Ça va vite pour Samuel Minot. Il n’est président de l’influente Fédération du bâtiment Auvergne-Rhône-Alpes que depuis début janvier, mais déjà le microcosme lyonnais lui prédit, à l’unisson, un destin national : « C’est sûr, il en a l’étoffe », souffle un chef d’entreprise lyonnais, intime des arcanes des organisations patronales.
« Samuel en a l’épaisseur et la vision », abonde l’un de ses proches, tandis qu’une autre de ses connaissances loue « sa capacité de réflexion et de prise de décisions ». Avant d’ajouter : « Oui, il a le profil pour être un futur président national de la fédération, c’est évident. Mais bon, chaque chose en son temps. On ne va pas brûler les étapes non plus. » C’est vrai, il faut se rappeler qu’il y a cinq ans à peine, Samuel Minot, 47 ans, était encore un parfait inconnu dans les réseaux lyonnais. Avant d’entamer un parcours sans fautes.
Copilote, avec son frère, du groupe familial Minot installé depuis 1914 à Villefranche-sur-Saône (300 collaborateurs, 60 millions d’euros de chiffre d’affaires), spécialisé dans les charpentes et structures en bois, il se fait d’abord repérer par Gilles Courteix un soir de 2015.
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L’actuel patron du Medef lyonnais était alors président de la Fédération du BTP Rhône et Métropole, et un jeune membre – très actif – de la section du Beaujolais lui tape dans l’œil lors d’une assemblée générale. « Je l’ai remarqué tout de suite. On ne se connaissait pas vraiment, mais quand j’ai vu comment il se comportait avec les autres membres, je me suis tout de suite dit que l’on tenait un futur président et qu’il pourrait être mon successeur. Je l’ai donc fait entrer dans le bureau de la fédération deux ans avant la fin de mon mandat pour qu’il se prépare », rejoue Gilles Courteix.
Sur le moment, le choix étonne et ne manque pas de créer quelques crispations en interne. Il faut dire que le poste – bénévole, mais honorifique – est convoité. « Il n’était pas dans les tuyaux pour être mon successeur. On me disait : “Mais ce n’est pas possible, personne ne le connaît, il sort d’où ?” », raconte Gilles Courteix qui se permettait, en plus, de vouloir placer un Caladois alors que le fauteuil revenait toujours jusque-là, par tradition, à un chef d’entreprise lyonnais.
« Cool, mais super exigeant »
Il passe alors pour un novice, mais Samuel Minot sait en fait très bien où il s’apprête à mettre les pieds. On peut parler d’héritage familial : « Mon père, mon grand-père et mon arrière-grand-père ont toujours été très investis dans les réseaux professionnels. Dans notre éducation judéo-chrétienne, le collectif compte. La preuve, mon frère s’investit lui aussi avec un mandat à la vice-présidence de l’Union des industriels et constructeurs bois », pose-t-il en parlant d’un « engagement par conviction pour défendre la filière du BTP et faire réussir les projets de nos adhérents ».
Intronisé à la tête de la fédération Rhône et Métropole en 2017, le patron aux lunettes de créateur et au dress code soigné ne met pas longtemps à se faire un nom. « Il est arrivé avec un déficit de notoriété, et il a très vite fait sa place. En l’espace de quelques mois, tout le monde le connaissait », raconte un témoin. Samuel Minot profite des présentations pour se mettre tout le monde dans la poche.
Même Marc Poisson, le tout nouveau nouveau boss national de l’Urssaf, qui se serait à l’époque bien vu dans le fauteuil de président à sa place. « C’est de notoriété publique, j’aurais voulu être président de BTP Rhône et Métropole, mais je ne me suis pas présenté par loyauté envers Gilles Courteix qui avait choisi Samuel Minot. Samuel a donc été élu président, et j’ai vite fait mon deuil, car j’ai découvert un homme qui n’est pas difficile à suivre : travailleur, rassembleur, engagé, à l’écoute, avec de la réflexion… En fait, avec du recul, je me dis que je n’aurais pas été meilleur que lui », affirme aujourd’hui Marc Poisson, beau joueur. « J’ai décelé dès le départ les qualités de l’homme et je savais que ce poste pourrait lui plaire. Et je crois qu’il s’est fait plaisir », reprend Gilles Courteix.
Le style Minot ? « Je suis un président présent, actif et opérationnel. Je ne sais pas faire les choses à moitié. Surtout que je prends plaisir à sortir, rencontrer des gens, donner ma vision, incarner la filière et porter des messages pour les entreprises du BTP », décrit l’intéressé. « Avec lui, ça va vite et c’est du sérieux. C’est un charpentier quoi ! », s’amuse Laurent Fiard qui comptait Samuel Minot parmi ses vice-présidents lorsqu’il était président du Medef Lyon-Rhône.
Même son de cloche du côté de Sylvie Blès-Gagnaire, la déléguée générale de la Fédération BTP Rhône et Métropole, recrutée en 2018 par Samuel Minot. « Je l’ai vu éclore et grandir au sein de la fédération. C’est un mec intelligent, très diplomate et il sent bien les choses. Surtout, Samuel aime son métier. Il vit pour le bâtiment », rapporte celle qui parle d’un patron « poli, courtois, sympa et qui ne se met jamais en colère » : « Par contre, attention, il fait cool comme ça quand on le voit, mais il est aussi super exigeant. C’est un bosseur, il attend la même chose de ses collaborateurs, et il ne supporte pas de ne pas avoir tous les tenants et les aboutissants. Il m’est arrivé une fois ou deux d’oublier de lui transmettre une information, il me l’a bien fait savoir », précise, dans un sourire aujourd’hui, Sylvie Blès-Gagnaire.
Entre la gestion de la période Covid, les discussions sur la définition du nouveau plan local d’urbanisme ou encore les inquiétudes liées à la mise en place de la ZFE, Samuel Minot n’a pas manqué de sujets de discussion à mettre sur la table avec ses interlocuteurs de la Métropole, David Kimelfeld d’abord puis Bruno Bernard ensuite.
« Il ne cherche jamais à aller à la bagarre, mais il est capable de dire “ça ne va pas” aux politiques quand c’est nécessaire, ce qui n’est pas le truc le plus simple à faire », complète Sylvie Blès-Gagnaire. « J’étais dans mon rôle qui était d’agir pour que les politiques soient en phase avec les problématiques de nos adhérents », commente Samuel Minot qui a également lancé pendant son mandat le projet -spectaculaire – de rénovation du siège de la fédération qui sera dévoilé en fin d’année dans le quartier du Tonkin à Villeurbanne.
Une présidence départementale où il s’est également fait connaître dans les hautes sphères des instances nationales, avec trois années à la présidence de la commission économie de la fédération qui se réunit à Paris.
Un côté chef de bande
Après cinq ans à la présidence de BTP Rhône et Métropole et un CV désormais bien garni, le nom de Samuel Minot s’est imposé – très naturellement cette fois – pour prendre la suite de Philippe Lansard à la tête de la fédération régionale. Un changement de braquet pour Samuel Minot. Sur le terrain et en contact direct avec les chefs d’entreprise adhérents lors de sa précédente présidence, il a depuis quelques mois pour mission principale, à l’échelon régional, de faire le lien entre les présidents départementaux et les instances nationales – et inversement.
Un mandat qui l’occupe « un gros tiers » de son temps. D’autant que la situation est critique en ce moment pour les entreprises du BTP. « Nous vivons une crise du bâtiment comparable à celle des années 1990 : inflation, hausse des taux d’intérêt des crédits immobiliers, recul des autorisations pour la construction de logements… La crise est parfaite, tous les paramètres sont dans le rouge », alerte Samuel Minot qui entend aussi prendre à bras le corps le sujet de la mutation des entreprises, « qu’elle soit écologique, sociale ou sociétale ».
Une nouvelle fois, ses premiers pas dans la fonction sont salués. « C’est quelqu’un de très présent dans son entreprise et sur le terrain. Il a une fibre humaine très développée, un engagement très fort au service de la profession. C’est un interlocuteur de très haut niveau », encense Philippe Guérand, le patron de la CCI régionale.
Son successeur à la Fédé Rhône et Métropole, Norbert Fontanel, ne dit pas autre chose : « On se côtoie désormais à la fédération régionale, et je peux dire qu’il est apprécié par l’ensemble des présidents départementaux. On sent qu’il n’est pas là pour faire de la figuration. Avec son énergie, son enthousiasme et sa compétence, il a réussi à amener un souffle nouveau. Pourtant ce n’est pas simple de faire fonctionner une organisation qui englobe des territoires aussi différents que Lyon, le Cantal ou la Haute-Savoie. Je suis bluffé », témoigne le patron du groupe de construction Fontanel qui évoque « un profil à la Jacques Chanut ».
Pour remettre en contexte : Jacques Chanut, président en son temps de la Fédération régionale du bâtiment, qui a ensuite occupé, entre 2014 et 2020, la présidence nationale de la FFB. Et qui ne se prive pas, lui non plus, d’adouber Samuel Minot qu’il appelle« Sam » : « Son côté chef de bande entraîne tout le monde. Il a véritablement de l’empathie et il séduit les gens avec qui il travaille, que ce soit les permanents ou les élus. Il a assumé ses mandats avec réussite à chaque fois. J’ai beaucoup d’affection pour ce garçon. C’est un mec brillant qui surnage sans jamais avoir la grosse tête. Il est complet et n’a pas beaucoup de failles, je vous conseille de bien profiter de lui à Lyon », lance-t-il dans un clin d’œil.
« Style british, posé et serein »
Une façon de dire, encore une fois, que Samuel Minot a le bagage pour grimper plus haut. « Il en a clairement les capacités, mais encore faut-il qu’il en ait la volonté », complète Jacques Chanut. Un autre prédécesseur de Samuel Minot à la présidence de la Fédération régionale du bâtiment, Jacques Blanchet, aujourd’hui vice-président à la Région en charge de la Formation professionnelle et de l’Apprentissage, abonde : « Samuel a un style un peu british, posé et serein. Il dispose également d’une bonne expression et d’une bonne capacité de synthèse. Il a donc le talent et le potentiel. »
Et même ses amis de longue date ne sont pas surpris de cette irrésistible ascension dans les instances patronales, à l’image de Jean-Marie Degenève, le patron d’une concession automobile : « Non, je ne suis absolument pas étonné par son parcours. Avec ses proches, Samuel est quelqu’un de volubile et d’expressif, le contraire de discret. Mais il donne autant qu’il prend de la place, c’est-à-dire beaucoup. »
Ce qui fait dire, en résumé, à un fin connaisseur des coulisses de la fédération du BTP que « personne au comex de l’instance nationale n’arrive à la cheville de Samuel » : « Il est jeune, intelligent, et a déjà prouvé sa capacité à discuter avec les politiques. Il a la trempe pour occuper des fonctions nationales. » Une affirmation que l’on aura décidément beaucoup entendue. « Et il y en a aussi beaucoup qui lui parlent de cela dans son entourage », précise l’un de ses proches.
Mais, au fait, il en pense quoi de tout ça, Samuel Minot ? « Je ne défends aucune ambition personnelle et j’irai là où le vent m’emmènera », promet-il. Tout le monde s’attend à des courants ascendants.
Il a reboosté l’entreprise familiale avec son frère
Quand, avec son frère Bertrand, Samuel Minot reprend en 2001, à l’âge de 25 ans seulement, les rênes de l’illustre entreprise familiale fondée par leur arrière-grand-père et dirigée par leur père Georges, il se retrouve à la tête d’une « boîte très locale qui travaillait exclusivement dans le Beaujolais et à Lyon ».
Les temps ont changé : les frères ont réalisé plusieurs acquisitions et les désormais 300 collaborateurs du groupe Minot, spécialisé dans les solutions de charpentes et de structures en bois, couvrent 80 % du territoire grâce à neuf usines de production. « J’ai l’habitude de dire que le bois est le plus vieux matériau d’avenir. Nous voulons proposer des solutions accessibles alors que c’est un produit qui a souvent été considéré comme élitiste, ou frappé du syndrome des Trois petits cochons. Mais le bois est revenu à la mode », se félicite Samuel Minot.
Il dit avoir trouvé au quotidien une bonne complémentarité avec son frère Bertrand (qui n’a pas trouvé le temps de répondre à nos appels) : « Avec mon frère, on est très différents, nous n’avons pas le même caractère. Lui, c’est le cartésien gestionnaire alors que moi je suis plus dans l’animation commerciale. Cela n’a pas toujours été facile, mais on a chacun trouvé notre couloir de nage », affirme-t-il. Avec, pour preuve, la croissance du groupe Minot ces 20 dernières années.
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