À 85 ans passés, Pierre Orsi, commence sa dernière semaine derrière les fourneaux. Et, comme d’habitude, il attaque chaque matin à 5 heures, avant une pause sportive au centre Vendôme à 6 heures. « Cette fois-ci, j’arrête vendredi 28 février. Normalement, c’est le jour où je dois toucher mon chèque de la vente à Epicure Investissement. C’est quand même un chèque à 2 chiffres… », plaisante le célèbre chef.
Après avoir mis fin à l’aventure du restaurant de la place Kléber fin avril 2023, il s’était replié sur le Cazenove, poursuivant de près 2 ans, une histoire commencée à 15 ans comme apprenti chez Paul Bocuse. Une carrière qui l’a vu passer par Paris (Lucas Carton et Maxim’s), Londres (Café Royal), les États-Unis (ouverture de Maxim’s à Chicago, mais aussi Los Angeles et l’Hôtel Century Plaza à Los Angeles où il dirige une centaine de chefs). Plus tard dans sa carrière, il se rendra aussi, une trentaine de fois, au Japon où il possède un restaurant.
Paul Bocuse trouve le nom du restaurant
Au cours de ses années américaines, il officie un temps dans le plus haut gratte-ciel du moment, au 95e étage. « Je ne faisais plus la cuisine, j’avais perdu la gestuelle », reconnaît-il. Il est temps de rentrer en France… Il ne prend pas la suite de son père à Poleymieux-au-Mont-d’Or, mais rêve d’ouvrir un restaurant à la campagne…
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C’est Maurice Bernachon qui le met sur la piste du restaurant de la place Kléber, le Chateaubriant, dont il pense initialement garder le nom. Jusqu’à ce que Paul Bocuse lui dise : « Tu t’appelles comment ? Eh, bien il faut que ton restaurant s’appelle Pierre Orsi ! »
De gros travaux, sa femme Geneviève qui s’occupe de l’accueil, un nappage original, un service au cordeau, une organisation bien huilée. Les deux enfants du couple Orsi naissent en 1975 et 1980. « Pendant 20 ans, on a été complet midi et soir. La première étoile Michelin est arrivée en 2 ans, puis la 2e au bout de 4 ans ».
Pierre Orsi sert jusqu’à 200 couverts en journée et les effectifs du restaurant montent jusqu’à 48 personnes. En 1979, il acquiert le local où se trouve aujourd’hui le Cazenove, de l’autre côté de l’impasse Cazenove, derrière le restaurant gastronomique.
« Je voulais faire un bar pour faire patienter les clients. Une brasserie à l’anglaise et puis, c’est devenu un restaurant. Raymond Barre aimait venir ici quand il était député, sa permanence était toute proche et il descendait à l’Hôtel Roosevelt ». L’ancien Premier ministre lui demandera même de faire tourner une cuisine en mairie quand il sera premier magistrat de la ville.
Deux déjeuners pour le G7
Pierre Orsi garde aussi un souvenir ému du G7 de juin 1996 dont Jacques Chirac confie à Raymond Barre l’organisation à Lyon. « Nous avons officié pour 2 déjeuners sous une toile de tente et servi Bill Clinton, Jacques Chirac, John Major, Helmut Kohl et les autres », se remémore Pierre Orsi. Les souvenirs se bousculent dans la tête de Pierre Orsi : « pendant 25 ans, nous organisions le Réveillon russe le 13 janvier avec 120 personnes et cela ne se terminait qu’à 3 ou 4 heures du matin » ou bien encore le réveillon du 31 décembre 1999 au 1er janvier 2000.
Le titre de MOF (meilleur ouvrier de France) compte, bien sûr, dans les dates qui l’ont marqué. « C’était en 1972. Paul Bocuse s’y est repris à 2 fois pour l’avoir, moi, 3 fois ». Au final, « ça a passé très vite. Il faut être 2, c’était Geneviève et moi, mais aussi Patrick, mon maître d’hôtel pendant 34 ans. Savoir accueillir, donner de la joie, du bonheur. C’est aussi beaucoup de sacrifices, quand on commence très tôt le matin et qu’on finit tard le soir. La sieste est indispensable l’après-midi. Et, à 16 h 30, mon assistante me faisait signer le courrier », détaille Pierre Orsi.
Au total, plus de 500 employés sont passés place Kléber, dont 4 apprentis MOF et pas mal de nationalités représentées. Le secret d’une assiette réussie ? « Ce sont 3 éléments : il faut que ce soit chaud, qu’il y ait du jus, de la sauce, et puis la viande, le poisson et sa garniture ».
« La réussite, c’est la longévité »
Que vont faire ses successeurs place Kléber ? « Ils ont des ambitions avec notamment un projet hôtelier. Ils gardent le nom d’Orsi, mais c’est à eux de présenter ce qu’ils veulent faire ». Pierre Orsi ne va pas déménager bien loin, puisqu’il habitera toujours place Kléber. Quant à l’avenir du Cazenove, rien n’est fixé, mais Pierre Orsi précise : « Nous avons des touches ».
A l’heure de rendre son tablier, Pierre Orsi n’affiche aucun remord ou regret : « Non, vraiment aucun. L’important, c’est de donner toujours soi-même l’exemple. Je m’arrête rassuré, serein, en paix avec la volonté de ne laisser que des bons souvenirs. La réussite, c’est la longévité ». Pierre Orsi sait de quoi il parle, du haut de ses 70 ans de carrière.
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