LE MENSUEL DES POUVOIRS LYONNAIS

John Textor : des promesses vraiment tenables ?

Alors que l’Olympique lyonnais est menacé d’une rétrogradation à l’issue de la saison par la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), son patron, John Textor, s’est voulu rassurant. Mais l’Américain va devoir aligner ses actions sur ses promesses. Décryptage

« Je veux le dire au monde : l’OL ne sera pas relégué. » Dans un long exposé face à la presse le samedi 16 novembre, John Textor a balayé la menace d’une rétrogradation de l’OL en Ligue 2. L’Américain a insisté sur l’organisation multiclub d’Eagle Football Holdings, dont Eagle Football Group (anciennement OL Groupe) n’est qu’une branche : « Ils (les membres de la DNCG, NDLR) n’ont regardé que les activités en France. Nous pensons que c’est une erreur de ne pas avoir analysé la situation de la maison-mère. »

Outre l’OL, cette dernière détient, entre autres, l’équipe brésilienne de Botafogo et le club belge de Molenbeek. Cette sortie médiatique, très largement relayée, n’a pas suffi à complètement rassurer la plupart des fans. Thierry Boirivent, vice-président du club de supporters des Rouge & Bleu, résume : « On a tellement de surprises avec cet homme qu’on espère que tout ce qu’il a raconté sera vrai. »

Si rien ne change, l’OL n’aura bel et bien pas le droit d’évoluer en Ligue 1 la saison prochaine. Jean-Marc Mickeler, le patron de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), a remis les pendules à l’heure dans L’Équipe : « La DNCG a parfaitement écouté, entendu et compris ce que Textor lui a expliqué. Mais le rôle de la DNCG est d’être sceptique par rapport à toute opération qui n’a pas encore été réalisée. »

Luc Arrondel, directeur de recherche au CNRS, décrypte : « La DNCG évalue le risque de solvabilité, pas de rentabilité. À partir du moment où le propriétaire ne satisfait pas ce critère, il y a des sanctions financières. Elle les a prises. »

L’aggravation de la dette, même si John Textor l’a réduite de 505 à 423 millions d’euros lors de son exposé, a convaincu le gendarme financier du football français de frapper un grand coup en mettant cette épée de Damoclès au-dessus de l’OL, qui a sept mois pour redresser la barre. Luc Arrondel vulgarise l’équation :

« Les 423 millions d’euros, c’est le stock de la dette, le capital restant dû. Quand vous empruntez pour un logement, il y a le capital que vous devez rembourser à la fin du prêt et la somme que vous devez rembourser chaque mois. Pour l’OL, il faut trouver 165 millions d’euros d’ici la fin de la saison. »

Six joueurs à vendre dès cet hiver

En juillet dernier, la DNCG avait été convaincue par la promesse de l’Américain de vendre pour 100 millions d’euros lors du mercato estival. Sauf que l’OL n’a récolté que quelque 38 millions d’euros sur ce marché des transferts, ce qui a coûté sa place à l’éphémère directeur sportif David Friio. John Textor l’a expliqué : « L’OL a six joueurs en trop. »

Charge donc à la nouvelle organisation dirigeante – avec Matthieu Louis-Jean promu directeur technique – de trouver des acheteurs cet hiver et, c’est là où la mission se corse, pour un montant total d’environ 75 millions d’euros. Un sacré challenge au regard de la valorisation de l’effectif.

Selon Transfermarkt, référence en matière de transferts, aucun des joueurs n’est actuellement estimé au-delà des 20 millions d’euros. Et les deux plus « bankables », Malick Fofana et Rayan Cherki, sont aussi logiquement les principaux atouts du club. S’en séparer serait catastrophique au niveau sportif. Le coach Pierre Sage n’ose pas trop s’avancer sur ce sujet : « Je pense qu’ils vont rester. »

Par ailleurs, l’annonce de John Textor d’une baisse automatique de 75 millions d’euros de la masse salariale à l’issue de la saison avec les fins de contrat est passée curieusement inaperçue. Ce qui signifie ainsi que le capitaine Alexandre Lacazette ne sera pas prolongé ni le champion du monde argentin Nicolas Tagliafico.

Mais il n’y a pas que sur le marché des transferts qu’Eagle Football Group ambitionne de récolter des fonds. L’homme d’affaires américain mise beaucoup sur la cession de ses parts (45 %) dans le club anglais de Crystal Palace. Face aux médias, il les a valorisées à 200 millions d’euros et a assuré disposer de « quatre offres fermes ». En Angleterre, on parle plutôt d’offres autour de 120 millions d’euros. Cette vente tarde à se finaliser depuis plusieurs mois, notamment car les parts de John Textor ne donnent lieu à aucun pouvoir décisionnaire.

Ce point d’interrogation est un frein majeur à ses ambitions d’introduire Eagle Football Holdings à la Bourse de New York début 2025, un projet qui repose en grande partie sur une restructuration financière solide et crédible. « Sans club anglais, ce sera plus compliqué », reprend le directeur de recherche au CNRS, Luc Arrondel. Le groupe a toutefois déjà récemment levé 40 millions de dollars en vue de cette introduction.

Aulas ne reviendra pas

Face au scepticisme, John Textor s’agace : « Dans les projections, on a beaucoup plus de cash que ce dont on a besoin (…) Nous avons des actionnaires, personne ne permettra au club d’être relégué. » Ares Management, le fonds d’investissement auquel Eagle et John Textor devraient 600 millions d’euros pourrait-il être tenté de reprendre directement la main en éjectant ce dernier ? Pour Luc Arrondel, un scénario comme celui de l’AC Milan existe : « Le fonds américain avait repris la main après les manquements de paiement du propriétaire chinois. »

À Lyon, certains imaginaient déjà Jean-Michel Aulas revenir en sauveur. Ce ne sera pas le cas. L’ancien historique boss de l’OL a fait ses adieux dans un post sur X : « L’OL est un club merveilleux. À la nouvelle équipe d’écrire un nouveau chapitre de l’histoire du club. Je me consacrerai au développement du football féminin et à la FFF. » Ce message ne dit pourtant pas tout. Par l’intermédiaire de sa société Holnest, JMA détient encore près de 2,5 % d’actions au sein d’Eagle Football Group.

Contrairement aux promesses initiales, John Textor ne lui a pas rachetées à ce jour. On notera que 1,55 % de ses actions sont nanties par Holarena (la société de JMA qui a racheté à John Textor la LDLC Arena) depuis le 13 juin 2024, soit environ 6 millions d’euros. Encore une curiosité dans les montages financiers alambiqués de l’Américain.

Julien Huët

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