Elle a récupéré son trophée sous les applaudissements nourris des 300 décideurs présents dans la chapelle de la Trinité. En devançant dans les suffrages Maud Charaf (HUB612), Simon Hoayek (Byblos) et Hervé Affagard (Maat Pharma), Virginie Carton, la directrice d’OnlyLyon Tourisme & Congrès, a reçu le prix de « la révélation de l’année » du palmarès Lyon Décideurs des leaders de 2024. « C’est une victoire collective, qui récompense avant tout le travail des acteurs de l’écosystème touristique local, ses 41 000 salariés et les 600 adhérents de l’office du tourisme », tempère la lauréate, élue par les lecteurs de notre magazine.
La dirigeante n’est pas vraiment du genre à tirer la couverture vers elle. « Elle s’efface toujours pour mettre en avant ses équipes et ses adhérents, souligne Bertrand Foucher, le directeur de l’Aderly, qui partage avec elle la marque OnlyLyon, au service de l’attractivité économique et touristique du territoire. Dans nos métiers, nous accompagnons des écosystèmes, mais ce n’est pas nous qui agissons directement. Elle est donc bien consciente que ce sont les adhérents qui font la réalité de la destination Lyon. »
Nommée à la tête de l’office du tourisme en novembre 2021, après 20 années passées comme directrice adjointe de François Gaillard (qui n’a pas souhaité s’exprimer dans le cadre de ce portrait, NDLR), Virginie Carton souffle un vent nouveau dans le pavillon de la place Bellecour.
« Elle est discrète, ne concentre pas l’image de l’office du tourisme sur sa personne, mais elle a su rassembler les acteurs autour d’un grand projet commun »
Et s’affirme, depuis maintenant deux ans, dans un registre bien différent de celui de son emblématique prédécesseur. « François a grandement œuvré pour la destination ces vingt dernières années. Son départ a suscité beaucoup d’inquiétudes parmi les professionnels du tourisme, mais le travail de Virginie, au service d’un tourisme raisonné et raisonnable, tout en étant ambitieux, est tout à fait remarquable », souligne Loïc Renart, le président du groupe hôtelier Les Aubergistes lyonnais.
« C’est un vrai changement de style, prolonge Sylvain Douce, membre du bureau d’OnlyLyon Tourisme & Congrès et directeur des sites lyonnais de GL Events. Virginie est peut-être plus discrète, mais elle a su rassembler les acteurs autour d’un grand projet commun. »
Dans la lignée des ambitions portées par l’exécutif métropolitain, tutelle et principal financeur de l’office du tourisme (à hauteur de 5 millions d’euros sur un budget total de 8,2 millions d’euros), Virginie Carton accompagne donc la filière et ses 600 adhérents vers un tourisme plus responsable. « Le secteur est très souvent pointé du doigt pour son empreinte carbone, explique-t-elle. Notre objectif aujourd’hui, c’est d’accueillir plus et d’accueillir mieux, avec des acteurs engagés dans une démarche écoresponsable. Cela doit nous permettre de conforter notre place de première destination française à côté de Paris. »
Promouvoir la destination Lyon en train
Après le faste des années Collomb et les opérations de promotion au Japon, en Chine, en Corée du Sud, à Dubaï ou aux États-Unis, l’office du tourisme vise aujourd’hui des cibles moins lointaines. « Nous ne sommes pas obligés d’aller chercher des touristes qui viennent du bout de la terre », martèle Robert Revat, le président d’OnlyLyon Tourisme & Congrès.
Les marchés ciblés sont désormais régionaux, nationaux ou proche européens. « 75% de nos visiteurs sont français et viennent principalement d’Île-de-France ou de la région PACA, rappelle Virginie Carton. On travaille aussi des villes comme Nantes ou Rennes et des pays voisins comme l’Angleterre, la Suisse, l’Allemagne ou l’Italie. »
Les échanges avec les pays asiatiques sont mis sur pause ; les seuls marchés lointains travaillés sont à chercher aux Etats-Unis et au Canada, indispensables au tourisme d’affaires. « Nous cherchons à promouvoir la destination Lyon en train, auprès des compagnies comme SNCF, Trenitalia, Renfe, Thalys, SNVB ou Lyria », témoigne la dirigeante, investie dans les gares européennes via le programme « Lyoncomotive » à Bruxelles, Barcelone, Paris ou Francfort ces derniers mois.
« Notre objectif aujourd’hui, c’est d’accueillir plus et d’accueillir mieux, avec des acteurs engagés dans une démarche écoresponsable »
Mais entre Rhône et Saône, cette nouvelle politique parfois jugée trop peu ambitieuse, agace et fait grincer des dents en coulisses. « Je n’ai pas le sentiment que ces orientations soient très positives et aillent dans le bon sens. On est en train de déconstruire ce qu’on a mis 20 ans à mettre en place avec les compagnies aériennes… Je trouve tout cela très approximatif », grogne un adhérent de longue date, habitué des réunions et webinaires organisés par l’office du tourisme.
Cette colère s’explique assez facilement selon Laurent Jaumes, membre du bureau d’OnlyLyon Tourisme & Congrès et directeur général de l’hôtel Le Roosevelt : « On a mis tellement d’énergie pour développer les marchés lointains que certains pensent aujourd’hui qu’on fait un pas en avant pour en faire dix en arrière. Mais ce qu’il faut dire, c’est qu’il y a déjà fort à faire avec le tourisme de proximité et la reprise. »
Plombée par la crise, la filière retrouve un dynamisme certain depuis dix-huit mois. « Dans mes restaurants aujourd’hui, ça parle énormément de langues étrangères. Cela prouve que le travail pour la promotion de la ville à l’international est fait et bien fait. C’est bon signe », se réjouit le chef Joseph Viola, attendu le 14 mars à la Samaritaine, aux côtés d’une poignée de chefs lyonnais pour une opération de promotion de l’office du tourisme à Paris.
Côté tourisme d’affaires, les voyants semblent aussi au vert. « Les nouvelles orientations de l’office du tourisme ont suscité beaucoup d’interrogations dans le milieu. Mais on a vu avec les résultats de 2023 que c’était un atout pour le territoire, concède Sylvain Douce, le directeur des sites lyonnais de GL events (Centre de Congrès, Eurexpo, Matmut Stadium, La Sucrière). Les entreprises qui veulent faire des événements cherchent aujourd’hui des destinations responsables. Donc la dynamique à Lyon est là et bien là. »
Doubler les durées de séjour
Avec 9,4 millions de nuitées marchandes enregistrées l’an passé, l’activité touristique retrouve ses standards d’avant crise sur le territoire. « On savait qu’avec la Coupe du monde de rugby et la reprise des grands salons comme le Sirha ou Pollutec, nous ferions une bonne année, témoigne Virginie Carton. Lyon reste avant tout une destination affaires, une ville de salons. »
La ville est aussi portée par une riche dynamique événementielle, avec une année 2024 déjà très animée entre le match France-Angleterre du tournoi des VI nations, l’équipe de France de football, les JO, les finales mondiales de Worldskills, les 25 ans de la Fête des Lumières, les grands concerts estivaux du Groupama Stadium (Taylor Swift, Coldplay) et les 100 ans de la Maison Bocuse. « Ce sont autant d’opportunités de parler de la destination. Notre modèle de promotion reste le même qu’auparavant : on parle de gastronomie, de patrimoine, d’art de vivre à la lyonnaise. L’idée, c’est de faire savoir combien la ville est séduisante, attractive et désormais responsable. »
Avec un secteur porté par ces belles dynamiques, l’office du tourisme cherche maintenant à allonger les durées de séjour des touristes sur le territoire. « Il y a 15 ans, les touristes restaient en moyenne 0,9 nuit à Lyon. Aujourd’hui, ils restent 3,5 nuits et on espère encore doubler ce chiffre dans quelques années », témoigne Robert Revat. « On a la chance de pouvoir capitaliser sur une image déjà construite sur le court séjour pour bâtir d’autres propositions et des séjours plus longs », prolonge la directrice.
Les touristes sont donc invités à explorer la Croix-Rousse, Confluence, Ainay, Monplaisir ou les Gratte-Ciel plutôt que de rester scotchés dans le Vieux-Lyon et le quartier St-Jean. « Nous avons identifié de nombreuses pistes pour pousser cette offre et faire rester nos visiteurs plus longtemps. On travaille même au-delà des frontières de la Métropole, avec Destination Beaujolais, pour faire découvrir d’autres richesses du territoire autour de Lyon. »
Un poste éminemment politique
En première ligne depuis deux ans, la directrice s’épanouit pleinement dans ses fonctions : « Avec le tourisme, j’ai la chance de toucher des sujets très transversaux comme l’hôtellerie, la restauration, l’événementiel ou l’emploi. C’est passionnant. »
Diplômée d’emlyon, ancienne d’Accenture passée pendant deux ans par Buenos Aires, la Bretonne, reconnaissable à ses grands carreaux pourpres, mesure le chemin parcouru par la destination depuis vingt ans. « Quand je suis arrivée en 2002, le Centre des Congrès venait tout juste de sortir de terre. Nous avions un positionnement très fort sur le tourisme d’affaires et démarrions nos efforts sur le tourisme de loisirs. »
En charge de la gestion, du suivi budgétaire et des ressources humaines au sein de l’office du tourisme, elle participe en 2007 au lancement de la marque OnlyLyon. « Elle était évidemment connue et identifiée par les acteurs du tourisme. On la croisait souvent, on pouvait facilement échanger avec elle mais elle savait rester discrète et en retrait », rapporte l’hôtelier Loïc Renart.
En 2021, alors que l’exécutif métropolitain cherche un nouveau visage pour dérouler son schéma du tourisme responsable, sa candidature est retenue par le pouvoir écologiste. « Elle était bien en phase avec les orientations qu’on voulait donner à l’office du tourisme et travaillait déjà sur les sujets liés au tourisme durable, donc c’était normal de lui faire confiance », renseigne Hélène Dromain, la vice-présidente de la Métropole de Lyon en charge du tourisme.
Nommée à la tête du pavillon de la place Bellecour, Virginie Carton découvre une fonction nouvelle, bien plus en lien avec les adhérents, à l’écoute des demandes et besoins du secteur. « C’est aussi et surtout un poste éminemment politique qui n’est pas simple, car vous devez constamment marcher sur des œufs et vous tenir à la ligne fixée par les politiques, juge une figure de la gastronomie lyonnaise. Mais je pense que cette tâche lui correspond bien. Elle est plus en arrondi sur ce sujet là qu’un François Gaillard. Elle fait le job et ne rentre pas dans la polémique. »
Saluée par ses pairs
Amoureuse de sa Bretagne natale et « de ses attraits salés comme sucrés », la directrice de l’office du tourisme est évidemment tombée sous le charme des spécialités lyonnaises. « C’est une passionnée de Lyon qui connaît très bien le territoire. Je l’appelle dès que j’ai besoin de conseils pour des restos ou des visites », souffle Bertrand Foucher, le directeur de l’Aderly.
En lien permanent, avec une coopération renforcée depuis plusieurs mois, les deux dirigeants se retrouvent tous les mois pour un café matinal au Café des Négociants. « C’est notre rituel mensuel. On partage ensemble les grands et petits moments au service de l’attractivité de notre territoire, poursuit le dirigeant. Je sais qu’elle a une très haute estime des métiers avec lesquels elle travaille. Je me demande parfois si elle n’aurait pas aimé travailler elle-même dans l’hôtellerie ou la restauration… »
Son action à la tête de l’office du tourisme est en tout cas grandement saluée par ses pairs. Sur les réseaux sociaux, l’annonce de sa victoire lors des trophées Lyon Décideurs des leaders de 2024 a suscité plus d’une centaine de réactions.
Parmi les félicitations, des messages de Vincent Le Roux (Restaurant Paul Bocuse), Romain Boucaud-Maître (Chocolats Voisin), Olivier Michel (Lyon City Tour), Séverine Maisonneuve (Villa Maïa) ou Xavier de la Selle (Musée Gadagne). En réponse, Virginie Carton préfère souligner « le travail exemplaire réalisé par tous les acteurs du tourisme à Lyon ». Le travail collectif, plutôt que la lumière.
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