LE MENSUEL DES POUVOIRS LYONNAIS

Universités : Fusion Lyon 1/Lyon 2, les raisons de l’échec

Initié en 2022, le projet de rapprochement entre les universités Lyon 1 et Lyon 2 est finalement abandonné. En désaccord sur la gouvernance du futur ensemble, les deux partenaires ont conduit ce dossier — pourtant plébiscité par l’enseignement supérieur lyonnais — dans l’impasse. Ce nouveau couac illustre les difficultés du site académique Lyon-Saint-Étienne à se structurer.

Le courrier est cinglant. Dans une missive de six pages adressée mi-janvier à ses équipes, la présidente de l’université Lyon 2, Nathalie Dompnier, acte la fin du projet de rapprochement avec l’université Claude Bernard (Lyon 1) impulsé depuis dix-huit mois.

 Elle fustige les méthodes de son ancien partenaire et lui impute la responsabilité de l’abandon de ce projet d’envergure. « La présidence de l’université Claude Bernard renonce au projet de création d’une université pluridisciplinaire. Elle s’est emmurée dans la certitude de la supériorité de son modèle institutionnel, tacle la chef d’établissement. Il s’agit d’une lourde erreur d’appréciation des enjeux de structuration du paysage académique lyonnais. » Initié à l’été 2022, le projet Pluriel 2024, visant la création d’une université pluridisciplinaire regroupant Lyon 1 (47 000 étudiants) et Lyon 2 (28 000 étudiants), va donc rester dans les cartons.

« Nous avions l’occasion d’associer les sciences formelles, du vivant, de la santé avec les sciences humaines et sociales pour enfin créer une belle université pluridisciplinaire à visibilité internationale à Lyon, regrette Nathalie Dompnier. On n’y arrive pas, on passe à côté. Forcément, il y a un sentiment d’échec. » 

Aux prémices de ce rapprochement, suivi avec attention par la Communauté d’universités et établissements (ComUE) de Lyon et l’ensemble de ses membres, l’entente entre les deux futurs ex-partenaires semblait pourtant idyllique. 

En plus d’échanges bilatéraux très fréquents, Nathalie Dompnier et son homologue de Lyon 1 Frédéric Fleury (qui n’a pas souhaité répondre à nos questions), s’épanchaient régulièrement sur leur destin commun auprès d’autres directeurs du site académique. Cette unité n’aura duré qu’un an. 

Tensions sur la gouvernance

Les premiers désaccords surgissent au printemps 2023, liés à des questions sur la gouvernance du futur ensemble. Prévue pour le 1er janvier 2024, la fusion entre Lyon 1 et Lyon 2 est alors repoussée à 2025. Dans l’enseignement supérieur lyonnais, le doute commence à s’installer. « Je ne sais pas s’ils vont fusionner car le dossier me semble complexe et difficile. Ce sont deux universités avec deux ADN très différents », analysait ainsi, dès septembre dernier, le président de l’université Lyon 3, Eric Carpano.

Le dossier s’avère effectivement plus compliqué que prévu. La situation s’enlise. En octobre, Nathalie Dompnier indique que le projet est mis en « stand-by ».

La présidente de Lyon 2 renvoie aujourd’hui la faute sur la présidence de Lyon 1 : « Oui, nos établissements sont très différents, notamment dans la manière d’appréhender le fonctionnement interne. Pour réussir à opérer ce rapprochement, il fallait accepter de faire bouger les lignes. À Lyon 2, nous avons fait des concessions. Ce travail n’a pas été fait du côté de notre partenaire. » 

Sur l’épineux sujet de la gouvernance, la dirigeante explique avoir reçu les mêmes propositions, « déséquilibrées et inacceptables » de son partenaire tout au long du processus, sans marge de négociation. « Le modèle de Lyon 1 n’a pas évolué depuis un an et demi, en dépit des réserves que nous avions donné. La présidence de Lyon 1 nous a seulement proposé le modèle vers lequel elle souhaitait aller, gronde Nathalie Dompnier. Elle nous impose son modèle. C’est sa manière de travailler. »

Ces critiques font aujourd’hui écho à celles de Yanick Ricard, l’administrateur provisoire démissionnaire de l’ENS de Lyon, qui indiquait avant de claquer la porte en mars dernier « qu’aucune fusion ne sera réalisable sur le site avant que la plus grosse université du site, l’Université Claude Bernard, ne cesse de confondre coopération et annexion. »

« Ici, les fusions larges sont inadaptées »

Après les échecs de l’Idex (un projet de méga-fusion qui aurait apporté des centaines de millions d’euros de dotation au site de Lyon–Saint-Étienne) en 2020, puis du projet Lynx en 2021 pour repenser le schéma de coopération entre les acteurs, ce nouveau couac illustre les difficultés de site académique à se structurer. « C’est infiniment dommage. Ce rapprochement entre deux universités, qui comptent parmi les meilleures de France dans leur domaine, fait évidemment sens, juge Frédéric Fotiadu, le directeur de l’INSA Lyon. Cette fusion aurait donné lieu à un leader académique. C’est ce qui manque aujourd’hui sur le site. » 

Université Lyon 2 – Berges du Rhône 2022
© Alan Thurm

Le constat est partagé par la présidente de Lyon 2, Nathalie Dompnier : « Lyon a besoin de cette université pluridisciplinaire pour répondre à des appels à projets conséquents et aller chercher des financements. Nous sommes aujourd’hui grandement fragilisés par cette absence de structuration du site. »

Le son de cloche politique n’est pas vraiment le même. « Il faut arrêter de dire que le site est fragile, tempère Jean-Michel Longueval, vice-président de la Métropole de Lyon à l’enseignement supérieur. Le traumatisme de l’Idex a été difficile à digérer pour les acteurs mais il y aura d’autres modèles à construire demain. » 

L’élu socialiste évoque le gros travail de coordination mené par la ComUE, sous l’égide de son président Frank Debouck, pour favoriser les rapprochements stratégiques plutôt que des mega-fusions. 

Ce modèle de système universitaire, favorablement accueilli par la ministre de l’enseignement supérieur Sylvie Retailleau, existe déjà à Londres, Toronto ou en Californie. « La richesse du site, avec ses grandes écoles et universités aux identités très marquées, complexifie sa structuration. Ici, les fusions larges sont inadaptées, note Frédéric Fotiadu. En revanche, on peut imaginer d’autres rapprochements. Malgré l’arrêt du projet, la fusion Lyon 1/Lyon 2 continue de faire sens. Elle pourrait revoir le jour et réussir. »

Alors qu’ils arrivent tous deux au terme de leur deuxième mandat en fin d’année, Nathalie Dompnier et Frédéric Fleury devront passer la main l’an prochain. « Les gouvernances ne sont pas gravées dans le marbre. L’ensemble Lyon 1/Lyon 2 pourrait se faire plus tard, prolonge Jean-Michel Longueval. Ce n’est pas perdu, ce n’est pas foutu et surtout, ce n’est pas la déprime ! »

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