A la tête d’une institution lyonnaise
« J’ai un défaut, c’est que j’aime bien manger. Et mon métier consiste désormais à rencontrer des producteurs, à inventer de nouvelles recettes, à discuter avec des restaurateurs… En fait, je n’ai pas l’impression de travailler. Je me demande pourquoi je n’ai pas fait ça toute ma vie.. », réfléchit à voix haute Pierre Couturier, le patron et actionnaire majoritaire depuis mars 2021 de la Charcuterie Bobosse (40 collaborateurs, 6 millions d’euros de chiffre d’affaires) réputée pour ses andouillettes à la fraise de veau, ses saucissons briochés et ses quenelles. Une véritable institution de la gastronomie lyonnaise reprise en tandem avec un ami de plus 30 ans, Bruno Delattre, et soutenu par un pool d’actionnaires « d’une dizaine de copains » (dont le chef étoilé Mathieu Viannay et Hubert Jaricot de La Vie Claire…).
Avec, dès le départ, une idée centrale très précise : respecter et faire briller l’héritage de René Besson alias Bobosse, « un véritable personnage à la Audiard », qui créa la charcuterie au début des années 60. « Je ne cherche pas à devenir le Jeff Bezos de la charcuterie. On ira pas beaucoup loin en terme de développement parce que je tiens absolument à garder une fabrication artisanale », avance Pierre Couturier qui écoule ses produits dans quatre boutiques – dont les Halles Paul Bocuse -, par la vente en ligne et auprès d’un réseau de plus de 1000 restaurateurs en France.
Montbrison, non merci
Aux commandes de Bobosse, Pierre Couturier dit n’avoir « jamais été aussi heureux dans ma vie professionnelle ». Et l’on peut dire que le chemin a été sinueux avant de devenir le roi de l’andouillette. Étudiant un peu cancre et très fêtard diplômé de l’Esdes, Pierre Couturier décline tout d’abord la proposition du paternel qui lui ouvre les portes de l’entreprise familiale de fabrication de farine de céréales. « Je sortais de mes années étudiantes à Lyon, je n’avais absolument aucune envie de retourner vivre à Montbrison », détaille Pierre Couturier, qui débute donc sa vie active dans le secteur bancaire (1993-94).
Il est ensuite recruté au poste de directeur marketing d’une société de vente à distance de chemises pour homme (1994 – 2000), puis débauché pour être directeur du développement d’une filiale de Damart en Belgique (2000-2004) avant d’être nommé directeur général de la division sport d’un groupe de textile Belge (2004-2007). « Je dirigeais une équipe d’une trentaine de personnes. On fabriquait des produits pour des marques comme Quicksilver ou Billabong », énumère Pierre Couturier qui endosse ensuite la casquette d’entrepreneur.
D’abord en reprenant, à la barre du tribunal de commerce de Lille, une entreprise de création d’articles de broderie (2007-2010). Puis en rachetant, dans la région lyonnaise cette fois, une petite PME de 9 salariés spécialisée dans la fabrication et la distribution de cordons en cuivre et fibre optique pour les secteurs des télécoms, du médical et de l’armée. (2010-2020).
La plus grande andouillette du monde
Sa dernière affaire vendu au groupe lyonnais Folan, Pierre Couturier doit une nouvelle fois se réinventer. Et c’est le décès de son père, quelques mois auparavant, qui sera le déclic. « J’ai ressenti à ce moment là l’envie de poursuivre l’histoire familiale dans l’agroalimentaire. Je me suis donc rapproché des dirigeants de l’entreprise créée par mon grand-père puis dirigé par mon père, mais elle n’était pas à vendre. J’avais refusé de la rejoindre à la fin de mes études, le train était passé… »
L’entrepreneur ne lâche pas l’idée de travailler dans l’univers de la gastronomie. Il établit alors une liste d’entreprises qu’il rêverait de reprendre, avec Bobosse tout en haut de la liste. « Parce que j’ai toujours aimé les produits et l’histoire de cette entreprise », synthétise Pierre Couturier, qui rentre en contact avec le dirigeant d’alors, Bernard Juban. « On discute et il me dit « ça tombe bien, je cherche à céder Bobosse et il y a déjà plusieurs candidats » ». On est alors au tout début du premier confinement, Pierre Couturier s’empresse de préparer une offre et rafle la mise.
Le voilà donc garant de deux histoires entrepreneuriales, celle familiale dans l’alimentaire et celle de Bobosse, le fondateur de la maison. Qui n’aurait sans doute pas renié le dernier défi de Pierre Couturier : réaliser, le 21 octobre prochain dans le Beaujolais, la plus grande andouillette du monde (les fonds seront reversés à des associations). Le record à battre est de 10,80 mètres.
Bio Express
6 novembre 1967 : Naissance à Montbrison
1993 : Il refuse la proposition d’entrer dans l’entreprise de son père
1993 – 2007 : Il travaille dans le secteur bancaire puis des entreprises du textile
2007 : Il reprend une entreprise de loisirs créatifs
2010 : Il rachète une entreprise de fabrication de cordons pour les télécoms
Depuis mars 2021 : Président de Charcuterie Bobosse