LE MENSUEL DES POUVOIRS LYONNAIS

Éric Babolat : « Ceux qui se prennent trop au sérieux, moi, ça me saoule »

Il ne le cache pas, il n’aime pas se mettre en avant. C’est un trait de la personnalité du patron de Babolat (450 collaborateurs, 186 millions d’euros de chiffre d’affaires l’année dernière) qui est du genre rare en interview. Cela faisait donc un an que Lyon Décideurs cherchait à rencontrer la discrète figure de l’une des marques lyonnaises les plus connues au monde. L’anniversaire des 150 ans de l’entreprise familiale est le bon prétexte. Une fois installé dans le showroom au rez-de-chaussée du siège de Babolat à Vaise, Éric Babolat prend le temps d’aborder tous les sujets : sa prise de pouvoir au moment du décès de son père quand il avait 28 ans, sa relation avec Rafael Nadal, sa vision du management et, bien sûr, les défis actuels de la PME multinationale qui surfe sur le formidable essor du padel.

Babolat est une marque mondialement connue, mais son patron Éric Babolat cultive la discrétion. Parce que c’est l’un de vos traits de caractère ?

Éric Babolat : C’est vrai que je ne suis pas du tout présent dans les cercles lyonnais et que je ne cherche pas à me mettre en avant… Cela me permet d’être tranquille quand je marche dans les rues de Lyon et cela me va très bien. En revanche, je suis au service d’une marque et d’une entreprise, avec un rôle de porte-parole de Babolat qui est très important. C’est pour cela que je m’investis davantage dans les réseaux internationaux du sport et du tennis. Ce n’est pas du snobisme, mais cela a simplement du sens pour moi.

La marque Babolat fête cette année ses 150 ans. Qu’est-ce que cet anniversaire représente pour vous ?

C’est forcément un événement particulier dans la vie d’une entreprise familiale. Je dis souvent que Babolat, c’est des racines et des ailes. Nos racines, c’est notre histoire qui nous donne de la force pour aller de l’avant.

On est encore là 150 ans après la création de l’entreprise parce qu’on a toujours gardé ce côté pionnier, on essaie d’avoir un temps d’avance. Je ne vise pas la rente et je ne me dis pas « c’était bien avant ». Nous allons donc utiliser cet anniversaire pour montrer toute la richesse des produits Babolat.

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Parce qu’aujourd’hui, il y a des jeunes qui jouent au padel et qui pensent que Babolat est une marque de chaussures de padel sans forcément connaître notre longue histoire dans le tennis…

Justement, c’est quoi le défi de Babolat au moment de fêter ses 150 ans ? Devenir numéro 1 mondial en padel en plus d’être numéro 1 mondial entennis ?

En tennis, on se bagarre effectivement pour la place de numéro 1 mondial sur les cordages et les raquettes. En padel, c’est un peu plus compliqué à déterminer.

« Au-delà d’être mon nom de famille, Babolat est une marque que les gens aiment. Et ça, c’est le plus important pour moi »

On estime que nous sommes numéro 1 hors d’Espagne, mais l’Espagne est aussi le plus gros marché… Donc oui, l’ambition est bien de devenir le numéro 1 mondial en padel, même si on est déjà leader dans beaucoup de pays.

Quand avez-vous senti que le padel allait devenir un truc de fou ?

Cela fait 20 ans que l’on s’est lancés dans le padel chez Babolat. Nous avons la chance, avec nos filiales internationales et nos relais dans plus de 150 pays dans le monde, de capter les sports dès qu’ils émergent. Un peu à l’image de ce qu’il se passe actuellement avec le pickleball (une sorte de mélange entre le tennis et le padel, NDLR) qui vient des États-Unis.

Pour le padel, nous avons été poussés par nos équipes locales espagnoles qui nous disaient : « C’est super important, il faut s’y mettre… » À ce moment-là, on n’entendait absolument pas parler de ce sport en dehors de l’Espagne !

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Nous avons donc démarré très tôt, ce qui nous a donné un temps d’avance il y a une dizaine d’années quand le padel a commencé à toucher très fortement d’autres pays comme l’Italie ou la Scandinavie. En France, ça vient doucement mais sûrement.

Il y a tous les ingrédients mais il faut des infrastructures, et ça prend un peu de temps. Ça coûte moins cher que de construire un terrain de tennis, mais ce sont quand même des investissements.

Vous disiez il y a quelques années que le padel pourrait rattraper le tennis à l’horizon 2030. Vous le pensez toujours ?

Oui, et cela pourrait même être avant 2030. Le tennis est un sport mondial, avec des marques et des produits mondiaux, mais on parle d’un marché de 1,5 milliard d’euros de vente par an dans l’ensemble des magasins de la planète.

C’est l’équivalent du chiffre d’affaires de quatre supermarchés en région parisienne ! Donc le business est très modeste. Le padel, aujourd’hui, c’est 300 millions d’euros et je suis persuadé que ça fera bientôt aussi 1,5 milliard d’euros.

Parce qu’il y a beaucoup de pays où l’on ne joue pas encore au padel, et parce que c’est aujourd’hui un sport exclusivement d’adultes. Il n’y a pas de matériel adapté aux enfants, mais ça va venir. Donc le potentiel est exponentiel.

Mais vous, chez Babolat, le tennis représente encore près de 80 % de vos ventes contre 17 % seulement pour le padel…

Parce que l’on joue au tennis dans 150 pays, alors que l’on pratique le padel dans seulement une dizaine de pays. Mais cela émerge un peu partout donc ça va très vite devenir aussi gros, voire plus gros que le tennis. Surtout qu’on devient très vite addict au padel, c’est un sport ludique où l’on s’amuse entre copains. En Espagne ou en Italie, il est déjà supérieur au tennis. Ça peut aller vite à partir du moment où les infrastructures existent.

Et vous pensez que le tennis, votre marché historique, est condamné à stagner ?

Le tennis reste un sport majeur, le sport individuel le plus médiatisé au monde. Mais c’est vrai que le marché est plutôt stable. Le Covid lui a donné un petit coup de boost avec des gens qui ont redécouvert ce sport pendant les confinements, donc nous sommes aujourd’hui plutôt en « stagnation plus » alors qu’on était en « stagnation moins » avant le Covid.

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Mais effectivement, le tennis n’est pas en croissance exponentielle comme le padel ou le pickleball qui sont des tennis faciles, accessibles. On prend une raquette et on s’amuse. En particulier pour le pickleball auquel on peut jouer n’importe où, même sur un parking : il faut juste un filet, on trace une ligne et c’est parti !

Le pickleball est un marché encore marginal pour Babolat (moins de 1 % des ventes l’année dernière). Mais un premier complexe vient d’ouvrir à Saint-Priest avec Laurent Fiard parmi les investisseurs. Vous y croyez à ce sport ?

Pour être honnête, je n’y croyais pas trop au départ. Je pensais que c’était le padel des Américains et que ça ne prendrait qu’aux États-Unis. Mais il se trouve que c’est un sport à la mode qui se développe un peu partout. On va voir quelle ampleur ça va prendre…

Pour vous, ce sont des sports concurrents au tennis en matière de business ?

Certains ont voulu opposer le tennis et le padel, en se disant que le padel allait piquer des joueurs au tennis. Mais non, c’est comme si vous disiez que le foot sur une plage fait de la concurrence au foot sur un terrain en herbe. C’est complémentaire, et les gens peuvent pratiquer les deux…

Est-ce que vous pensez que, sans Rafael Nadal, Babolat serait quand même numéro 1 mondial du tennis aujourd’hui ?

C’est très difficile à dire… L’histoire de Babolat a toujours été liée à celle de grands champions. Cela a commencé dès l’époque des Mousquetaires qui utilisaient nos cordages quand on ne faisait pas encore de raquettes ; puis Björn Borg, Pete Sampras, Boris Becker, Yannick Noah, Carlos Moyà et aujourd’hui Carlos Alcaraz ou encore Felix Auger-Aliassime…

« La meilleure preuve que nos produits sont bons, c’est quand des champions jouent et gagnent avecnos raquettes »

Ces noms sont forcément importants pour la crédibilité de la marque. C’est comme pour le matériel de ski, si vous n’avez pas des champions qui gagnent, ça marche moins bien. La meilleure preuve que nos produits sont bons, c’est quand des champions jouent et gagnent avec nos raquettes.

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Et on est fiers de voir nos produits dans les mains de ces champions. Pour revenir à Nadal, il est tellement hors norme par sa personnalité, sa longévité au plus haut niveau, son talent exceptionnel et tous les titres gagnés… Il a forcément contribué de façon importante à la notoriété de la marque.

Et vous, quel est votre lien avec ces grands champions que vous côtoyez depuis toujours ?

Je ne vais pas dire que c’est normal pour moi, mais je suis habitué à croiser des personnes connues. Et ça a commencé quand j’étais super jeune. Quand j’étais petit et que j’allais à Roland-Garros avec mon papa, on serrait la main d’un vieux monsieur avec un grand manteau en laine, et c’était René Lacoste. Moi, je ne me rendais pas compte que c’était une légende.

Éric Babolat © Susie Waroude

On me disait de dire bonjour au monsieur, je disais bonjour au monsieur. Puis, quand j’ai eu 15 ans, mon job d’été était de faire les cordages des joueurs sur des tournois. Donc je me suis retrouvé en backstage avec des champions.

À l’époque, c’était Pete Sampras, Boris Becker… Je cordais leurs raquettes, ce qui n’est pas très compliqué à faire, mais j’étais impressionné par ces stars que je voyais à la télé. C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte de l’importance de nos produits pour ces champions.

La raquette, c’est le prolongement du bras des tennismen. Je me souviens aussi de moments passés avec Guy Forget dans le jardin de notre maison à Wimbledon. Il était tout content de retrouver des copains après sa journée de tennis. Cela m’a permis de me familiariser avec ces gens un peu hors norme. Et de me rendre compte qu’ils sont en fait sympas et normaux. Enfin, pour la plupart, pas tous (rires).

Nous avions échangé en 2013 lorsque vous lanciez sur le marché la première raquette connectée au monde, qui donnait notamment des informations sur la puissance de la frappe ou la zone d’impact de la balle… Vous prédisiez alors que le tennis « serait entièrement connecté d’ici 2020 ». Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Il ne s’est pas passé ce qu’on avait prévu.

Ça, on est d’accord, mais c’était la technologie qui n’était pas au point ? Le produit qui n’était pas suffisamment utile ?

La raquette fonctionnait parfaitement, plein de champions, dont Rafael Nadal, l’ont utilisée sur le circuit, et on a compté jusqu’à 20 000 joueurs qui l’utilisaient sur la planète. Mais, pour le dire en anglais, c’est resté un nice to have et non un must to have.

Le monde du tennis est bien devenu digital comme on le présentait – on achète sa raquette sur internet, on réserve un cours sur internet –, mais la raquette n’est pas devenue connectée. Donc, nous avons arrêté au bout d’un moment parce que l’on dépensait beaucoup de sous.

C’est une déception, car je pensais que la raquette connectée allait devenir la norme. Mais on a beaucoup appris en développant ce produit. Et puis c’est aussi ça d’innover, il ne faut pas avoir peur de rater plein de trucs.

Dans votre communication des 150 ans, vous dites que la liste des produits Babolat sera bientôt enrichie. Quelles sont vos prochaines nouveautés ?

On est en train de développer une gamme dédiée au joueur espagnol de padel Juan Lebrón, l’une des premières légendes de ce sport. Avec un logo inspiré de son surnom « El lobo », le loup. Nous avons aussi imaginé une collection particulière pour les 150 ans de Babolat avec des produits un peu vintage revisités.

Et on travaille toujours à des innovations. Nous avons notamment un projet avec le fabricant de textiles techniques Chamatex, implanté en Ardèche. L’idée est de construire la première usine de chaussures automatisée au monde.

Aujourd’hui, les semelles de nos chaussures sont équipées de tiges déjà développées en partenariat avec Chamatex. Ces tiges sont fabriquées dans son usine en Ardèche, puis on les envoie dans nos usines au Vietnam pour être assemblées. Ce projet a pour objectif de rapprocher l’endroit de fabrication des zones de commercialisation.

Babolat est également présent sur le marché du badminton, où vous menez une offensive en Chine depuis quelques années. Avec quels résultats ?

En France, en Angleterre ou en Allemagne, le badminton pèse environ 20 % du business. Mais en Asie, et plus particulièrement en Chine, c’est un sport aussi populaire que le football et la pétanque réunis.

On a ouvert une filiale en 2020 avec nos propres forces commerciales pour faire ce qu’on appelle un test and learn. L’idée est de trouver comment Babolat peut exister en tant que marque française dans un sport très asiatique pour lequel il existe déjà plus de 300 marques.

Vous comptez neuf filiales à l’international (États-Unis, Chine, Japon, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne…) et on trouve des produits Babolat dans plus de 150 pays dans le monde. Il vous reste encore des zones à conquérir ?

Aujourd’hui, les seules zones à conquérir se trouvent en Afrique centrale. Ce sont des pays avec des populations très jeunes et il n’y a pas encore beaucoup de sports de raquette. Mais ça va venir, et je pense notamment au pickleball.

Sinon, il n’y a pas de marché avec des sports de raquette où nous ne sommes pas présents… À l’exception de la Russie, où nous étions très forts, mais que nous avons décidé de quitter depuis le début de la guerre en Ukraine.

Cette présence à l’international vous fait dire que vous avez les problématiques d’une multinationale et les moyens d’une PME familiale de 450 personnes…

Oui, je dis que l’on est une multinationale, non pas dans le sens d’une grosse compagnie, mais dans le vrai sens du terme, car on est allemand en Allemagne, espagnol en Espagne et ainsi de suite… C’est notre culture, même si ce n’est pas évident de fonctionner comme ça avec les moyens d’une entreprise de la taille de Babolat.

Et je ne renie absolument pas le fait d’être français. Au contraire, il faut même parfois rappeler que Babolat est une marque française. Un jour, j’ai même reçu un courrier d’un étudiant français qui m’avait écrit en anglais. Je l’ai appelé et je lui ai dit : « C’est bizarre votre truc, pourquoi vous m’écrivez en anglais ? » En fait, comme Babolat est un leader mondial, il pensait qu’on était une boîte américaine !

Quand vous prenez la direction de l’entreprise en 1998, Babolat réalise 150 millions de francs de chiffre d’affaires, et aujourd’hui, c’est 186 millions d’euros par an. Qu’est-ce que vous vous dites quand vous regardez dans le rétro ?

Je mesure le chemin parcouru, et j’en suis fier, même s’il y a encore plein de choses à faire. Mais vous savez, pour moi, les chiffres sont davantage des conséquences que des objectifs. Cela veut surtout dire que l’impact de notre marque est plus fort, que l’on touche plus de gens et c’est ça qui me réjouit.

Et puis, nous avons grandi, mais nous n’avons pas fondamentalement changé. Je tiens au fait de rester une entreprise à taille humaine avec 450 collaborateurs dans le monde. On se connaît les uns les autres et c’est ce qui fait notre culture, notre force et notre différence. En tous cas, nos interlocuteurs – distributeurs, importateurs, grands magasins… – disent souvent « avec vous, c’est pas pareil ».

Je parle donc d’une famille élargie parce que la relation dépasse souvent le cadre du business. Surtout que nous travaillons dans un univers de passionnés. Les gens qui pratiquent des sports de raquette ne le font pas par obligation, mais parce qu’ils y prennent du plaisir.

Et vous, votre meilleur classement au tennis ?

Pff ! 30/4, parce que je n’ai jamais vraiment fait de matchs dans des tournois. Mais j’avais la chance d’avoir un terrain de tennis chez mes grands-parents. Je jouais beaucoup avec mes cousins, donc il y avait match, même si ça ne comptait pas dans le classement !

« Le flambeau était par terre, je l’ai pris parce qu’il fallait continuer. Personne ne me l’a demandé, personne ne m’en a empêché »

Et j’ai toujours joué au tennis pour m’amuser. Ceux qui se prennent trop au sérieux, moi, ça me saoule. J’ai une vision personnelle très ludique du tennis. Gagner pour gagner, ce n’est pas pour moi, surtout que je ne suis pas très bon (rires). Donc quand je perds, je suis moins énervé que Rafael Nadal !

Vous aviez 28 ans lorsque votre père, Pierre Babolat, décède dans une catastrophe aérienne. Vous dites « je me suis jeté dans le bain et j’ai appris à nager ». Les bases étaient posées avec le lancement de vos premières raquettes en 1994, puis le sacre de Carlos Moyà à Roland-Garros en 1998. C’était donc à vous de véritablement lancer la machine ?

C’est ce dont j’étais convaincu à l’époque, mais ça ne marchait pas encore aussi bien qu’aujourd’hui. Et j’avais probablement un peu d’insouciance, il en fallait… Mon père avait 51 ans au moment de l’accident, moi 28 ans, et j’étais au marketing à faire des raquettes. Je ne savais pas diriger une entreprise mais j’avais conscience d’une chose : au-delà d’être mon nom de famille, Babolat est une marque que les gens aiment. Et ça, c’était le plus important pour moi.

Vous vous êtes posé la question ou c’était une évidence de reprendre le flambeau ?

Le flambeau était par terre, je l’ai pris parce qu’il fallait continuer. Personne ne me l’a demandé, personne ne m’en a empêché. Et je ne me doutais pas, à cette époque, que j’avais en moi cette dimension d’entrepreneur. Finalement, je m’en sors plutôt pas mal et surtout ça me plaît. Je kiffe ça ! Comme quoi, on peut ne pas être prêt, mais avoir envie et se donner les moyens de réussir.

Oui, parce que c’était une hypothèse que vous repreniez un jour l’entreprise, mais évidemment pas à ce moment-là…

Je ne savais rien faire, il y a plein de choses que je ne maîtrisais pas et j’en avais tout à fait conscience. Mais, sans vouloir m’envoyer de fleurs, une de mes plus grandes réussites a été de réussir à m’entourer de gens compétents qui m’ont aidé à apprendre.

C’est quoi votre type de management ? J’ai lu qu’en réunion, vous demandiez à vos collaborateurs de prendre la parole avant vous « parce que la parole du patron est trop souvent considérée comme la ligne à suivre ». C’est vrai ?

Oui, c’est vrai. Je m’attache à cela parce que la parole d’un chef d’entreprise pèse, d’autant plus que Babolat porte mon nom. Les gens ont tendance à me dire : « Cette entreprise, c’est toi. » Alors que non, pas du tout. Moi, mon rôle, c’est de diriger et de rendre des comptes à mes actionnaires.

Donc même si mon enthousiasme fait que j’ai parfois envie de m’exprimer en réunion, je m’attache à ne pas parler trop vite et trop tôt. Parce qu’une fois que j’ai dit un truc, ceux qui ne pensent pas comme moi vont avoir du mal à le dire. Mais la force d’un groupe, c’est justement d’être capable d’avoir cet esprit de contradiction, de pouvoir dire « on n’y croit pas » ou « on ne comprend pas » ou « on n’est pas d’accord ».

C’est peut-être aussi mon tempérament, une forme d’humilité, même si c’est étrange de le dire comme ça (rires). Surtout, je pense que cela vient avant tout de mon histoire, je me suis toujours entouré de personnes qui savaient mieux faire que moi. Donc je suis très à l’aise avec le fait de prendre en compte des avis divergents. Même si cela peut parfois perturber les collaborateurs.

C’est-à-dire ?

Quand je suis convaincu de quelque chose, je me fais souvent l’avocat du diable pour vérifier si une idée est solide ou pas. Alors des managers ou des collaborateurs peuvent se dire : « Ouh là là ! il critique le truc donc il n’est pas d’accord. »

« On a pris conscience que nul n’est éternel et nul n’est indispensable »

On a l’impression que je descends le projet, mais ce n’est pas ça, c’est juste que je veux des arguments pour démontrer que l’idée tient la route. C’est mon mode de fonctionnement pour me conforter, même si ce n’est pas un mode de fonctionnement très habituel (rires).

Vous avez deux enfants bientôt majeurs, vous pensez déjà à la 6e génération ?

Oui, j’y pense forcément. Mais rien n’est encore écrit.

Selon vos plans, ils pourraient bientôt rentrer dans l’entreprise ?

Peut-être, on verra… Il faut les intéresser à l’entreprise, les cultiver, mais surtout pas les forcer. Ce serait terrible. La seule certitude, c’est qu’ils hériteront un jour capitalistiquement d’une partie de cette entreprise.

Après, est-ce qu’ils travailleront ou pas chez Babolat ? Pour moi, la priorité est que l’entreprise reste familiale et qu’elle soit pérenne dans le temps long. Avec ce que j’ai vécu, je sais que tout peut arriver. Je m’assure donc, par sa structuration, que l’entreprise n’entrerait pas dans une zone de risques si quelqu’un disparaissait. On a pris conscience que nul n’est éternel et nul n’est indispensable.

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BIO EXPRESS

26 mars 1970 : Naissance à Lyon.
2 septembre 1998 : Son père, Pierre Babolat, décède dans une catastrophe aérienne. Éric Babolat reprend les rênes de l’entreprise, accompagné de l’ancien directeur général Marc Rubellin.
2001 : Éric Babolat devient président de Babolat.
2005 : Rafael Nadal remporte le premier de ses 14 titres à Roland-Garros.
2025 : Éric Babolat fête les 150 ans de l’entreprise familiale.

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