la micro­bio­lo­gie clinique, un peu du manu­fac­tu­ring aussi et, à partir de 2014, je suis devenu direc­teur géné­ral. Donc c’est bien d’être passé par les diffé­rents métiers de bioMé­rieux pour comprendre la société dans toutes ses dimen­sions. Mais je ne sais pas si l’on peut parler de parcours initia­tique, je ne suis plus tout jeune non plus, ça fait un moment que je suis là. C’est bien d’avoir eu diffé­rentes fonc­tions au sein du groupe, même si j’ai été nommé direc­teur géné­ral assez tôt, à 41 ans.

© Thera
L’ac­qui­si­tion fin 2013, début 2014 de BioFire aux États-Unis a été une étape impor­tante pour bioMé­rieux. Vous êtes direc­te­ment à la manœuvre avec le PDG d’alors, Jean-Luc Bélin­gard, sur cette acqui­si­tion qui est deve­nue aujourd’­hui un actif stra­té­gique majeur pour le groupe. Vous aviez bien mesuré tout l’ap­port que pouvait repré­sen­ter BioFire ?

Oui, on a toujours été présents pour inves­tir dans les mala­dies infec­tieuses. Mais il nous manquait une offre de biolo­gie molé­cu­laire qui était déjà, à l’époque, la tech­no­lo­gie émer­gente la plus promet­teuse dans notre secteur, parce que sensible et rapide. On a pu faire l’ac­qui­si­tion de la société BioFire qu’on connais­sait déjà, puisqu’on colla­bo­rait avec elle dans le domaine des tests de contrôle alimen­taire. Cette acqui­si­tion a été assez majeure parce qu’elle repré­sen­tait à l’époque un gros ticket d’in­ves­tis­se­ment pour nous, mais surtout ça a été un gros succès. Quand on a racheté la société, elle devait faire 50 millions de dollars de chiffre d’af­faires, et aujourd’­hui c’est plus d’un milliard. BioFire a beau­coup porté la crois­sance de bioMé­rieux ces dix dernières années.

Un des éléments forts des tests de BioFire, c’est la rapi­dité des résul­tats ?

Oui, la simpli­cité, la rapi­dité et l’ex­haus­ti­vité, parce qu’on peut faire beau­coup de tests en même temps. Ils donnent des résul­tats assez rapides et on arrive à iden­ti­fier s’il s’agit d’une bacté­rie, d’un virus, et on arrive à orien­ter le trai­te­ment. Et là, on vient de lancer une nouvelle plate­forme nommée SpotFire il y a quelques mois qui est encore beau­coup plus rapide : des tests qui vont être faits en 15 et 20 minutes et qui vont nous permettre – notam­ment aux États-Unis – de pouvoir aller au plus proche du patient, de faire les tests à l’hô­pi­tal, chez le méde­cin ou autre. Donc c’est une nouvelle tendance, un nouveau besoin et cette nouvelle plate­forme devrait nous permettre d’en­trer sur ce nouveau marché.

Quand vous vous retour­nez sur cette histoire de 60 ans, quel regard portez-vous sur cette aven­ture entre­pre­neu­riale ?

Spon­ta­né­ment, j’ai envie d’évoquer la soirée des 60 ans de bioMé­rieux en juin dernier. Une belle soirée. On a réuni tous nos colla­bo­ra­teurs de France, 4 600 personnes à la Halle Tony-Garnier. C’était un beau moment ensemble avec pas mal de ferveur. Une belle émotion, une fierté du chemin accom­pli, et c’était assez mobi­li­sa­teur. Ce que je retiens de ces 60 ans d’his­toire, c’est que c’est bien de durer.

Et puis, surtout, on s’aperçoit que l’en­tre­prise conti­nue à inno­ver, qu’il y a encore un bel avenir devant nous et que les enjeux sur lesquels on est mobi­li­sés depuis l’ori­gine sont toujours très forte­ment présents. La science évolue, la tech­no­lo­gie évolue, mais les virus et les bacté­ries évoluent aussi. Donc, il y a ce besoin de conti­nuer à déve­lop­per et à inno­ver parce que le risque des mala­dies infec­tieuses va rester, voire réémer­ger. Le diagnos­tic va conti­nuer de jouer un rôle impor­tant.

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bioMé­rieux, c’est aussi une entre­prise qui a su conqué­rir son indé­pen­dance d’abord vis-à-vis de l’amé­ri­cain Becton Dickin­son (qui a détenu la moitié du capi­tal jusqu’en 1974, date du rachat majo­ri­taire par Alain Mérieux) puis des finan­ciers de CGIP avant l’in­tro­duc­tion en Bourse en 2004. C’est aussi cela la marque de fabrique de Mérieux : être majo­ri­taire ou se désen­ga­ger ?

Nous aimons bien être chez nous. Pas pour des ques­tions d’ego, mais pour des ques­tions de long terme. Nous sommes très ouverts, aussi bien chez bioMé­rieux que chez Mérieux NutriS­ciences, sur le fait d’avoir des parte­naires à nos côtés. bioMé­rieux est, en plus, coté en Bourse, mais c’est bien d’avoir cette indé­pen­dance. Cela permet de garder cette vision à long terme dont on a besoin dans nos métiers.

Si on revient sur le cœur de métier de bioMé­rieux, il y a cette intui­tion dès le départ de l’im­por­tance des tests de diagnos­tic dans les domaines clinique et alimen­tai­re… On sait que 70 % des déci­sions des méde­cins reposent sur des tests préa­lables. C’est là que réside votre force ?

Ce qui fait notre force, c’est qu’on soit plutôt foca­lisé sur les mala­dies infec­tieuses, tout ce qui est virus, bacté­ries et para­sites. On n’est pas, comme d’autres, dans les domaines de l’on­co­lo­gie, du diabè­te… Après, nous avons des concur­rents qui peuvent être plus gros que nous, mais le fait d’avoir déve­loppé cette exper­tise dans cette niche impor­tante, ça nous diffé­ren­cie. Nos clients ou parte­naires savent que nous sommes prêts à inves­tir dans ce domaine, que ce soit en R&D ou en acqui­si­tions. Et aujourd’­hui, le gros sujet de santé publique après le Covid dont on sort, c’est tout ce qui concerne la résis­tance aux anti­bio­tiques. On les a suru­ti­li­sés, surcon­som­més, et peu de nouvelles molé­cules sont déve­lop­pées. Donc le diagnos­tic va être très impor­tant pour iden­ti­fier, détec­ter la patho­lo­gie et le trai­te­ment adapté.

La crise Covid a été un moment impor­tant pour vous, il fallait être au rendez-vous. Peut-on dire que cela a été un moment de vérité pour l’en­tre­prise ?

De vérité, je ne sais pas, mais de grande utilité, c’est certain. On avait, dès janvier 2020, commencé à travailler sur des tests Covid. Quand l’épi­dé­mie a vrai­ment éclaté, nous avons mobi­lisé toutes les fonc­tions dans l’en­tre­prise – R&D, manu­fac­to­ring et autres – pour déve­lop­per les tests et surtout les produire. On a pu propo­ser une gamme assez large avec plusieurs types de tests. Donc oui, ça a été une période assez dense. Personne n’en garde un bon souve­nir, mais c’était un moment d’im­por­tance pour le groupe, pendant lequel chacun a pu prendre conscience de son utilité. Le diagnos­tic PCR n’a plus de secret pour personne, donc c’est bien qu’on ait pu être pendant un moment, non pas en première ligne, ce sont les person­nels soignants, mais en deuxième ligne. C’était un moment assez fort.

Avec une obli­ga­tion de résul­tat, puisque si vous n’aviez pas trouvé de tests rapi­de­ment…

On savait qu’on allait les trou­ver, la ques­tion c’était plutôt la rapi­dité pour les déve­lop­per et surtout les produire. On est une société bio-indus­trielle, donc ce qui marche au labo, il faut ensuite le faire fonc­tion­ner à grande échelle en capa­cité indus­trielle. Et c’est aussi cela qui a demandé pas mal d’ef­forts.

Venons-en aux projets et ambi­tions de bioMé­rieux avec, déjà, l’évo­lu­tion de votre gouver­nance qui se traduit par la nomi­na­tion de Pierre Boulud au poste de direc­teur géné­ral. Et vous donc comme président exécu­tif. L’idée, c’est que vous vous concen­triez désor­mais sur la stra­té­gie avec une direc­tion opéra­tion­nelle qui relève de Pierre Boulud ?

Oui, j’étais direc­teur géné­ral depuis 2014 et PDG depuis 2017, donc avec les deux rôles. Après neuf ans de direc­tion opéra­tion­nelle, on a pensé que c’était le bon moment pour faire évoluer la gouver­nance et de faire monter Pierre, qui fait un très bon travail depuis sept ans, en lui confiant la direc­tion géné­rale. De mon côté, je vais être toujours forte­ment impliqué dans bioMé­rieux, mais sur un axe plus stra­té­gique. Je n’au­rai plus l’ani­ma­tion du comité de direc­tion ou autres, mais comme je suis là depuis long­temps, que c’est notre société qui porte notre nom, je veux quand même rester assez présent.

Cela bouge telle­ment dans notre secteur qu’il est indis­pen­sable d’avoir cette vision pros­pec­tive, de voir les diffé­rentes socié­tés qui émergent dans le secteur… La société a beau­coup grandi, il faut conti­nuer à garder la dyna­mique, travailler le senti­ment d’ap­par­te­nance et répondre aux enjeux RSE qui sont de plus en plus impor­tants. Un direc­teur ne peut pas tout faire. Donc on ne sera pas trop de deux pour la gouver­nance de bioMé­rieux. Donc oui, ce sera un rôle diffé­rent pour moi : je serai toujours aussi actif d’un point de vue du temps passé au sein de bioMé­rieux, mais de manière diffé­rente. Et je trouve que ce n’est pas idiot de disso­cier la gouver­nance, pour avoir diffé­rents types d’étages et d’ap­proches dans l’en­tre­prise.

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Dans les aspects stra­té­giques, il y a ces inves­tis­se­ments indus­triels (300 millions d’eu­ros dans les sites français sur les prochaines années) et R&D (12 à 13 % de votre chiffre d’af­faires) que vous avez annon­cés…

Nous inves­tis­sons de partout pour soute­nir notre acti­vité. On y croit, on a un gros pipe­line R&D. Il faut prépa­rer main­te­nant la produc­tion de demain. Mais c’est vrai que les sites français sont impor­tants pour nous : ils sont histo­riques et nous avons conti­nué d’in­ves­tir à chaque fois dans notre outil indus­triel. Parfois, nous réno­vons les sites : nous les amélio­rons du point de vue de la qualité de vie, c’est ce qu’on a fait sur plusieurs campus.

Mais c’est aussi beau­coup des projets d’au­to­ma­ti­sa­tion, de capa­cité pour anti­ci­per la crois­sance. Il y a aussi des sujets liés à la RSE, à la décar­bo­na­tion. Il faut égale­ment inves­tir à la fois pour des ques­tions envi­ron­ne­men­tales, mais aussi de produc­ti­vité. Donc c’est vrai qu’entre le site de Marcy-l’Étoile avec nos acti­vi­tés de produc­tion des immu­noes­sais, le site de Craponne pour nos acti­vi­tés de produc­tion de milieu de culture, Grenoble pour la R&D et la biolo­gie molé­cu­laire, La Balme en Isère pour de la R&D et de la produc­tion pour les gammes de micro­bio­lo­gie… il y a de quoi faire, et c’est bien. C’est plutôt sain.

Cela concer­nera aussi le site de la plaine de l’Ain ?

Nous réali­sons un inves­tis­se­ment impor­tant dans la plaine de l’Ain, où se trouve notre centre logis­tique. C’est de là que nous four­nis­sons beau­coup de clients en Europe et à l’in­ter­na­tio­nal. Là aussi, on sort d’une période de forts inves­tis­se­ments. Nous allons inau­gu­rer ces derniers déve­lop­pe­ments cet automne. Il se passe beau­coup de choses. On a la chance d’être en crois­sance, donc cela s’ac­com­pagne d’in­ves­tis­se­ments indus­triels.

Cela rentre aussi dans votre poli­tique d’in­dé­pen­dance. Vous le rappe­liez précé­dem­ment, la France ne repré­sente que 7 % de votre chiffre d’af­faires, mais 30 % des effec­tifs. Vous tenez à avoir la maîtrise de la produc­tion en France ?

Oui, on produit aussi beau­coup aux États-Unis, mais la France c’est impor­tant. Nous sommes une société inter­na­tio­nale avec un centre de déci­sion qui est et restera en France. Et c’est impor­tant d’avoir un écosys­tème dans le domaine de la santé qui soit fort autour de nous. Cela passe par de la R&D, par du manu­fac­tu­ring, par nos impli­ca­tions dans le bioclus­ter lyon­nais pour l’in­no­va­tion en mala­dies infec­tieuses ou dans l’ins­ti­tut d’in­no­va­tion tech­no­lo­gique en micro­bio­lo­gie Bioas­ter, ou encore par les inves­tis­se­ments que l’on peut faire aussi à travers Mérieux Equity Part­ners…

Quelle est l’am­bi­tion d’Alexandre Mérieux pour les dix ans qui viennent pour bioMé­rieux ?

Nous sommes sur des secteurs impor­tants avec des enjeux de santé publique : l’an­ti­bio­ré­sis­tance, les mala­dies infec­tieu­ses… Je ne veux inquié­ter personne, mais il y aura de quoi faire dans le futur. Les zoonoses, qui sont les mala­dies qui viennent de l’ani­mal trans­mises à l’homme, émergent ou réémergent et le réchauf­fe­ment clima­tique ne fait qu’ac­croître le phéno­mène. Notre prio­rité sera toujours de rester en première ligne pour répondre aux enjeux de santé publique, en ayant toujours un bon pipe­line d’in­no­va­tions et de nouvelles solu­tions tech­no­lo­giques. Après, c’est à moi de conti­nuer le déve­lop­pe­ment de la société en géné­ral. On a encore beau­coup à faire dans les pays dits émer­gents, où il faut que l’on conti­nue à plan­ter le drapeau bioMé­rieux. Donc je pense qu’on sera bien occu­pés.

Vous êtes déjà très inter­na­tio­naux, avec 93 % du chiffre d’af­faires hors Hexa­gone. Vous voulez vous déve­lop­per encore un peu plus dans les pays émer­gents ?

Quand je regarde la répar­ti­tion, aujourd’­hui les États-Unis sont un super marché d’in­no­va­tion où la santé est bien prise en compte avec une valeur médi­cale et écono­mique. Mais après, quand je consi­dère la popu­la­tion mondiale, il y a quand même un regard à avoir vers les pays du Sud et du Sud-Est. C’est quand même là qu’il y a de gros besoins de santé publique et d’in­no­va­tion, et c’est là qu’il faudra conti­nuer à se déve­lop­per. À la fois à travers une offre commer­ciale, mais peut-être pourquoi pas à travers des parte­na­riats et des implan­ta­tions. C’est un peu le sens de l’his­toire.

Sur les acqui­si­tions, le fait que vous soyez désen­detté vous offre de belles oppor­tu­ni­tés ?

Nous avons effec­ti­ve­ment une certaine marge de manœuvre et c’est pas mal, vu le contexte, d’être une société désen­det­tée. Nous ne réali­sons pas forcé­ment des acqui­si­tions de très grande taille, mais il faut que ce soit stra­té­gique, aussi bien pour l’ap­pli­ca­tion clinique et l’ap­pli­ca­tion indus­trielle, et qu’il y ait un avenir. Nous ne nous plaçons pas dans une optique finan­cière, mais en raison­nant avec une stra­té­gie pour 15 ans.

Vous êtes le repré­sen­tant de la quatrième géné­ra­tion après Marcel Mérieux, Charles Mérieux, Alain Mérieux. Est-ce que ça repré­sente pour vous une pres­sion parti­cu­lière ?

Abso­lu­ment pas (rires). J’ai eu peur que vous me parliez de mes enfants ! Ce n’est pas tant de la pres­sion, mais plus une forme de respon­sa­bi­lité. La pres­sion, on l’a tous, et on a la chance d’être plutôt bien entou­rés à la fois chez bioMé­rieux et au sein de l’Ins­ti­tut Mérieux. Donc ce que je ressens, c’est l’im­por­tance d’avoir le sens des respon­sa­bi­li­tés.

Comment est-ce que vous défi­nis­sez vos rela­tions avec votre père ? Est-ce diffi­cile de se faire un prénom, par rapport à tout ce qu’il repré­sente ?

Ouh là, mais je ne vais pas m’al­lon­ger (rires). Nous parta­geons la même vision de ce que doit être une entre­prise. Nous avons la chance d’être dans le secteur de la santé, donc encore une fois, ce sont des respon­sa­bi­li­tés. Nous parta­geons une vision long terme, nous sommes tous les deux actifs dans nos acti­vi­tés respec­tives, nous avons une bonne vie de famille. Et il n’y a pas de sujet de pres­sion comme vous dites : il m’a fait confiance, il y a une confiance mutuelle et tout se passe très bien.

Un mot aussi sur l’ar­ri­vée l’an­née dernière d’Exor, la holding des Agnelli, à hauteur de 10 % au capi­tal de l’Ins­ti­tut Mérieux. C’est un atout de plus pour accé­lé­rer le déve­lop­pe­ment du groupe dans son ensemble ?

Oui, cela fait un an. Nous nous sommes bien rencon­trés et bien trou­vés. Eux cher­chaient à inves­tir dans le domaine de la santé, et nous en regar­dant l’en­vi­ron­ne­ment et les oppor­tu­ni­tés qu’il pouvait y avoir aussi bien pour bioMé­rieux, NutriS­ciences ou les autres socié­tés du groupe, on se disait que c’était pas mal d’avoir à nos côtés un parte­naire indus­triel de long terme s’il y avait besoin de se déve­lop­per ou de faire des acqui­si­tions. Donc la rencontre s’est orga­ni­sée dans ce sens-là. Et un an après, ça se passe bien.

Vous êtes vice-président de l’Ins­ti­tut Mérieux, la holding qui chapeaute toutes les enti­tés du groupe. On peut penser qu’un jour, vous serez président de l’Ins­ti­tut Mérieux. Vous sentez-vous prêt aujourd’­hui ?

Je ne me suis jamais posé ce genre de ques­tions. Je me projette dans le long terme, mais sans cher­cher forcé­ment à avoir des étapes et des cartes de visite diffé­rentes. Aujourd’­hui, en étant très impliqué chez bioMé­rieux et NutriS­ciences, c’est déjà une très grosse partie du groupe. L’Ins­ti­tut Mérieux, c’est fina­le­ment assez léger. C’est du support, de la gouver­nance, c’est trou­ver des idées, accom­pa­gner les femmes et hommes des socié­tés, mais ce n’est pas une holding massive et décon­nec­tée. Et il ne faut pas que ce soit le cas. On veut garder une proxi­mité terrain, busi­ness et entre­prise assez forte.

Lorsque votre père vous deman­dera d’en prendre la prési­dence, forcé­ment votre réponse sera posi­tive ?

Je suis déjà bien impliqué dans l’Ins­ti­tut Mérieux (il est vice-président depuis 2008, NDLR) dont bioMé­rieux est quand même le vais­seau amiral. Donc, même si je ne réflé­chis pas comme cela à faire des projec­tions, ma réponse sera posi­tive. Il y a une suite logique, on conti­nuera la suite de l’his­toi­re…

Une histoire assez fabu­leuse pour vous, 125 ans main­te­nant ?

Oui, ce n’est pas mal, je dois le recon­naître (rires). C’est plutôt une belle histoire, mais surtout il y a encore pas mal de choses à faire.

Alain Mérieux
© Susie Waroude

Alain Mérieux : « Alexandre a pris le gouver­nail, il barre très bien »

Un voyage aux États-Unis début 1963 avec son père Charles Mérieux pour rencon­trer les diri­geants de Becton Dickin­son et Alain Mérieux marque les premiers points, car il connaît bien le fameux « fibro­mètre » dont parlent alors les Améri­cains… Forcé­ment, il a vu cet appa­reil à la faculté de phar­ma­cie à Lyon. La biolo­gie médi­cale amorce alors son essor et la plupart des cama­rades d’Alain Mérieux créent leurs labos d’ana­lyses médi­cales. Et la joint-venture à 50–50 Becton Dickin­son-Mérieux va surfer sur la montée en puis­sance du diagnos­tic in vitro. « La société s’est créée en juillet 1963, le jour de mes 25 ans », se remé­more Alain Mérieux qui pren­dra le contrôle de l’en­tre­prise à titre person­nel et à 100 % en deux temps, en 1968 puis en 1974. Elle est rebap­ti­sée alors bioMé­rieux. « Nous avons eu la téna­cité de conser­ver cette entre­prise et de la déve­lop­per à long terme et sur une base plané­taire, pour­suit Alain Mérieux. Nous avons réalisé de très belles acqui­si­tions. Je ne suis plus aux manettes. Alexandre a pris le gouver­nail et il barre très bien ! C’est non seule­ment une entre­prise indus­trielle, mais aussi une entre­prise qui a un rôle socié­tal et qui soutient une fonda­tion qui m’est très chère. »

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