LE MENSUEL DES POUVOIRS LYONNAIS

Constance Gruy : La nouvelle patronne au fort caractère de l’empire Maïa

Constance Gruy a pris, il y a un an, la suite de son père Christophe Gruy à la tête du groupe Maïa et de ses 700 collaborateurs. Et la trentenaire au caractère très affirmé sait précisément où elle veut emmener l’entreprise familiale aux activités très variées.

C’est toujours une question épineuse au cœur des transmissions familiales, qui se pose au moment où la nouvelle génération grimpe dans l’entreprise et que le paternel, en l’occurrence l’entrepreneur à succès Christophe Gruy, n’est pas encore rangé des voitures : pas trop compliqué le partage des rôles ? « Le principal, c’est de savoir qui décide. Et c’est moi qui décide », claque en réponse Constance Gruy.

Le décor est posé. À 34 ans, elle est bien la nouvelle grande patronne du groupe Maïa et de ses 700 collaborateurs. Intronisée le 12 septembre 2023 à la direction générale de l’ETI installée à l’Antiquaille (Lyon 5e) qui réalise 200 millions d’euros de chiffre d’affaires par an, elle n’a pas mis longtemps à endosser le costume et à marquer son territoire.

« Cinq minutes avant qu’elle soit officiellement nommée DG, elle m’a annoncé que, dorénavant, il ne fallait plus que je vienne travailler dans les bureaux de la direction. Du coup, maintenant, je m’installe dans une salle de réunion », rapporte Christophe Gruy, mi-amusé et encore un peu estomaqué.

« Le principal, c’est de savoir qui décide. Et c’est moi qui décide »

La trentenaire au caractère très affirmé – tous ses proches le disent – sait très bien où elle veut emmener le groupe aux activités très variées, spécialisé historiquement dans les travaux d’infrastructure et d’aménagement du territoire, avec des diversifications dans l’hôtellerie de luxe (l’hôtel 5 étoiles Villa Maïa à Fourvière), la production viticole (le Château de La Chaize dans le Beaujolais) ou encore les cosmétiques bio (Aïam Maïa Cosmetics).

« Aujourd’hui, mon job est multiple. Il s’agit à la fois de donner une vision à long terme pour Maïa et d’être garante des valeurs fondamentales du groupe. Mon objectif, ce n’est pas uniquement de faire progresser le chiffre d’affaires, mais d’assurer une croissance pérenne avec un développement géographique et une diversification des métiers tout en gardant une cohérence d’entreprise », synthétise-t-elle.

Et Constance Gruy a déjà marqué de son empreinte le groupe familial, récompensé du « Grand prix » lors des Trophées des entreprises familiales 2024 organisés par Lyon Décideurs.

Du trading à New York et à Londres

Constance Gruy © Pierre Ferrandis

C’est elle qui est notamment à l’origine, coup sur coup en 2021, des deux premières acquisitions de Maïa, alors qu’elle n’était encore que directrice générale déléguée : la reprise de la PME Transtelec en région parisienne (travaux d’électricité et de télécommunication) et surtout le rachat de Bernasconi, un groupe de 200 collaborateurs installé en Suisse romande qui œuvre dans le génie civil et les ouvrages techniques. Une opération qui fait passer les effectifs de 500 à 700 collaborateurs.

« Ce rachat, c’est une opportunité qui s’est présentée. Il s’agit d’une belle entreprise avec une histoire et un très gros potentiel. C’est une sorte de petit Maïa suisse qui ressemble à l’entreprise que mon père a reprise au début des années 200. Et cette acquisition nous permet aussi de poser un premier pied à l’international », commente-t-elle.

Très investie sur la question de la transition énergétique – une thématique qui revient avec insistance dans son discours –, il faut aussi mettre à son actif le retour du groupe familial dans les énergies avec la relance d’une branche dédiée à la production photovoltaïque. On peut y voir une sorte de pied de nez à l’histoire de Maïa : lorsque Constance Gruy a intégré le groupe, à l’été 2017, son père venait tout juste de céder à Engie l’ensemble de ses filiales dédiées aux énergies renouvelables.

« Le pôle énergie représentait la moitié de l’activité, il ne restait donc que le pôle infrastructure. Mon père s’est posé à l’époque la question d’une vente de l’entreprise, mais c’est à ce moment-là que j’ai décidé d’entrer chez Maïa. Il fallait reconstruire le groupe, et c’est justement l’idée de relancer une nouvelle aventure entrepreneuriale avec mon père qui m’a fait prendre cette décision de venir », rembobine-t-elle.

« Elle est jeune, mais elle grandit à vitesse grand V »

Précision utile, quand elle décide de rejoindre l’affaire familiale, Constance Gruy était alors trader à New York puis à Londres pour la Société Générale après des études d’ingénieur à l’École des mines de Saint-Étienne puis un master en ingénierie financière à l’emlyon business school. « Je me posais la question de ce que je voulais faire dans la vie, et je voulais un métier qui a du sens. Ce n’était pas écrit d’avance pour moi de rentrer chez Maïa, mais ça a toujours été une possibilité. Et je tenais à faire mon propre parcours avant. En cela, mes années à l’étranger ont été très enrichissantes. J’ai gagné en indépendance et en confiance en moi », rapporte-t-elle.

Puis de préciser : « En revanche, cette succession était programmée par mon père depuis longtemps. Je n’ai pas fait les études qu’il fallait par hasard. Mais si je suis ici aujourd’hui, c’est une vraie volonté de ma part. »

Et, au bout du fil, Christophe Gruy confirme cette version à sa façon. « En effet, j’ai réfléchi à cette succession depuis très longtemps. La transmission a pris une vingtaine d’années, petit à petit. J’ai commencé à lui donner des parts de l’entreprise quand elle avait 14 ans, et on signait ça chez le notaire. Ensuite je lui ai dit que ce serait bien qu’elle fasse une école d’ingénieurs. Alors, avait-elle vraiment le choix ? Je ne sais pas… En même temps, elle a un très gros caractère, elle sait dire non. C’est une personne libre, et elle n’a surtout pas besoin de moi pour décider. »

« Constance est vraiment très indépendante »

La voilà donc qui allonge la (longue) liste des « filles de » trentenaires et quadras qui prennent de plus en plus de responsabilités au sein de belles entreprises familiales lyonnaises, à l’image d’Alexandra Mathiolon (Serfim), Lucille Khurana-Perrier (Gérard Perrier Industrie), Bénédicte Durand-Deloche (Altheora), Ségolène Moyrand-Gros (Gattefossé), Félicie Burelle (Plastic Omnium) ou encore Marine Dentressangle (holding Dentressangle)…

Mais la remarque – qui revient avec insistance quand son parcours est évoqué – a le don d’irriter Constance Gruy. « Quand on appuie sur le fait que nous sommes des femmes, ça en fait quelque chose de spécial alors que ça devrait être la généralité. Donc oui, ça me choque. J’aspire à être uniquement considérée comme dirigeante. Mais le temps fera les choses », affirme-t-elle.

Les premiers pas de Constance Gruy, qui partage son temps entre Paris et Lyon, sont en tout cas largement salués dans son entourage. À commencer par Benoît Licour, le directeur des affaires publiques de Maïa, qui est revenu l’année dernière dans le groupe pour travailler avec la nouvelle directrice générale après avoir officié pendant six ans auprès du père (2010-2016) : « Christophe, c’était l’intuition née ; Constance c’est la structure. Elle est encore jeune, mais elle a une structure de pensée incroyable. Et elle sait écouter et s’appuyer sur les personnes d’expérience qui l’entourent, donc elle grandit à vitesse grand V. C’est un plaisir de bosser avec elle. »

Amie de longue date (leurs papas sont grands copains), la PDG de Serfim Alexandra Mathiolon, dont le parcours est très similaire à celui de Constance Gruy, applaudit aussi sa prise de fonction. « Je trouve qu’elle est arrivée avec beaucoup d’humilité, ses idées, et l’état d’esprit qui est le bon dans le cadre d’une entreprise indépendante », rapporte-t-elle. Même son de cloche du côté de Baptiste Reybier, lui-même successeur désigné chez Fermob, côtoyé notamment à la Convention des entreprises pour le climat. « Ce qui est assez remarquable, c’est qu’elle a très vite pris des responsabilités à l’image de cette grosse acquisition en Suisse. Elle donne l’impression de gérer tout ça calmement, avec du recul et de la maturité », applaudit-il.

« Je n’ai aucun doute : à 40 ans, Constance sera une machine de guerre »

Autre dirigeante d’une entreprise familiale, Cécile Mazaud dit, elle, avoir découvert « quelqu’un de profondément humain » : « Je ne dirais pas qu’elle est timide, mais on voit qu’elle est sur la réserve, qu’elle observe beaucoup. Ce n’est pas quelqu’un qui va se mettre sur le devant de la scène, mais elle mériterait d’être plus dans la lumière. »

Christophe et Constance Gruy © Pierre Ferrandis

Et dans tout ça, qu’est-ce qu’il en pense le paternel, président du conseil de surveillance de Maïa ? « Il y a des pères qui adulent leurs enfants, et ce n’est pas du tout mon cas. Mais je suis impressionné. Elle assimile très vite, elle ne fait pas d’erreurs… Mais tout ça ne vient pas tout seul, elle travaille beaucoup. Il ne lui manque que l’expérience, mais je n’ai aucun doute : à 40 ans, Constance sera une machine de guerre », est persuadé Christophe Gruy qui joue désormais le rôle de sage qui distille ses conseils, avec une implication particulière dans le développement du Château de La Chaize, dont il a confié la direction à son neveu Boris Gruy.

Et celui qui déclarait, il y a quelques années dans nos colonnes, que « c’est dur de passer le pouvoir, même à sa fille », ne cache pas aujourd’hui quelques petites pointes de frustration dans le partage des rôles. « Il y a des gens qui pensent que je suis encore omniprésent au quotidien. Alors c’est vrai, mais ça ne sert à rien parce que Constance dirige seule. Et ce n’est pas toujours ce que je voudrais, j’aimerais que l’on puisse échanger plus. Mais elle est vraiment très indépendante… », confie-t-il.

Avant une dernière remarque : « Et puis il faudra aussi qu’elle s’assouplisse un jour. Mais je ne me fais pas de souci, moi aussi je me suis assoupli avec l’âge », conclut Christophe Gruy. Le message est passé.

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BIO EXPRESS

Juin 1990
Naissance à Lyon.
2015-2017
Trader à New York puis à Londres.
Août 2017
Intègre l’entreprise familiale Maïa.
Depuis septembre 2023
Directrice générale de Maïa.

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