LE MENSUEL DES POUVOIRS LYONNAIS

Nathalie Dompnier, la nouvelle cheffe d’orchestre de l’université lyonnaise

Après deux mandats à la tête de Lyon 2, Nathalie Dompnier est, depuis l’été dernier, la nouvelle présidente de l’Université de Lyon qui fédère les établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Après les mésententes du passé au sein de l’université lyonnaise, l’heure est désormais à l’ouverture d’un nouveau chapitre.

À première vue, l’élection de Nathalie Dompnier à la présidence de l’Université de Lyon, en juin dernier, pouvait surprendre. Elle prenait à ce moment-là un poste hautement stratégique avec pour mission la coordination de la Communauté d’universités et établissements (ComUE) de Lyon qui fédère 35 établissements d’enseignement supérieur et de recherche (dont Lyon 1, Lyon 2 et Lyon 3).

Et cela, quelques mois seulement après avoir été elle-même au centre d’un psychodrame comme l’université lyonnaise sait en produire. Alors dans le costume de présidente de Lyon 2, Nathalie Dompnier actait début 2024, amère et ouvertement agacée, l’échec du projet de fusion entre les universités Lyon 1 (47 000 étudiants) et Lyon 2 (28 000 étudiants) au terme de 18 mois de tractations. Puis de tacler dans la presse les méthodes « inacceptables » de son homologue de Lyon 1 « qui a voulu imposer son modèle », responsable, selon elle, de l’abandon de ce projet d’envergure.

« Je ne me suis pas présentée à l’Université de Lyon dans un esprit de revanche »

Un conflit qui s’est exporté jusqu’à l’élection pour la présidence de l’Université de Lyon, où Nathalie Dompnier, largement élue avec 29 voix contre 9, était opposée à Philippe Chevalier, un proche de Frédéric Fleury, le président de Lyon 1 avec qui les négociations avaient été houleuses.

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« Ce rapprochement avec Lyon 1, j’y croyais vraiment. Pour moi, c’était un beau projet de créer une université pluridisciplinaire qui n’existe pas à Lyon. On s’est pris les pieds dans le tapis de la gouvernance, et j’ai vécu comme un échec le fait que cela n’aboutisse pas. Mais je ne me suis pas présentée à la présidence de l’Université de Lyon dans un esprit de revanche. Cela ne m’intéresse pas », jure Nathalie Dompnier qui dit avoir hésité, après huit années à la présidence de Lyon 2, entre retrouver son métier d’enseignant-chercheur (avec un fort tropisme pour l’histoire des fraudes électorales) ou « poursuivre ces nouvelles activités passionnantes pour faire évoluer le monde universitaire ».

C’est donc la deuxième option qu’elle a retenue : « Mon idée de départ était plutôt de finir mon deuxième mandat de quatre ans à Lyon 2, puis d’aller voir ailleurs parce que j’aime bien bouger. Ma priorité n’était absolument pas d’être de nouveau présidente de quelque chose. Ma candidature s’est construite au fil de discussions avec les autres chefs d’établissement de l’Université de Lyon et le projet s’est construit. Alors je me suis dit que ce serait un beau défi », rembobine-t-elle.

D’autant que Nathalie Dompnier arrive à la présidence de l’Université de Lyon dans une période charnière. Le traumatisme s’estompe, mais la perte du label Idex (et de ses dizaines de millions d’euros de financements), en 2020, est encore dans toutes les têtes. Un échec collectif lié – déjà – au mariage raté entre les trois universités lyonnaises, l’école normale supérieure de Lyon et l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne.

Et son prédécesseur à la tête de l’Université de Lyon, Frank Debouck, a dû s’atteler pendant son mandat à « rétablir la confiance » au sein de l’instance qui regroupe toutes les forces vives de l’enseignement supérieur lyonnais accueillant, au total, près de 150 000 étudiants. « J’ai remis tout le monde autour de la table, il faut maintenant poursuivre ce qui a été initié. J’ai été agréablement surpris lorsque Nathalie s’est portée candidate parce que je ne m’y attendais pas. Elle est brillante, honnête et respectueuse… C’est une opportunité pour l’Université de Lyon d’avoir une personnalité comme elle à sa tête », applaudit Frank Debouck.

Frédéric Fotiadu, le directeur de l’Insa Lyon et soutien de Nathalie Dompnier lors de l’élection, embraye : « En plus d’une très bonne connaissance du monde universitaire et une habituée des discussions avec les ministères de tutelle, Nathalie est quelqu’un qui a beaucoup de hauteur de vue, qui sait faire preuve de beaucoup d’écoute et qui a le sens de la réussite collective. Elle n’impose pas son point de vue, et sait faire émerger des positions collectives. J’estime qu’elle a donc toutes les qualités pour avancer. »

« Tout s’est fait de fil en aiguille »

Nathalie Dompnier © Pierre Ferrandis

La question est désormais de savoir quoi faire de cette présidence à l’Université de Lyon, maintenant que l’idée de créer une grande université lyonnaise fusionnée dans un meccano institutionnel complexe est abandonnée pour de bon. « Chaque établissement va garder son autonomie, c’est acté. Mais il y a tout de même énormément de choses à faire ensemble plutôt que de rester chacun dans son coin. Je pense notamment à des projets collaboratifs pour que l’Université de Lyon revienne sur la scène nationale. L’objectif est d’identifier ce qui fait la singularité du site de Lyon pour faire émerger une signature scientifique et être capable de mieux se positionner sur les appels à projets et des financements français et européens », détaille Nathalie Dompnier, prenant exemple sur les huit Laboratoires d’excellence hébergés par l’Université de Lyon qui réunissent des chercheurs de spécialités et d’établissements différents sur une thématique commune (langage, mathématiques et informatique fondamentale, politique et religion, imagerie médicale…).

Ce qui fait qu’elle définit son nouveau rôle comme celui d’une « cheffe d’orchestre » pour favoriser les collaborations entre tous les établissements d’enseignement supérieur, les acteurs de la recherche, les collectivités locales et les acteurs socio-économiques du territoire.

Une mission bien éloignée du métier d’origine de cette professeure de science politique originaire de Clermont-Ferrand, arrivée à l’université Lyon 2 en septembre 2007, après avoir enseigné les sciences sociales dans un lycée (2000-2002) puis intégré l’IEP de Grenoble avant de rejoindre l’université d’Avignon comme maître de conférences (2003-2007). « Partout où j’ai été, je me suis toujours saisie de la démocratie universitaire. Chacun a le pouvoir de décider du destin de nos institutions, je ne conçois pas de ne pas m’impliquer », affirme Nathalie Dompnier.

« Son rôle est complexe, mais elle est patiente, sereine et déterminée »

Elle a ainsi quitté l’université d’Avignon en tant que vice-doyenne, puis très vite pris des responsabilités à Lyon 2 : d’abord directrice de la filière, puis du département de science politique, elle devient ensuite responsable de l’Unité de formation et de recherche (UFR) d’anthropologie, de sociologie et de science politique (2014-2016).

Ce qui lui ouvre les portes du cœur du réacteur, le conseil d’administration de Lyon 2. « Ensuite, tout s’est un peu fait de fil en aiguille », retrace Nathalie Dompnier qui se présente en 2016 pour la succession de Jean-Luc Mayaud, et l’emporte – grande surprise – à la majorité absolue face aux deux autres candidats. Devenant de ce fait, à 41 ans seulement, la première femme à prendre la présidence de Lyon 2.

Avec un style qui tranche : « Par exemple, on ne l’appelait pas présidente mais Nathalie. C’est un détail, mais cela illustre bien son côté accessible et moins formel que ses prédécesseurs », rapporte un ancien membre du cabinet de Nathalie Dompnier, qui garde le souvenir d’une présidente « qui écoute l’avis des autres, avec une énorme capacité de travail, qui arrive tôt le matin et repart tard le soir ». « Et aussi, elle savait garder le cap et le calme dans la tempête », ajoute-t-il encore.

Et des tempêtes, Nathalie Dompnier en a affronté plusieurs au cours de ses huit années à la présidence de Lyon 2, un job réputé pour ne pas être de tout repos. Elle a notamment dû gérer plusieurs mouvements étudiants avec, parfois, blocages et appels aux forces de l’ordre pour libérer les amphis. Ce qui lui a valu des injures taguées sur les murs de la fac. « Pour autant, Nathalie Dompnier n’a jamais refusé le dialogue, y compris pendant les mobilisations étudiantes. Et, de manière globale, le climat social était relativement bon pendant sa présidence », expose un représentant du personnel.

« Nathalie favorise la discussion parce qu’elle est apaisée et apaisante, énergique mais jamais agressive. C’est quelqu’un qui s’énerve très peu, même lorsque ces choix étaient attaqués dans les instances ou à l’époque de la campagne de tags », renchérit un membre du conseil d’administration de Lyon 2. « Elle a réussi à tenir la maison grâce à son calme et sa qualité de dialogue », résume un autre. Quand elle regarde dans le rétro, Nathalie Dompnier se targue, elle, d’avoir amené plus de transversalité avec des décisions prises sous sa présidence en « liens étroits » avec ses vice-présidents et les équipes internes. « Parce qu’on se trompe quand on décide tout seul », pose-t-elle.

Une machine difficile à manœuvrer

Autant dire que Nathalie Dompnier a, selon les observateurs, les épaules pour donner une nouvelle dynamique à l’Université de Lyon. En s’appuyant notamment sur les réussites communes, comme l’inauguration fin janvier, dans le 7e arrondissement, d’un centre de santé mentale (avec médecins généralistes, infirmière, psychologue et psychiatre) destiné à tous les étudiants de Lyon, ou encore l’ouverture dans les prochaines semaines du bâtiment I-Factory sur 6500 m2 à la Doua, qui se présente comme un lieu totem dédié à la créativité, l’entrepreneuriat et l’innovation.

« Ces exemples illustrent bien ce que peut apporter l’Université de Lyon aux établissements membres. Ces projets ne peuvent pas être portés par une seule université, mais prennent sens à l’échelle du site. Il faut trouver des formes de coopération dès lors qu’il y a un intérêt à le faire ensemble », martèle Nathalie Dompnier, qui n’ignore pas que l’Université de Lyon est une machine difficile à manœuvrer avec ses 35 membres qui ont parfois des attentes et des stratégies divergentes. « Son rôle est complexe, mais elle est patiente, sereine et déterminée. On sent, lors des derniers conseils, que les discussions sont fructueuses. C’est donc plutôt très prometteur pour la suite », rapporte l’ancienne élue Karine Dognin-Sauze, qui siège au conseil d’administration de l’Université de Lyon.

« On se trompe quand on décide tout seul »

En plus de la grande majorité des administrateurs qui ont appuyé sa candidature, Nathalie Dompnier peut également compter sur un soutien politique, à écouter le vice-président de la Métropole en charge des Universités, Jean-Michel Longueval : « Nathalie Dompnier est quelqu’un que j’apprécie beaucoup, avec qui j’ai eu des échanges réguliers et directs lorsqu’elle était présidente de Lyon 2, et moi, maire de Bron. Elle a le bon profil pour ce poste et une bonne vision de ce que doit être l’Université de Lyon. »

Adoubée, elle l’est aussi par le président de la CCI régionale, Philippe Guérand. « Elle a noué des partenariats avec nous parce qu’elle est consciente de la nécessité de rapprocher les universités et les entreprises. Il y a une véritable qualité dans nos échanges, je me réjouis donc de la voir à la présidence de l’Université de Lyon. Le monde économique est prêt à la soutenir », affirme-t-il. Nathalie Dompnier a désormais toutes les cartes en main.

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BIO EXPRESS

1974 : Naissance à Clermont-Ferrand
2007 : Intègre l’Université Lyon 2
2014 : Devient présidente de Lyon 2
2020 : Réélue à la présidence de Lyon 2
Depuis juin 2024 : Élue présidente de l’Université de Lyon

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