LE MENSUEL DES POUVOIRS LYONNAIS

Bataille pour le pouvoir au Ceser

Le président sortant du Ceser, Antoine Quadrini, a mené une campagne active depuis le printemps pour assurer sa réélection. Assuré du soutien du collège patronal et de celui des associations – le sien –, il part favori. Même si une certaine personnalisation du pouvoir lui est reprochée par le collège syndical et son candidat, Jean-Marc Guilhot.

Il sera dit que le Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) aura travaillé jusqu’au bout de la mandature. Pour sa dernière séance plénière, les 190 conseillers de l’assemblée régionale consultative sont convoqués pour deux jours complets, les 11 et 12 décembre avec un ordre du jour pour le moins copieux. Certains s’interrogent sur l’ambiance qui régnera dans l’hémicycle.

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Car tout le monde a été frappé par l’incident de fin de séance de la précédente plénière, le 7 novembre : Bernard Laurent, représentant de la CFTC et professeur d’économie à emlyon, apprécié sur tous les bancs de l’assemblée, interroge le président Antoine Quadrini sur le peu de visibilité des travaux du Ceser Auvergne-Rhône-Alpes au sein de la structure nationale Ceser de France. Réponse sèche et sans appel d’Antoine Quadrini qui parle alors « d’hystérie inutile ». Fermez le ban.

Un président éruptif

Que le président sortant n’apprécie pas d’être titillé par un collège syndical qui va lui opposer un candidat dans quelques semaines, en la personne de Jean-Marc Guilhot, c’est certain. De là à ce qu’il se montre aussi éruptif, cela en a surpris plus d’un. « C’est insupportable. Il y a là un vrai dysfonctionnement », pointe Élisabeth Le Gac de la CFDT.

C’est elle qui mène le bal de la contestation contre Antoine Quadrini. Elle n’a pas oublié les négociations d’il y a six ans qui ont conduit à l’élection de ce dernier, représentant du collège 3, celui des associations, Antoine Quadrini siégeant lui-même au titre de l’Urfol (Union régionale de la fédération des œuvres laïques).

Soucieux d’en finir avec la domination patronale sur le Ceser dans la région depuis sa création, le collège 2, regroupant les syndicats de salariés, apporte alors sur un plateau ses 61 voix au candidat Antoine Quadrini, issu du collège 3, et alors premier vice-président de l’institution.

Lors de la négociation, Élisabeth Le Gac précise que le collège 2 attend un renvoi d’ascenseur pour la mandature suivante. « Au nom de l’alternance, nous avons voté Quadrini en 2018. S’il respectait l’accord d’il y a six ans, il nous soutiendrait aujourd’hui », martèle la CFDT. « Je n’ai jamais pris un tel engagement, se défend Antoine Quadrini. C’est parole contre parole. » Élisabeth Le Gac sourit : « Nous étions tous les deux dans la pièce avec d’autres témoins. Il sait, comme moi, ce qui s’est dit. »

« Le Ceser ne fait pas de vague, mais ne sert à rien »

Entre-temps, Antoine Quadrini a mené un travail méthodique, mis en place une gouvernance équilibrée et s’est comporté en fin politique depuis qu’il est à la tête du Ceser. « Aucun collège ne peut dire qu’il a été maltraité. C’est difficile de cogner sur quelqu’un qui a fait le job », plaide un proche du président.

Sans compter que les relations sont fluides pour ne pas dire excellentes entre Antoine Quadrini et Laurent Wauquiez, destinataire des avis et préconisations de l’assemblée.

« Le Ceser ne fait pas de vague, mais il ne sert à rien », cingle un élu du collège 1 regroupant les organisations patronales, qui pointe aussi une « clé d’entrée très lyonnaise et non régionale du Ceser actuellement » : « À Clermont ou Grenoble, on ne se sent pas concernés », affirme-t-il.

Résultat, le scrutin va se faire à front renversé par rapport à 2018. Fervent soutien de Quadrini il y a six ans, les syndicats de salariés se dressent tous contre lui aujourd’hui, à l’exception de FO. Soit déjà une cinquantaine de voix sur lesquelles il ne peut pas compter.

En revanche, tout se présente bien du côté patronal, Medef et CPME le soutiennent ouvertement. Quelques voix isolées lui feront peut-être défaut, mais il peut compter sur un soutien ultramajoritaire du collège 1.

Idem dans son collège 3. La feuille de route de ce dernier a débouché sur la candidature spontanée d’Antoine Quadrini. À moins que ce ne soit le contraire.

De fait, le président sortant a laissé entendre très vite qu’il se représentait pour un deuxième mandat de six ans. Et, dans cette campagne, rien n’a été laissé au hasard. Pas un conseiller n’a été oublié. Antoine Quadrini les a tous reçus lors de déjeuners de travail particulièrement soignés.

Aux petits oignons avec tous les conseillers

Service impeccable et au menu des discussions, un bilan de la mandature, des questions sur les améliorations à apporter au fonctionnement du Ceser. « Nous n’avons pas les mêmes moyens qu’Antoine Quadrini dans cette campagne. Il y a une opacité sur les coûts réels du Ceser », pointe la CFDT. « Je ne mélange jamais ce qui relève de la présidence et ce qui concerne la candidature », rétorque Antoine Quadrini. La campagne est belle et bien partie.

Pas question d’en faire une question de personne pour la CFDT qui n’est intéressée que par une bataille « projet contre projet ». Même son de cloche à la CGT. Karine Guichard rappelle que « ce qui compte, au-delà des hommes et des femmes, c’est le projet. À la CGT, nous sommes aussi attachés à certaines valeurs et à certains principes. Nous voulons mettre le Ceser au service des habitants. D’où la proposition autour du droit de pétition avec un vrai travail sur les territoires et des ateliers citoyens. Nous voulons un Ceser plus proche des préoccupations des gens ».

En l’état, elle ne se satisfait pas de la composition du Ceser : « Les salariés représentent 80 % des actifs, mais nous n’avons qu’un tiers des sièges. Le Ceser n’est pas représentatif de la société telle qu’elle est véritablement. Il est trop éloigné de la vraie vie. On reçoit et on écoute beaucoup de patrons. Ça manque de vraies gens. Et puis, il faudrait être moins lyonno-lyonnais. »

La représentante de la CGT aborde la campagne de façon « plutôt détendue » : « Quoi qu’il arrive, je ne perdrai pas mon salaire, toutes mes indemnités sont reversées au syndicat. Nos mandats ne nous appartiennent pas. C’est une certaine conception de la démocratie. Il faut savoir quand il est temps de partir et de laisser la place. Vingt ans au Ceser, Monsieur Quadrini, ça peut être bien aussi de laisser la place à d’autres. » Bref, hormis FO, Antoine Quadrini n’a pas beaucoup de soutiens parmi les représentants syndicaux.

Il lui en manquera quelques-uns aussi dans le collège 3 où l’on parle sous couvert d’anonymat, par crainte de représailles. Il est question, pêle-mêle, de « méthodes péremptoires », de « candidature autoproclamée » et de « discussions moins sereines, à l’image de la société ».

Et une conseillère d’ajouter : « Antoine Quadrini est le représentant d’une génération patriarcale dominante », tout en concédant : « Les jeux sont un peu faits. »

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